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Athlétisme

Sylvia Aeby Hasler. «Je n’ai rien sacrifié à l’athlétisme»

Entraîneuse du club de Guin, elle reçoit le Prix sportif de l’Etat de Fribourg

Kopf des Monats. Bild: Sylvia Aeby Hasler, Leichtathletik-Trainerin und Trägerin des kantonalen Sportpreises 2019. Foto: FN / Charles Ellena, Freiburg, 17.10.2019Charles Ellena

10 décembre 2019 à 17:34

Athlétisme » Le sport ne manque pas de champions, mais d’entraîneurs. Ou d’entraîneuses. Sylvia Aeby Hasler (56 ans), qui vient de recevoir le Prix sportif de l’Etat de Fribourg, entraîne des champions depuis 1994. Aujourd’hui, elle est derrière Veronica Vancardo, membre du relais 4x400 m suisse, et Arnaud Dupré, 1’49’’94 au 800 m, participant aux derniers Jeux européens de Bakou, mais elle s’est jadis occupée de Valérie Lehmann, d’Andrea Hayoz, de Monique Grossrieder-Zimmer, de Marco Gnos, de Miriam Schneuwly… Ce sont des noms qui, aujourd’hui encore, surplombent les statistiques de l’athlétisme fribourgeois et, pour certains, de l’athlétisme suisse.

Depuis 2003, Sylvia Aeby Hasler accompagne les athlètes sur les grands rendez-vous internationaux. Au lendemain de notre rencontre, elle partait pour les championnats d’Europe de cross de Lisbonne, pour autant qu’elle réussisse à préparer sa valise au retour du stade Leimacker, où elle passe une bonne partie de sa vie. Revenue de Lisbonne, elle s’attaquera dare-dare à l’organisation du cross de Guin, puis à celle du meeting de Guin, et nous la verrons courir, malgré ses bottes de caoutchouc, loin des officialités, entre la cellule de chronométrage et la fosse de saut en longueur, souriante malgré la tâche et les sollicitations, switchant du sensletutch au français, ponctuant ses phrases de cette drôle d’interjection, «abe, abe»…

Course jusqu’à la laiterie

Sylvia Aeby Hasler est une enfant des Trente Glorieuses, elle a grandi à Tinterin, dans un canton de Fribourg en pleine mutation, mais elle vient d’un temps où les familles étaient nombreuses, la vie difficile et le dévouement naturel: «J’ai onze frères et sœurs, qui sont nés dans un intervalle de vingt ans. Mon père était paysan, il avait une petite ferme et c’est sur ce domaine que je me suis construite», raconte-t-elle. Elle se souvient de ses courses jusqu’à la laiterie, avec deux boilles sur une carriole qu’il fallait pousser sur 300 ou 400 mètres: «J’essayais d’aller le plus vite possible.» Elle dit qu’aujourd’hui, «les jeunes ne sont plus bâtis comme ça». Les jeunes ne savent plus ce qu’est une boille.

Bio express

SituationMariée à Marius Hasler, deux enfants, Yannic (23 ans) et Noah (19 ans)

1963Le 19 août, naissance à Tinterin, dans une famille de douze enfants

1983Elle adhère au TSV Düdingen. Elle court le 100m en 11’’99, le 200m en 24’’31, le 300m en 39’’34, le 400m 55’’42, le 100m haies en 14’’96, le 400m haies en 61’’17 (record fribourgeois actuel); elle saute 5,59m en longueur

2008Diplôme d’entraîneur

2013Présidente du comité d’organisation des championnats suisses de cross à Guin

Elle a commencé par le volley-ball, qu’elle pratiqua à l’adolescence: «Je jouais à Giffers en deuxième ligue, mais quand nous sommes tombés en troisième ligue, j’ai trouvé ça moins intéressant. Moi, j’ai toujours voulu faire de l’athlétisme.» Pourquoi? A cause de la télévision, Juantorena à Montréal, Sebastian Coe à Moscou? «Jusqu’à mes quatorze ans, nous n’avions pas la télévision», corrige-t-elle. Elle ne sait pas ce qui l’attirait dans ce sport des origines, si pur, si brut: «Chaque année, il y avait une course à Giffers, et je courais assez vite.» Elle commence à courir avec Rolf Lauper, un enfant prodige de l’athlétisme fribourgeois: «Nous nous fabriquions des haies», sourit-elle. A 18 ans, elle passe le permis, elle s’achète une moto et met le cap sur Guin, qui est dans les années huitante l’un des meilleurs clubs de Suisse: «J’ai rejoint le groupe des sprinters, qui avaient gagné le titre de champion suisse du 4x100 m. Il y avait les frères Michael et Markus Vonlanthen, Markus Bapst et Andreas Binz.» Elle hausse les épaules: «Ce n’était pas toujours facile.» Pourquoi? «Parce que ce sont des sprinters et des hommes.» Oui, et alors? «Alors, on est les meilleurs!», lâche-t-elle, dans un saisissant raccourci de la psychologie athlétique masculine.

Battue par son élève

Les statistiques se souviennent de Sylvia Aeby, qui n’était pas encore Hasler: elle détient toujours le record fribourgeois du 400 m haies (61’’17 en 1992), elle figure toujours parmi le top dix du 100 m (11’’99), du 200 m, du 300 m, du 400 m (55’’42), du 110 m haies et de la longueur (5,59 m). En 1993, à l’âge de 30 ans, elle prend sa retraite sportive: depuis lors, elle s’échine à disparaître peu à peu des statistiques. Veronica Vancardo la devance désormais sur 200 m, sur 300 m, sur 400 m… Elle ne s’en offusque pas: «Veronica est le plus grand talent que j’aie entraîné et les chiffres sont là pour le prouver.»

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