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Athlétisme

Edwin Moses. veni, Vidy, vici

Le 14 juillet 1981, 11 500 personnes ont vu vaciller le record du monde du 400 m haies

Ed Moses gewinnt ueber 400m Huerden bei dem Leichtathletikmeeting Athletissima in Lausanne am 14. Juli 1978. (KEYSTONE/Str)STR/KEYSTONE

17 février 2021 à 17:12

La clameur des stades vous manque? A nous aussi. Histoire d’oublier quelques instants le huis clos, La Liberté vous propose de revenir sur quelques-unes des meilleures ambiances que le sport de la région ait connues.

5e (ou 6e) Meeting international de Lausanne

Date: 14 juillet 1981.
Lieu: Stade de Vidy, Lausanne.
Affluence: 11 500 personnes.
Résultat: le record du monde du 400 m haies presque battu

En ce temps-là, les dieux du stade descendaient parmi les hommes et les hommes pouvaient les toucher. Il y avait Edwin Moses, Renaldo Nehemia, Steve Ovett, Pierre Délèze et Wladysław Kozakiewicz qui, une année plus tôt à Moscou, s’était envolé plus haut que le Rideau de fer et qui, revenant sur terre, avait adressé le plus beau, le plus aérien, le plus émouvant bras d’honneur jamais adressé à la face des oppresseurs. Devenu champion olympique du saut à la perche, accoudé dans le matelas de réception, le Polonais avait allumé une cigarette au milieu de l’arène moscovite qui le conspuait. Ce n’est pas une légende, car – si vous permettez le je qui est haïssable – j’avais vu ça en direct, à la télévision, j’avais vu le bras d’honneur et cette cigarette posée comme une insulte sur les lèvres de la Pologne. Peut-être le plus grand moment de sport…

Vidy, grandissime

Où en étions-nous? Oui, nous sommes une année plus tard, un soir de juillet 1981, le mardi 14 juillet. De l’autre côté du lac, il devait y avoir des lampions et des flonflons, mais le feu d’artifice était de ce côté, à Vidy, ou se tenait la cinquième ou sixième édition (cela dépend comment on compte) du «meeting international de Lausanne». En ce temps-là, la modestie était une vertu et on se méfiait des superlatifs. Vidy n’était pas encore Athletissima, mais il était grandissime. Qu’on imagine un mile (1609 m), monté pour Steve Ovett, champion olympique du 800 m à Moscou, avec, dans son sillage, John Walker, champion olympique du 1500 m en 1976, et Pierre Délèze, 22 ans alors, qui valait déjà 3’33’’80 au 1500 m. Le record du monde (3’48’’8) résistera, la course se terminera en 3’49’’66. Steve Ovett est passé en 3’33’’34 au 1500 m sous les vivats de 11 500 spectateurs, agglutinés et fiévreux, contagieux.

Témoin direct

Spectateur de cette féerie athlétique, je ne me souviens pas exactement de la chronologie. Comme quoi, il n’y a rien de moins fiable qu’un témoin direct. Si l’on se réfère aux archives, Renaldo Nehemia avait dû courir le 110 m haies en 13’’26, Mike Boit avait dû gagner le 800 m en 1’44’’59, lorsque l’Américain Edwin Moses s’agenouilla dans le cinquième couloir du 400 m haies. Le speaker faisait-il déjà «chut» pour appeler au recueillement quand vient la génuflexion? Je me souviens de Christoph Schumacher, grand espoir de l’athlétisme fribourgeois, intronisé ce soir-là, de l’autre côté de la barrière, parmi les élus. Je me souviens du souffle suspendu de 11 500 personnes et d’un tour de stade couru en apesanteur, d’un homme qui, entre les haies, semblait ne plus toucher la terre… L’athlétisme est bizarre, car il nous pousse à réécrire l’histoire en fonction du chrono: ce 14 juillet 1981, Ed Moses a couru le 400 m haies en 47’’14, à un centième de son propre record du monde. Quelques dixièmes de seconde additionnels auraient-ils enlaidi le chef-d’œuvre? Toujours est-il que ces 47’’14 sont vus dans la lumière sacrée d’un vitrail.

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