Rencontre avec l'héritière de la fondation Rosengart qui fête ses 20 ans

Lucerne » Quand elle sourit, on reconnaît l’éclat que Picasso a su saisir dans ses yeux. Il a tracé en peu de traits la force qui se dégage de son visage, toujours animé quand elle parle d’art. Certes, Angela Rosengart est désormais nonagénaire mais elle n’a finalement pas tellement changé depuis que l’artiste a dessiné son portrait, à plusieurs reprises. Ces œuvres étaient accrochées dans sa maison familiale avant qu’elle ne décide de les montrer au public dans un lieu adéquat: elle n’avait plus assez de place pour les conserver chez elle. Elles ont trouvé un bel écrin au Musée Collection Rosengart qui vient de fêter ses 20 ans et qui les accueille, comme des centaines d’autres pièces exceptionnelles, depuis son ouverture.

Ce bâtiment situé à quelques pas de la gare de Lucerne appartenait autrefois à la Banque nationale suisse. La collectionneuse et marchande d’art y a réuni les œuvres achetées aux côtés de son père Siegfried et créé une fondation pour assurer leur pérennité. Quasiment toutes sont accompagnées d’une anecdote. Attache-t-elle davantage d’importance à certaines d’entre elles? «Tous les tableaux sont importants», corrige Angela Rosengart, assise à la grande table ronde servant autrefois aux réunions de la direction de la BNS. Artistiquement, on ne saurait non plus les prioriser tant chaque signature est impressionnante. Pablo Picasso y a une place de choix, avec des œuvres réalisées tout au long de sa vie, présentées dans une mise en espace où les peintures répondent aux sculptures et où plusieurs pièces inscrites dans la même lignée permettent d’en saisir les variations.

«Je ne pourrais pas m’acheter ma propre collection»
Angela Rosengart

Au premier étage, on admire notamment les tableaux de Seurat, Renoir, Braque, Miró ou Monet. Chagall est aussi bien représenté. C’était un ami de la famille dont on peut découvrir quelques courriers envoyés aux Rosengart. Le sous-sol – autrefois la salle des coffres – est quant à lui entièrement dédié à Paul Klee. Il ne faudra pas passer à côté de X-chen, le dessin d’une petite fille qui a une place particulière dans l’histoire de la collection. Elle est la première acquisition d’Angela Rosengart qu’elle a payée avec l’entier de son premier salaire, 50 francs. Elle avait 17 ans.

Grâce à Sophocle

Le domaine artistique n’a pas tout de suite attiré la Lucernoise. «Je savais que mon père s’occupait d’art et qu’il était marchand de tableaux mais cela ne m’intéressait pas tellement», assure-t-elle. Enfant, elle aurait même peu apprécié les visites des musées en compagnie de son père qui finissait par parler avec des connaissances et ne pas s’occuper d’elle. Le déclic est venu de sa mère qui laissait toujours la radio allumée à la maison. Un jour, Angela Rosengart a entendu une pièce radiophonique de Sophocle qui l’a captivée. Les mots du dramaturge l’ont incitée à s’intéresser à la culture de la Grèce antique, l’amenant petit à petit à aborder d’autres domaines artistiques.