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Athlétisme

Athletissima. Viktoriya Tkachuk court pour l'Ukraine

En lice vendredi soir à Athletissima, la protégée de Laurent Meuwly court pour elle-même mais aussi pour l’Ukraine

Victoriya Tkachuk, ici dans le costume de coach avec la relève en marge d’Athletissima 2022, doit faire face à un quotidien complexe depuis 16 mois.

30 juin 2023 à 00:45

Temps de lecture : 1 min

Athlétisme » Laurent Meuwly et Femke Bol ont course gagnée. Jamais battu en 15 apparitions sur le circuit de la Diamond League, le joyau néerlandais va remporter le 400 m haies d’Athletissima. Reste à connaître le chrono et le nom de ses poursuivantes. Par ailleurs responsable de l’engagement des athlètes pour le meeting lausannois (lire ci-dessous), le Fribourgeois pourrait techniquement coloniser tout le podium, quatre des hurdleuses qu’il coache, de près ou de loin, étant inscrites au tour de piste auquel assistera le public de la Pontaise, vendredi soir à 21 h 28.

Victoriya Tkachuk est l’une d’entre elles. Et pas n’importe laquelle, puisque l’Ukrainienne de 28 ans a débarqué à Lausanne, où nous l’avons rencontrée, auréolée d’un statut de vice-championne d’Europe et avec ses valises, qu’elle transbahute d’un hôtel à l’autre au gré du calendrier. «Je ne suis pas rentrée à la maison depuis le 27 mai, date de mon premier meeting de la saison. Il me tient à cœur de retourner dans mon pays le plus souvent possible, pour montrer à tout le monde que la vie continue et que l’Ukraine résiste, mais je dois me rendre à l’évidence: les conditions n’y sont pas idéales pour une sportive d’élite.» Soupir.

«Si le pays a besoin de mes services, j’irai»
Victoriya Tkachuk

La plupart du temps, quand elle ne suit pas Laurent Meuwly et toute sa bande en camp d’entraînement, Victoriya Tkachuk s’époumone à Kiev, la peur au ventre. Depuis février 2022 et le début de l’invasion de la Russie chez son voisin, elle alterne sprints sur le tartan et courses de survie vers les abris sous-terrains. La sixième des JO de Tokyo ne compte plus les alertes à la bombe, les pannes d’électricité et les coups de chaud. «Il y a des journées complètement folles. Un jour, en rentrant du stade, j’étais en voiture quand tout a commencé à trembler autour de moi. Le pire dans tout ça, c’est qu’on s’habitue! Quand le bruit d’un missile qui s’écrase au loin me réveille, je me tourne dans mon lit et me rendors. L’armée nous protège autant que possible dans les airs. Malgré ça, des gens continuent de mourir chaque jour.»

Pour en avoir fait partie, l’armée, elle connaît. «J’étais membre du club de l’armée, précise-t-elle. Le sport représentait la majeure partie de notre activité. Je suis une soldate à ma façon, dans mon propre couloir. Je cours pour moi-même, comme chaque athlète, mais aussi pour mon pays. J’essaie d’amener un tout petit peu de joie à ma famille et mes compatriotes par le biais de mes résultats, même s’ils ne sont pas toujours excellents. Après une compétition, il arrive régulièrement que des Ukrainiens m’écrivent pour me remercier de leur avoir amené un peu d’émotion.» Une victoire.

«Je suis une soldate à ma façon»
Victoriya Tkachuk

Victoriya Tkachuk l’assure, ses grands yeux bleus fixant l’horizon: elle n’hésiterait pas un instant à rejoindre son frère, dont la simple évocation lui arrache quelques larmes qu’elle essuie du revers de la main, sur le front. «Si le pays a besoin de mes services, j’irai. Je pense être plus utile là où je suis maintenant, mais je serai prête le cas échéant.»

Elle l’était déjà il y a 16 mois. «Coincée à l’étranger lorsque la Russie a lancé l’assaut, je n’avais qu’une envie: rentrer à Kiev pour protéger ma famille. J’étais complètement perturbée… Mon coach écrivait à tous mes proches pour m’en dissuader», rigole-t-elle aujourd’hui, assise sur une terrasse d’Ouchy, loin d’un conflit qui la hante. «Il ne se passe pas une minute sans que j’y pense. En même temps, j’ai toujours été très attachée à mes racines.»

