Motocyclisme » Effroyable. Victime d’une lourde chute en qualification du Grand Prix d’Italie, samedi au Mugello, Jason Dupasquier a succombé à ses très graves blessures à la tête et au thorax, dimanche matin. Il aurait eu 20 ans le 7 septembre prochain.

L’accident s’est produit, samedi en début d’après-midi, dans le dernier tour de qualification de Moto3, à la sortie de la courbe Arrabbiata II du tracé vallonné du Mugello. Après les premiers soins administrés à même le bitume durant une quarantaine de minutes, le pilote gruérien a été héliporté vers l’hôpital Careggi, à Florence, dans un état qualifié de «très grave». Il souffrait d’un sévère traumatisme crânien, doublé de complications thoraciques et abdominales. Jason Dupasquier a subi une opération dans la nuit de samedi à dimanche pour endiguer une blessure vasculaire à la cage thoracique. Malgré tous ses efforts et ceux de la faculté, l’infortuné n’a pas survécu.

Sur la piste dès 2015

Fils de Philippe, vingt fois champion de Suisse en motocross et supermoto, Jason Dupasquier avait fourbi ses armes de pilote en supermoto d’abord. En 2018 et 2019, il avait même croisé le fer avec son paternel, roi de la catégorie Prestige. C’est en 2015 que le fiston a goûté à la piste, gravissant rapidement les échelons qui l’ont mené au firmament de la Moto3. Dès l’année suivante, il remportait la North European Cup. Une fracture au fémur gauche – il s’était fait percuter par un concurrent à Valence – avait gâché pratiquement toute son année 2018.

Cette pause forcée ne l’avait pas empêché de rebondir en mondial junior de Moto3 et en Rookies Cup en 2019. Ses probants résultats lui avaient permis de forcer les portes des grands prix. En septembre de cette même année, il avait paraphé un contrat de deux ans, à compter de 2020, avec l’écurie germanique CarXpert Prüstl GP. Sa première approche des grands prix, le garçon l’avait frappée du sceau de l’apprentissage. Quand bien même il n’avait pu thésauriser de point, il avait néanmoins emmagasiné moult expérience et découvert de nombreux circuits, ceux d’outre-mer notamment. Vingt-huitième de la hiérarchie mondiale, il avait terminé les 15 épreuves de l’exercice, sa meilleure place restant une 17e au GP de France.

Pari tenu

Tenace, conscient aussi des exigences posées sur lui, Jason Dupasquier était fermement décidé à hausser le curseur cette année et à s’installer parmi les 15 meilleurs de Moto3. Pari tenu. Palier brillamment franchi. Le talentueux Fribourgeois avait terminé les cinq grands prix de ce début de saison dans les points avec, pour meilleure performance, un 7e rang au Grand Prix d’Espagne, le 2 mai dernier à Catalunya. Avant ce funeste week-end, il occupait la 10e place du classement général avec 27 points.

Trempé dans la sauce motocycliste à son berceau, l’attachant Jason Dupasquier aura dessiné une trajectoire météorite. Son amour de la vitesse et des sensations fortes n’avait d’égal que son humilité, son franc-parler coloré – si gruérien! – et son approche souriante du quotidien. Manette des gaz ouverte à fond, sa passion aura rythmé sa courte vie. Elle aura alimenté son adrénaline, piloté sa raison de vivre… jusqu’à l’inéluctable. Jusqu’à l’inimaginable. Samedi, sous le doux soleil de la campagne toscane, la KTM bleue No 50 a bouclé son dernier tour.

Le décès tragique de Jason laisse un grand vide dans la famille Dupasquier, sa maman Andrea, son papa Philippe, sa sœur Alysson et son frère Bryan.

Arrabbiata II, un endroit délicat

La courbe Arrabbiata II se situe dans une cuvette du circuit du Mugello. Elle se négocie aux environs de 160-170 km/h en Moto3. «Les pilotes de la catégorie passent au point de corde plus rapidement qu’en MotoGP ou en Moto2», précise Vincent Braillard. Le Glânois a roulé au Mugello en 2005 et 2006, lors de ses deux saisons vécues en Mondial 125 cmc, nom de la classe à l’époque. «Si un pilote ne s’inscrit pas de manière précise dans cette courbe, il est rapidement déporté. Ça devient alors très délicat, poursuit Vincent Braillard. Jason venait de se faire doubler à l’intérieur. Légèrement déporté, il a tenté de redresser sa moto tout en mettant les gaz le plus rapidement possible, afin de ne pas perdre le sillage du pilote qui le précédait.»

Depuis des lustres, les circuits ont subi d’importants travaux sécuritaires. Le tracé toscan itou. «Désormais, le grand danger naît des collisions entre les concurrents et les motos, enchaîne Vincent Braillard. C’est malheureusement ce qui est arrivé à Jason. Une moto 3 pèse environ 80 kg. Sa machine était lancée à plus de 170 km/h à la sortie de la courbe quand elle l’a percuté.» Compte tenu de la gravité de la situation, l’équipe CarXpert Prüstel GP de Jason Dupasquier a renoncé à prendre le départ de la course de dimanche. En Moto2, Thomas Lüthi, a lui également déclaré forfait. Compagnon occasionnel d’entraînement du Gruérien, le Bernois s’est rendu à l’hôpital florentin, aux côtés des parents de Jason. GL

Trois questions à Robin Mülhauser (pilote d’endurance, après 3 saisons de Moto2)