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Athlétisme

Nous courons, vous courez, ils courent

Les joggeurs, nouveaux ou confirmés, ont pris nos forêts d’assaut. Réelle vocation ou simple effet de mode?

Waldlauf Bösingen 2019. Bild: Läufer unterwegs. Foto: FN / Charles Ellena, Richterwil bei Bösingen, 24.03.2019Charles Ellena

17 avril 2020 à 23:27

Course à pied » A qui profite la pandémie de Covid-19 et les mesures de semi-confinement? Aux coureurs à pied, assurément, toujours plus nombreux à arpenter les sentiers du canton de Fribourg. Suivant le moment de la journée, certains lieux privilégiés tels que la forêt de Bouleyres à Bulle, celles de Belfaux ou le pont de Grandfey, sont pris d’assaut. Même constat pour les bords des lacs, que le soleil d’avril rend d’autant plus agréables à fréquenter.

La situation liée au coronavirus est pesante et, parce que les lieux dédiés au sport tels que fitness, salles de gymnastiques ou centres de tennis ont dû fermer, courir est l’un des rares moyens de se défouler. Mais ce sentiment de liberté n’est-il pas biaisé quand croiser devient un danger pour autrui? Et comment fidéliser ces nouveaux joggeurs, qui le sont devenus presque contraints et forcés? A son tour, La Liberté a chaussé ses baskets pour mener l’enquête.

 

Des forêts et des sentiers saturés

 

«Depuis le début de la crise, je m’entraîne jusqu’à trois fois par jour. Sinon je casse tout!» Athlète parmi les meilleurs du canton de Fribourg, David Girardet appartient à cette famille de personnes qui ne tiennent pas en place. Si la pandémie n’a pas altéré son goût pour l’effort, au contraire, elle l’a obligé à changer ses habitudes. «Sur certains passages étroits, il est difficile de respecter les deux mètres de sécurité. Dès lors, quand je veux dire bonjour à quelqu’un, je le fais avant de le croiser. Et quand je suis à sa hauteur, je ferme ma bouche et j’essaie de ne pas respirer», explique le Belfagien de 41 ans, pour qui cette recrudescence de joggeurs tous azimuts rappelle le mois qui précède Morat-Fribourg. «Tu vois des gens que tu ne vois normalement jamais. Au parking à l’entrée de la forêt de Belfaux par exemple, il y a des voitures dès les premières heures du matin.» Loin des parcours mesurés, David Girardet emprunte des chemins que lui seul connaît, ou presque. «Mais même là, tu croises du monde! Souvent des personnes d’un certain âge qui craignent de se mêler à la foule.»

La foule, partout et tout le temps. A Bouleyres aussi, où les patrouilles de police n’hésitent pas à se mêler aux coureurs. Un soir, un témoin en a dénombré jusqu’à trois. «Certains agents, qui d’ordinaire sont affectés à d’autres secteurs spécialisés, ont été appelés à renforcer leurs collègues sur le terrain», indique la Police cantonale fribourgeoise, qui transpire à grosses gouttes elle aussi.

 

Une nouvelle population de coureurs

 

Habitué de la forêt de Bouleyres, Benoît Fragnière a tout loisir d’observer cette mutation provisoire. «Il y a plus de monde, abonde le membre du SA Bulle. Le confinement et le télétravail donnent la possibilité aux athlètes confirmés d’en faire plus. D’un autre côté, j’ai l’impression que les coureurs inscrits dans un club et qui aiment courir entre copains dépriment.»

Depuis un mois, une nouvelle population s’est glissée au milieu de ces habitués. Des profanes identifiables à leur foulée parfois maladroite et à un matériel dépareillé. «Si les chaussures ne sont pas adaptées, la charge pour le corps sera d’autant plus grande et le risque de blessures aussi», prévient David Girardet. Du sportif en quête d’une activité de substitution au parfait néophyte, les profils sont nombreux. «On voit plus de couples qu’avant, note Benoît Fragnière. Il y a monsieur ou madame qui court régulièrement et l’autre conjoint qui débute. Parfois, même des familles complètes. C’est un sport simple et accessible, où le risque de se casser la figure est moindre qu’en VTT.»

 

Pour les courses, un mal pour un bien?

 

Kerzerslauf, Gruyère Running, Neirivue-Moléson: les annulations s’enchaînent. Quatrième étape de la FriRun Cup prévue le 12 juin, A Travers Sâles n’aura probablement pas l’occasion de constater les bienfaits du semi-confinement sur son nombre de participants, car une annulation semble désormais inéluctable. «Les gens s’inscrivent habituellement à partir de la mi-mai. Les inscriptions sont ouvertes, mais nous ne sommes pas assez avancés dans le temps pour constater un éventuel boom», explique le président de la manifestation, Pierre-André Kolly.

« Nous avons recensé 21’000 connexions sur notre serveur à midi, alors que nous disposons, en tout, de 5’200 dossards »

Vincent Thetaz

Monument parmi les épreuves qui auront (peut-être) lieu cet été, Sierre-Zinal (9 août) a été plébiscitée comme jamais. Tous les dossards mis en vente lors de la première phase (deux autres suivront) ont été arrachés en deux minutes. «Nous avons recensé 21’000 connexions sur notre serveur à midi, alors que nous disposons, en tout, de 5200 dossards. Du jamais-vu! Il y a bien un effet Covid», assure le directeur valaisan Vincent Thetaz. De bon augure pour Morat-Fribourg, dont la 87e édition doit se tenir le 4 octobre? Fidèle parmi les fidèles de la Classique fribourgeoise, David Girardet a sa petite idée: «Les courses vont être bondées, car les gens n’attendent plus que de mettre un dossard et d’avoir un objectif.»

A l’entendre, un boom est à prévoir. «C’est possible. Tout dépendra de la place que conservera la course à pied dans la vie de ses nouveaux pratiquants une fois que leurs hobbys reprendront», lâche pour sa part Benoît Fragnière, qui est aussi le coordinateur de la FriRun Cup. Le descendant de la Coupe fribourgeoise peut espérer attirer de nouvelles têtes à l’avenir. «Beaucoup de personnes courent juste par plaisir, sans besoin de chrono, rappelle Benoît Fragnière. Mais peut-être que, plus entraînés, ils songeront à participer à la course de leur village, qui sait?»


Témoignages

Geraldine Aeby

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