Le train puis l’avion

«La logistique tellement compliquée de son quotidien ne favorise pas ses performances»
Laurent Meuwly

Constatant que l’entraîneur italien de Victoriya Tkachuk l’abandonnait au profit d’un mandat au Qatar, Laurent Meuwly a proposé à l’Ukrainienne de rejoindre son groupe ces derniers mois. «Cela se passe bien, mais pas tout le monde ne s’adapte immédiatement à une nouvelle méthode, constate le Sarinois. Victoriya a le potentiel pour aller plus vite. D’un autre côté, la logistique tellement compliquée de son quotidien ne favorise pas ses performances…»

Dans l’impossibilité de regagner ou quitter sa patrie par les airs, la compatriote et rivale d’Anna Ryzhykova – également présente à Athletissima – doit s’infliger un train de nuit entre Kiev et Varsovie avant de pouvoir s’envoler vers d’autres destinations. Durée du trajet, porte à porte? «Vingt heures au minimum, quand les correspondances sont favorables. Souvent, c’est plus», souffle-t-elle. «Tous ces voyages aller-retour ne sont pas bons pour la récupération. Sans parler du stress général qui en découle. On la soutient du mieux qu’on peut», glisse, désolé, Laurent Meuwly, qui ne se contente pas de me fournir un plan d’entraînement. «Il m’aide à m’organiser au mieux et me supporte lorsque ma santé mentale n’est pas au top», ajoute celle qui est soutenue financièrement par le gouvernement de Volodymyr Zelensky. Au moins ça.

Auteure de son record personnel à Zurich en 2021 (53’’76), Victoriya Tkachuk a une revanche personnelle à prendre avec Lausanne. «J’ai fait des erreurs bêtes lors des deux dernières éditions. J’espère m’en sortir mieux cette année.» Pour elle-même, surtout, et pour l’Ukraine, un peu.

Au programme

Diamond League, Athletissima, 48e édition, vendredi soir à La Pontaise (RTS2): 400 m Femmes B (18 h), 800 m hommes B (18 h 10). 100 m femmes B (18 h 20). 1500 m femmes U18 (18 h 40), 1500 m hommes U18 (18 h 50, Matthieu Bührer/CA Fribourg), 100 m hommes B (19 h, Pascal Mancini/FSG Estavayer-le-Lac). 200 m femmes (19 h 10, Iris Caligiuri/Lausanne Sports). Javelot femmes (19 h 15). Poids hommes (19 h 35). 1500 m hommes fauteuil roulant (19 h 39). 400 m hommes (19 h 52). 800 m femmes (20 h 04, Audrey Werro/CA Belfaux). Perche femmes (20 h 06). 110 m haies hommes (20 h 16). 3000 m steeple femmes (20 h 25). Longueur hommes (20 h 35). 100 m femmes (20 h 42). Javelot hommes (20 h 48). 100 m haies femmes (21 h 13). 200 m hommes (21 h 20). 400 m haies femmes (21 h 28). 1500 m hommes (21 h 39). 4 x 100 m femmes (21 h 52).


Trois questions à Laurent Meuwly

Laurent Meuwly, responsable de l’engagement des athlètes à Athletissima, répond à nos questions. 

Que vous inspire le plateau de cette 48e édition d’Athletissima?

On peut se montrer satisfaits compte tenu des circonstances. Il n’y aura pratiquement pas d’Américains et aucun Jamaïcain à cause des trials qui débutent dans une semaine. Aussi, nous arrivons juste derrière la Coupe d’Europe, ce qui a rendu plus compliqué le recrutement, notamment sur la longue distance. Quand Athletissima se trouve juste après le grand championnat de la saison, comme c’était le cas l’année passée et comme ce sera le cas encore en 2024, les champions du monde ou d’Europe veulent rentabiliser leur titre et enchaînent les étapes de Diamond League. Nos points de participation et de performance – signer de gros chronos sera plus compliqué vu les conditions météorologiques annoncées – vont s’en ressentir, de même que le ranking global du meeting, mais nous en connaissons les raisons et ne pouvons hélas pas les influencer.

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