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Suisse

Dos au mur, le PS joue gros en 2022

Année cruciale pour le Parti socialiste suisse. En difficulté dans les cantons et au parlement, son coprésident espère accumuler les victoires pour inverser la tendance d’ici les élections fédérales de 2023. Interview

Coprésident du PS, l’Argovien Cédric Wermuth entend bien défendre bec et ongles les deux sièges socialistes au Conseil fédéral.

4 janvier 2022 à 19:35

Temps de lecture : 1 min

Politique » Le Parti socialiste (PS) suisse peut-il freiner sa chute? Après deux années de galère dans les urnes, le deuxième parti du pays se doit de redresser la barre en 2022. A défaut, il risque une déconfiture aux élections fédérales et la perte de son deuxième siège au Conseil fédéral. Au profit des Verts? Peut-être. Interview de Cédric Wermuth, conseiller national argovien et coprésident du parti.

En guise de carte de vœux, le PS suisse a réalisé une vidéo aux couleurs sombres et au ton grave. Vous êtes nerveux?

Cédric Wermuth: Non, pas nerveux. Mais c’est vrai qu’il y a une certaine tension politique et nous sommes à un moment crucial de la législature. Malgré les défaites que vous évoquez, la première partie de législature nous a quand même permis d’obtenir des avancées sociales auxquelles nous n’aurions pas cru, comme la rente-pont pour les travailleurs âgés ou les soutiens à l’économie et à la culture durant la pandémie.

Vous êtes quand même passablement poussés dans les cordes…

Oui, mais nous avons la chance de corriger dans les urnes toutes ses attaques et agressions contre l’Etat et la justice sociale. Quand je vois que l’initiative sur les soins infirmiers a été le premier texte syndical à gagner en votation, je suis plutôt optimiste.

Cette position défensive vous arrange-t-elle?

Nous ne cherchons pas les référendums à tout prix et nous sommes ouverts aux compromis, par exemple pour la réforme de l’impôt anticipé. Mais elle supprime un impôt sans le remplacer. C’est une incitation à la criminalité fiscale et cela entraîne des pertes d’un demi-milliard de francs si les taux d’intérêt augmentent. Le tout au moment où l’on explique à la population que nous allons devoir faire des économies pour éponger les dettes du Covid. Ce n’est pas acceptable.

Aussi, être sur la défensive nous permet de clarifier les positions avant les élections fédérales de 2023.

En février, il y a la votation sur le droit de timbre. L’occasion d’enfin remporter une victoire?

Ce scrutin a un côté très symbolique. La suppression du droit de timbre est la première d’une longue liste de réformes du système fiscal imposées par la droite. Je rappelle que nous sortons d’une vingtaine d’années de déductions pour les grandes entreprises. Une étude de la Confédération a montré que les impôts des entreprises ont déjà été réduits de plusieurs milliards de francs depuis 2000.

La votation sur la réforme de l’AVS va suivre, peut-être en automne. Là, ce sera défaite interdite?

Exactement. Ce sera l’une des votations les plus importantes de la législature car c’est une décision de principe sur l’augmentation de l’âge de la retraite. Pas seulement des femmes, mais de manière générale. Car en parallèle, il y a l’initiative des Jeunes PLR qui demande d’augmenter cet âge à 66 ans au minimum pour tout le monde. C’est simple: la hausse de l’âge de la retraite est commandée par les grandes banques et les assurances qui veulent vendre leur troisième pilier. Pour nous, c’est une question du maintien de l’AVS comme pilier social principal pour les retraités.

En même temps, quand la gauche fait un projet de réforme de l’AVS, le peuple dit non. Là, c’est la droite qui fait le sien. C’est de bonne guerre…

Non, car on ne s’en sortira jamais du moment qu’il y a une baisse des rentes. Après plusieurs dizaines d’années de vie professionnelle ou de travail familial, la population a le droit de vivre avec une rente qui permet une retraite digne.

Concernant l’Union européenne, vous avez présenté une feuille de route, qui prévoit d’abord une stabilisation puis une coopération et, enfin, une adhésion. Vous prêchez un peu dans le désert, non?

Sans majorité, notre proposition n’aura en effet aucun impact. Cela dit, notre idée de doubler le montant de cohésion a été refusée par un écart de dix voix au Conseil national. Cela veut dire que si cinq parlementaires changent d’avis, ça passe. Ce pourrait être le cas si la proposition ne vient pas du PS, mais du Conseil fédéral.

Donc c’est votre idée, mais elle ne doit pas venir de vous?

Ce qui ne va pas, c’est que tous les concepts actuels sur la question européenne repartent sur la même base de l’accord-cadre et vont droit dans le mur. Notre feuille de route propose de changer de logique, ce qui est indispensable. Autre objectif: forcer une clarification interne à la Suisse et une prise de décision. Ce serait bienvenu de la part du Conseil fédéral qui a décidé lui-même d’arrêter les négociations.

