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Suisse

«Décloisonner l’histoire des femmes»

Créer un musée sur la place des femmes dans l’histoire? Le Conseil national doit en débattre mardi 13 septembre.  


Elsa Rohrbasser

Elsa Rohrbasser

12 septembre 2022 à 00:43

Temps de lecture : 1 min

Session parlementaire » Faut-il créer un musée national sur la place de la femme dans l’histoire en Suisse? Sauf changement de dernière minute, le Conseil national est appelé à débattre demain de cette motion présentée par la députée Marianne Streiff-Feller (Parti évangélique, BE). La commission de la science, de l’éducation et de la culture de la Chambre du peuple soutient le texte. Son homologue du Conseil des Etats également, mais dans une version amendée. En revanche, le gouvernement appelle à rejeter la motion. Entretien avec une spécialiste de l’histoire des femmes, la chercheuse et enseignante Pauline Milani, de l’Université de Fribourg.

Que pensez-vous de cette motion?

Pauline Milani: Elle est très intéressante et révèle un intérêt croissant des politiques et du public pour l’histoire des femmes, négligée pendant trop longtemps. Il est important de «démasculiniser» le récit historique. Mais attention de ne pas sombrer dans une forme d’essentialisme où l’on présenterait l’histoire de «la» femme, comme s’il en existait un profil stéréotypé. Ce musée devrait valoriser le parcours de toutes les femmes, dans leur diversité. Et cela ne devrait pas empêcher d’autres musées de mener une réflexion approfondie sur leurs collections et leur mise en récit. Un musée national sur les femmes permettrait de mettre en valeur un pan essentiel de l’histoire, mais ne saurait en montrer à lui seul la complexité.

Quels pourraient être les thèmes traités par une telle institution?

Une vision globale est indispensable. Un des grands thèmes à aborder, selon moi, est la manière dont les femmes ont été incluses dans la citoyenneté. Ce processus a commencé bien avant qu’elles n’obtiennent le droit de vote en 1971. Mais il n’y a pas que l’histoire politique qui est importante. Des réflexions sur des thèmes relevant de l’histoire économique, sociale, culturelle ou liés à la vie quotidienne doivent également avoir leur place dans un tel musée.

Quelles évolutions observez-vous au sein de la communauté scientifique suisse concernant l’histoire des femmes?

Je trouve passionnant d’être actuellement une chercheuse travaillant sur l’histoire des femmes! Pendant longtemps, cette thématique était traitée à la marge. Ce n’est plus le cas. L’intérêt augmente énormément et j’observe un public mixte dans mes cours. Je pense que la grève des femmes en 2019, puis le cinquantième anniversaire du suffrage féminin en Suisse en 2021, ont contribué à cet engouement. J’espère que le soufflé ne va pas retomber.
Au niveau de la recherche, nous sommes en train de décloisonner l’histoire des femmes et de l’inscrire dans un récit global. Par exemple, il y a encore 20 ans, on considérait 1848 comme l’année de l’introduction de la démocratie universelle en Suisse. Or à cette époque, seuls les hommes chrétiens et sans difficultés financières avaient le droit de vote. Aujourd’hui, 1971 est de plus en plus vue comme le début de la démocratie universelle dans notre pays.

 

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