Une exposition sur «rien» à Berne 

Société » Un pot de pâte à tartiner vide, des cadres privés de leurs photos, une carte de la ville de Nothing, entre Las Vegas et Phoenix, des tickets de loterie perdants, les douleurs fantômes, la théorie du big bang… Le lien entre tous ces éléments regroupés de façon un peu absurde, c’est le rien. Plus souvent qu’on ne le pense, les petits riens et grands vides existentiels croisent notre chemin.

Le Musée de la communication, à Berne, a porté son attention sur ces RIENS dans sa nouvelle exposition temporaire. Un défi tant sur le fond que la forme, relève son curateur, Kurt Stadelmann. «Nous nous sommes aventurés sur un terrain glissant, car nous ne savions vraiment pas comment exposer ce RIEN insaisissable. Mais ensemble, au sein de l’équipe de projet, nous avons très vite créé une grande richesse de néant», partage-t-il.

Cabinet de curiosités

Guidé par une signalétique taquine – «Circulez, il n’y a rien à voir» –, le public découvre cette grande richesse de néant présentée dans une première salle aux allures de cabinet de curiosités, avec vitrines et petits tiroirs. Une entrée en matière réussie et résolument second degré. En vrac: une fiole remplie d’air de Zermatt, un papier de tête en choco Villars replié en petit bateau, la mire de la RTS en 1970 sur une vieille télévision, cendres d’allumettes, bougie d’anniversaire en forme de zéro, L’être et le néant de Sartre…

«Il est important que le rien soit présenté plein d’humour»
Kurt Stadelmann

Avant de passer au cœur de la visite, une réplique de sas d’aéroport aux rangées de chaises vides intervient comme une respiration. Pour patienter, une lecture: l’atlas des riens. Car aux quatre coins du monde, des lieux insolites ont été désertés, tenus secrets ou perdus, et inspirent depuis les théories les plus saugrenues: l’Atlandide, la prétendue zone d’atterrissage des Ovnis, l’île de Poveglia dans la lagune de Venise qui servait de lieu de quarantaine pour les pestiférés, ou encore la centrale de commandement K20 dans la région de Kandersteg, où se réfugierait le Conseil fédéral en cas de conflit armé.

Muni d’un audioguide, le visiteur pénètre dans une grande salle à la scénographie minimaliste. Là, plus de vingt histoires, anecdotes personnelles et explications scientifiques sur rien ou presque, l’attendent. L’utilité des placebos, les fluctuations quantiques et donc fluctuations de vide dans l’univers, le témoignage d’une personne aromantique et asexuelle (qui ne ressent ni attirance sexuelle ni attirance amoureuse pour quiconque) et l’extrait d’une panne en direct entre un journaliste sportif et le plateau: chaque bribe sonore incarne à sa manière ce thème.

«Nous nous sommes aventurés sur un terrain glissant»
Kurt Stadelmann

Composée en grande partie d’une accumulation d’objets, de récits et d’anecdotes, RIENS est résolument ludique. C’était l’un des buts de l’institution: «Il est important que le rien ne soit pas présenté de manière philosophique et lourde, mais qu’il soit pertinent pour la vie de tous les jours et, de temps en temps, plein d’humour», souligne encore le commissaire, qui réalise sa dernière exposition avant la retraite.

Pour autant, la deuxième partie de l’exposition aborde des thématiques plus sérieuses. A nouveau par le son, on se laisse embarquer par les témoignages de Lia, Lujain, Annick et Jana, qui livrent respectivement leur expérience de la dépression, d’une procédure de demande d’asile ou encore d’une histoire d’amour finie. Et comment toutes, à un moment donné, n’ont plus rien ressenti et n’ont plus trouvé de sens à ce qu’elles vivaient.