Logo

Ski

Un hiver pour les as du bricolage

Manque de neige, peu de courses, les skieurs alpinistes doivent se débrouiller pour réussir à s’entraîner

Orphelins du Trophée des Gastlosen, les skieurs alpinistes fribourgeois devront trouver des alternatives ces prochaines semaines.

7 février 2020 à 20:16

Ski-alpinisme » Nocturne de La Berra: annulée. Trophée des Gastlosen: annulé. Trophée des Monts-Chevreuils: annulé. Ce début d’année de Patrouille des glaciers se mue en casse-tête pour les skieurs alpinistes de la région cherchant à mettre un dossard. Même pour s’entraîner, les conditions sont devenues compliquées. Malgré quelques chutes de neige cette semaine, les sommets restent désespérément verts et trouver un malheureux couloir où pratiquer son art revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.

«L’hiver va passer et je n’aurai même pas pu faire une course dans la région», peste Maxime Brodard qui n’a pas participé à la Poya’ttack début janvier et qui ne pourra se rendre aux Paccots en mars à la veille de son départ pour la Pierra Menta. «C’est simple, dans la région, dès qu’il y a une petite crachée tu y vas sous la neige ou alors le lendemain matin, sinon tu sais qu’en 24 heures il n’y a plus rien. En fait, nous devons bricoler pour pouvoir s’entraîner», souligne Rémy Dénervaud.

La peur du redoux

La solution pour ceux qui veulent éviter les bouchons sur le bord des pistes de la région: s’exporter sous d’autres latitudes. Le Valais, par exemple, a été plus chanceux que les Préalpes en matière d’enneigement. C’est le choix qu’a fait Benoît Guex en profitant de ses vacances pour réaliser un bloc d’entraînement. «Il faut profiter. En semaine, en bossant à 100%, c’est impossible, admet-il. Mais en s’organisant bien les week-ends, Verbier n’est qu’à 1h20 de route de Fribourg et après le boulot (il travaille à Bulle, ndlr) je peux passer par La Berra par exemple.» La station gruérienne, de par son enneigement artificiel, a permis aux amateurs de peau de phoque de tout de même pouvoir pratiquer leur art. «Pour cela, on a de la chance, mais dès qu’il y a un redoux comme la semaine passée, c’est foutu, continue l’athlète de Matran. En habitant dans le canton de Fribourg, nous sommes obligés de faire au jour le jour. Il faut prendre ce qu’il y a quand c’est là.»

« Je préfère faire des entraînements nuls sur les skis, plutôt que de sortir mes baskets que je vois déjà tout l’été »

Rémi Dénervaud

Pour ceux qui veulent faire de longues sorties sans devoir rouler trois heures pour à peine autant de temps d’entraînement, il reste les alternatives, notamment la course à pied. «Franchement, je préfère faire des entraînements nuls sur les skis, plutôt que de sortir mes baskets que je vois déjà tout l’été, sourit Rémy Dénervaud. Après, le ski-alpinisme est un sport d’extérieur dépendant de la météo. Cette année, nous ne sommes pas gâtés, il faut être motivé.»

Il faudra s’exporter

Si Benoît Guex et Rémy Dénervaud ont profité du mois de décembre pour faire «de gros volumes», comme ils disent, notamment en Valais, ce n’est pas le cas de Maxime Brodard et de beaucoup d’autres qui n’ont eu que des jours par-ci par-là pour s’entraîner. «Pour l’instant, j’ai fait de bonnes performances sur les petites épreuves grâce aux restes de la course à pied de l’été dernier, rappelle le Gruérien. Mais il n’y a pas de miracles, pour la Patrouille, il faudra mettre les skis avant.» Et il aura le choix, car le programme sera gargantuesque ces prochaines semaines pour les bricoleurs de la région. La Maya, la 3D des Diablerets, l’Alpiniski, le Défi des Faverges ou encore le Tour du Rutor et la Pierra Menta pour lesquels il aime sortir des frontières helvétiques. «La Pierra Menta, ça me fait un peu plus peur par contre, c’est proche (du 11 au 14 mars, ndlr) et je devrai tout de même faire quelques montées avant de me lancer», rigole Maxime Brodard.

A 78 jours du grand départ de la Patrouille des glaciers, le temps presse. «Il faudra profiter de ces longues courses pour parfaire la forme, estime Rémy Dénervaud. La Pierra Menta, c’est typiquement l’équivalent de deux Patrouilles en l’espace de quatre jours. En termes de préparation, c’est top!»


«On nous a volé notre hiver»

Sur les six dernières années, il n’est pas passé un hiver sans qu’au moins une course ne soit annulée dans la région.

Le réchauffement climatique est en marche et forcément les Préalpes, de par leur faible altitude, sont les premières touchées en ce qui concerne les activités hivernales. Cela fait 35 ans que les températures annuelles moyennes sont systématiquement au-dessus de la normale, observées depuis 1864 par météosuisse. Pire que cela, depuis 2010, les écarts s’accentuent jusqu’à 2,5°C plus haut que la moyenne. «J’ai l’impression que cela ne va pas aller en s’arrangeant, estime Maxime Brodard. Du moins par chez nous. Je pense qu’en dessous de 1500m ce sera de plus en plus inskiable.»

Lire aussi » Les flocons se font désirer à Fribourg (31.01.2020)

«On ne peut nier le réchauffement climatique, mais je me demande si l’enneigement n’est pas quelque chose de plus cyclique, du moins à court terme, balance Benoît Guex. Il faudra prendre un peu de recul sur cette situation précise pour analyser l’évolution.» Cette saison n’inspire cependant pas à l’optimisme et ce ne sont pas les histoires des anciens de l’Intyamon, narrant des hivers à 2 m de neige dans la vallée qui feront dire le contraire. Des récits qui aujourd’hui sont plus proches de la légende. «Ça fait peur… Je me dis qu’on nous a volé notre hiver, souffle Rémy Dénervaud. On ne peut pas prétendre que ce n’est que passager et dans les Préalpes nous sommes les premiers touchés. J’entends souvent parler de mètres de neige aux Sciernes il y a quelques décennies, alors que la plupart du temps je n’ai connu que des petits tas par-ci par-là.» Et le skieur de 23 ans de se rappeler tout de même: «Il fut une époque où nous chaussions les spatules devant la maison, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Nous devons dorénavant compter sur la chance.» PB


Trois questions à Didier Moret

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Dans la même rubrique