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Lecteur en Liberté. Raphaël Chassot, Bulle

Raphaël Chassot, grand amoureux des hauteurs, s’est aventuré à deux reprises sur le Mont Everest. À présent, il se complaît dans sa retraite sportive. Interview

Raphaël Chassot pour le Lecteur en Liberté. Photo Lib/Alain Wicht, Fribourg,le 29.06.2022Alain Wicht/Alain Wicht/La Liberté

Raphaël Kadishi

Raphaël Kadishi

14 juillet 2022 à 23:08

Alpinisme » Quelle mouche a donc piqué Raphaël, 77 ans, pour se lancer à la conquête de l’Everest? Le toit du monde, ce sportif invétéré l’atteint finalement en 2002, lors de sa deuxième tentative. Il y laisse un orteil mais emporte d’inoubliables images à partager sans modération avec ses quatre petits-enfants.

«L’erreur que commettent beaucoup de gens c’est de vouloir à tout prix continuer»
Raphaël Chassot

Raphaël, pour commencer, de quel monde venez-vous?

Il faut imaginer la Broye, il y a une septantaine d’années. Ma mère enseignait à Broc jusqu’à ce qu’une place se libère à Bussy, c’est comme ça qu’elle a rencontré mon père. Lui était fils de paysan, dans une famille de quatre enfants. Deux ont repris le domaine, l’un s’est fait curé et mon père a eu la chance de faire le TEC à Fribourg. A l’époque, il se levait à 5 heures, partait fourrager, ensuite il se changeait et prenait le train à Cugy pour monter à Fribourg! Je crois qu’on ne se rend pas bien compte de la facilité qu’ont nos jeunes aujourd’hui…

Vous faites votre apprentissage à la Banque Cantonale et passez les 40 années suivantes à la Caisse de compensation du canton. J’imagine que ça se passait plutôt bien?

Le travail n’allait pas trop mal, c’est vrai. Et quoi qu’il en soit, j’avais tellement de possibilités de m’éclater ailleurs que ça n’a jamais été une grande corvée de me lever le matin pour aller bosser.

Ailleurs, vous entendez dans le sport. Une histoire qui ne date pas d’hier...

On peut dire que ma «carrière sportive» a débuté avec le football. A l’époque, il n’y avait pas grand-chose dans la région, on avait monté une petite équipe à Bussy et on organisait des rencontres avec les villages voisins mais c’était assez rare qu’on arrive à la fin du match! (Il rit) Ensuite, je suis monté à Fribourg, à Matran d’abord, puis j’ai intégré le FC Central en 2e ligue, et enfin quelques années en 1ère ligue. A trente ans, j’ai tout arrêté et j’ai pris, comment dire…

De l’altitude!

Oui c’est ça. En 1977, je m’inscris au Club alpin. On commence par faire des courses avec des gens compétents et petit à petit, on passe soi-même chef de courses. Après c’est comme tout, quand vous êtes passionné, vous voulez toujours aller plus loin. Vous commencez par un gentil 4000, puis vous tentez un 4000 plus costaud, etc. On a envie de voir où se situent nos limites tout simplement. J’avais eu l’occasion de gravir quelques 6000, dont le Chimborazo en Equateur, et il faut dire que ça c’était très bien passé. Alors forcément, vous voulez voir si vous êtes capable d’aller un petit peu plus haut...

Même si vous aviez déjà plusieurs 8000 au compteur, l’Everest est une expédition qui ne s’improvise pas…

Non, en effet. Le guide de montagne Kari Kobler m’avait contacté une année avant ma première tentative et j’ai pris le temps de réfléchir, voir déjà si je pouvais trouver le temps, on compte quand même deux mois pour l’Everest. Pour le reste, c’est surtout une question de chance. 

C’est-à-dire?

Il faut savoir que votre condition physique diminue quand vous êtes dans un camp d’altitude, soit aux environs de 6000 mètres, vous avez des maux de tête, l’estomac ne supporte plus rien, etc. Pour éviter l’œdème vous devez redescendre, il faut facilement une semaine, puis remonter, s’acclimater à nouveau et enfin attendre la bonne fenêtre météo. La première fois, j’ai pu atteindre 8300 mètres mais au matin de la dernière ascension, un vent terrible s’est levé... 

Ce doit être terriblement frustrant!

Quand même! Mais ma foi on est là, on est en vie.

Vous récidivez pourtant deux ans plus tard, en 2002.

Oui et ça s’est bien passé cette fois, il faut dire que j’avais un avantage sur les autres: c’est que moi je connaissais un peu l’affaire! (Il rit) J’ai été très mal fichu bien sûr mais je me suis dit: «Cette fois, je ne descends plus!»

Et alors, le toit du monde, c’est comment?

C’est fantastique évidemment mais je n’ai pas pu en profiter bien longtemps! J’étais à peine arrivé quand tout à coup, le voile total. Je m’étais brûlé les yeux avec le soleil et le froid. La descente a été vraiment pénible, il faut savoir que si vous arrivez au sommet au bout du rouleau, vous êtes foutu, il faut prévoir de la réserve pour redescendre. J’ai chuté deux fois, je me suis gelé les pieds et les mains, il m’a fallu plusieurs mois pour m’en remettre et j’ai même perdu un doigt de pied dans l’histoire!

Bilan, ça valait le coup?

Ouais, ça vaut le coup… (Il sourit) Et pis bon, c’est qu’un orteil!

Vous n’avez jamais eu peur?

Personnellement, non. Là-haut, j’ai croisé des collègues en bien meilleure forme que moi physiquement mais comme on dit: «C’est dans la tête que ça se passe». Maintenant oui par contre, déjà quand je vais me balader sur une arête par chez-nous! 

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