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Société

Thomas Wiesel, couci-couça

C’est surtout sur les réseaux sociaux que Thomas Wiesel a existé ces derniers mois, loin des planches. Entretien avec un humoriste que certains jugent «trop politique».

Thomas Wiesel, devant le theatre Boulimie à Lausanne, mardi 25 mai 2021 ARC Jean-Bernard SieberJean-Bernard Sieber/Agence de presse ARC

Claire Pasquier

Claire Pasquier

28 mai 2021 à 15:06

Temps de lecture : 1 min

Il vient de retrouver la scène en catimini, le temps de deux dates au théâtre Boulimie à Lausanne, où il a présenté sa dernière création intitulée Ça va. Mais pour lui, ce n’est clairement pas encore la fête. «Depuis une année, on s’est réjoui si souvent à tort de retrouver la scène qu’avant d’avoir un pied dessus et une salle pleine devant moi, je ne prends plus rien pour acquis», lâche-t-il sur une terrasse lausannoise battue par le vent. La bise, la pluie, une vie culturelle qui redémarre à la vitesse d’un escargot alors que les saisons théâtrales, qui n’ont quasiment pas eu le temps d’exister, sont sur le point de s’achever: autant d’éléments qui laissent le trentenaire maussade.

«Certains m’ont avoué qu’ils ne s’informaient des décisions du gouvernement qu’au travers de mes posts Instagram, ce que je trouve plutôt dangereux, car il s’agit d’humour.»
Thomas Wiesel

Pandémie oblige, c’est sur les réseaux sociaux que l’humoriste s’est exprimé. Commentant chaque conférence de presse du Conseil fédéral (et Dieu sait qu’il y en a eu) avec un large succès. «Certains m’ont avoué qu’ils ne s’informaient des décisions du gouvernement qu’au travers de mes posts Instagram, ce que je trouve plutôt dangereux, car il s’agit d’humour.» Thomas Wiesel, cerveau affûté, verbe sincère, revient sur une grosse année dont il se serait bien passé. Nous aussi.

On ose à peine vous demander comment vous allez…
Thomas Wiesel: Je dois être le ronchon de l’humour romand, mais pour moi il ne s’agit pas d’une vraie rentrée. Si on t’enlève ton joujou pendant un an et qu’on te le rend cassé, tu as de la peine à te réjouir. Nous, les artistes de scène, nous avons été les premiers interdits et serons les derniers autorisés. Au début nous avons été très solidaires, puis nous avons vu que notre activité n’était pas autant à risque que cela – le public est masqué tout du long et ne bouge pas – et nous avons eu l’impression d’avoir été sacrifiés. Aujourd’hui les gens sont à bout.

Financièrement, nous avons tous pris un coup. Certes, je suis un privilégié, mais j’ai aussi perdu de l’argent. Donc reprendre à perte me laisse un goût aigre-doux, avec de surcroît l’impression que nous n’avons plus le droit de nous plaindre… Donc pour répondre à votre question, on va dire que ça ira mais qu’en attendant, j’évite d’y penser.

Ça va. est un spectacle très intime. Marina Rollman, qui vient également de jouer à Boulimie, se livrait aussi beaucoup. L’autodérision est-elle la nouvelle voie?
Le courant de l’intime est la grande tendance du stand-up anglo-saxon depuis plus de dix ans. Et comme tout arrive toujours en retard en Suisse, nous y voilà certainement!

Choisir l’introspection, n’est-ce pas un moyen d’éviter les foudres de la déferlante woke qui peut manier une censure parfois agressive?
Je suis convaincu que tout reste possible, sauf l’humour de papa et grand-papa qui, dans le choix des cibles, ne passe plus. Tout juste faut-il s’attendre à ce que nos vannes nous reviennent. Ce qui choque aujourd’hui, c’est la réaction parfois excessive du public. Quand j’ai commencé, les réseaux sociaux existaient déjà. Je n’étais pas encore connu que je recevais déjà des messages d’insulte!

Mais n’avez-vous pas l’impression que la virulence des réactions se fait toujours plus forte?
C’est vrai que rater une blague peut avoir aujourd’hui des conséquences importantes. Peut-être devrions-nous pouvoir invoquer le droit à la blague ratée… Mais franchement je ne suis pas particulièrement inquiet. Il n’y a jamais eu autant d’humoristes ni autant de spectacles (hors pandémie bien sûr, ndlr) qu’en ce moment. Et il me semble qu’il se dit de plus en plus de choses.

Vous avez récemment posté une blague sur Israël, avec une phrase d’introduction pour désamorcer les réactions…
Si une légende peut m’éviter un après-midi de réponses, autant l’écrire! Nous savons sur quoi les gens vont tiquer. Je me dis que trop de ressentis concernant une multitude de sujets se sont accumulés pour que nous ayons déjà des débats équilibrés, peut-être faut-il attendre encore. Les méthodes sont parfois maladroites, mais les volontés louables et les luttes sont toujours émaillées de trucs regrettables.

J’ai vécu plusieurs shit storms (littéralement des tempêtes de merde, soit des avalanches de commentaires courroucés sur les réseaux sociaux, ndlr). Je fais le dos rond, mais je lis ce qui s’écrit et quand 2000 personnes ne sont pas d’accord avec moi, je m’interroge forcément. Cela dit, entre Dieudonné et Claude-Inga Barbey (dont une récente vidéo sur le site du Temps a suscité de nombreuses réactions négatives, ndlr), il y a eu 15 ans d’humour qui se sont bien écoulés, ne l’oublions pas!

J’ai vraiment l’impression qu’il n’y a jamais eu autant de liberté d’expression qu’aujourd’hui. Simplement, la période où certaines personnes avaient accès aux médias quand d’autres en étaient exclues est révolue. Quoi qu’on en pense, les réseaux sociaux demeurent une façon admirable de communiquer.

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