C’est pourtant votre camp qui a précipité la fin de l’accord-cadre…

Nous étions prêts à négocier en 2018 et avant. Mais quand on nous a expliqué que le Conseil fédéral ne s’intéressait pas à la protection des salaires, l’accord n’était pas acceptable. Le PS est toujours proeuropéen et nous allons proposer à l’automne une autre feuille de route à plus long terme pour l’adhésion. Mais cette dernière n’est pas un but en tant que tel: elle doit permettre d’améliorer la vie de la population des deux côtés de la frontière.

Toutes ces thématiques peuvent-elles vous permettre de reprendre le leadership de la gauche?

Cette année va nous permettre de montrer les liens du PS avec les différents champs politiques. Depuis deux ans, il n’y en a eu que pour le Covid. C’est normal mais, désormais, avec les attaques de la droite ou le manque d’ambitions sur le climat, nous pouvons montrer qu’il manque un plan général de développement pour le pays, qu’il faut une nouvelle impulsion.

Au PS, nous avons une vision claire sur toutes ces différentes thématiques et nous pouvons les mettre ensemble. C’est pour cela que nous allons lancer deux initiatives (sur les crèches et pour un fonds destiné au climat), et en même temps démontrer que les questions de justice sociale, de liberté et de climat sont liées et ne peuvent être résolues que par des investissements et un renforcement des services publics.

L’idée cachée n’est-elle pas aussi de stopper les Verts? Le même jour, ils ont lancé un texte sur le climat qui est similaire…

Non. Nous nous sommes rendu compte que nos deux initiatives étaient les mêmes sur le fond. Nous allons trouver une solution commune. Du côté du PS, nous avons compris que la grande faute concernant la loi CO2 a été d’accepter une solution libérale contre le réchauffement et de faire trop de compromis avec la droite. Notre idée de fond pour le climat est de renverser la logique dans laquelle cette loi a été faite: miser sur l’investissement et la justice sociale, et ne pas tomber dans la moralisation et la responsabilisation individuelle. Ce qu’il faut maintenant, c’est un projet collectif.

Il y a déjà la nouvelle mouture de votre ministre, Simonetta Sommaruga…

C’est un début et la seule possibilité aujourd’hui acceptable politiquement. Notre conseillère fédérale a été très rapide avec son nouveau projet, obtenant une majorité au Conseil fédéral. Ce qui est bien, c’est que cette loi va dans la bonne direction en misant sur des subventions et en évitant de nouveaux impôts indirects.

Les faits et le manque d’ambitions sur le climat sont extrêmement graves, mais les discours actuels provoquent une réaction de peur et de fermeture de la part de la population. Nous devons désormais avoir une politique d’espoirs, pour les places de travail, le bien-être, pour la formation et les opportunités pour nos enfants.

Ça sonne un peu comme l’écologie heureuse des années 1990…

Un peu oui. Mais je rappelle que la Suisse était pionnière à l’époque. Elle a par exemple été l’un des premiers pays à introduire l’obligation d’un catalyseur sur les voitures. Cet élan a été perdu.

En fait, vous tirez la couverture climatique vers vous…

Non. Je ne ferai pas campagne contre les Verts car les quelques pour cent qui changent de camp ne sont pas décisifs. Ce qui est décisif, c’est le changement de majorité en 2023. C’est un fait que l’approche libérale sur le climat est un échec. Seul le concept socialiste est capable de débloquer la question: les problèmes collectifs demandent une réponse de service public collectif.

J’imagine que vous avez peur de perdre un siège à leur profit en 2023?

Je suis persuadé que les partis bourgeois sont déjà en train d’élaborer une stratégie pour cela. Mais leur but n’est pas de remplacer un socialiste par un vert, mais de prendre soit le Département fédéral de l’intérieur (DFI, occupé par Alain Berset), soit le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC, occupé par Simonetta Sommaruga). Il est là, le danger: perdre la santé et la garantie qu’il n’y ait pas de médecine à deux vitesses, ou l’environnement et la politique climatique.


Initiative sur les crèches

Le Confédération doit prendre en main la question des places dans les crèches, estime le Parti socialiste.

Dans un mois, lors de votre congrès, vous allez présenter à vos membres une initiative sur les crèches. Concrètement, que demandez-vous?

Cédric Wermuth: Si nous voulons faire avancer en même temps la justice sociale, l’égalité au sens large et l’égalité des chances pour les enfants dans un contexte d’inégalité extrême, le droit à une place dans une crèche est crucial. Dans ce domaine, la Suisse est un pays en voie de développement, avec des pratiques très disparates – disponibilités, coûts, etc. – selon les régions.

Nous ne souhaitons pas changer le système fédéraliste, mais obliger les cantons à assurer une offre qui correspond à la demande réelle. Le tout avec une aide financière de la Confédération à hauteur de deux tiers. De plus, le texte exige une revalorisation des conditions de travail dans les crèches et une reconnaissance du travail essentiel qui y est effectué.

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