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Religions

L’Eglise catholique perd des fidèles

L’étude nationale sur les abus dans l’Eglise a poussé de nombreux catholiques à sortir de l’institution.

Bulle, croix, religion, chrétien, catholique, sortir de l'église, Église Saint-Pierre-aux-Liens, BulleChloé Lambert

13 octobre 2023 à 21:20

Temps de lecture : 1 min

Eglise » L’étude indépendante de l’Université de Zurich sur les abus dans l’Eglise catholique a fait l’effet d’une bombe. Selon les chiffres déjà disponibles, elle a eu un gros impact sur les sorties d’Eglise. La Corporation ecclésiastique catholique du canton de Fribourg déplore déjà 558 départs depuis sa publication le 12 septembre dernier, en se basant sur les données reçues de 83 paroisses sur 107. Outre-Sarine, Lucerne, Bâle, Zurich et Saint-Gall sont aussi impactés. Pourtant, cette étude historique ne révèle pas de nouveaux scandales. Comment comprendre alors pareille hémorragie? L’analyse d’Arnd Bünker, directeur de l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI), à Saint-Gall.

Pourquoi ce rapport sur les abus dans l’Eglise en Suisse a-t-il eu tant d’effet?

Arnd Bünker: Les personnes proches de l’Eglise savaient plus ou moins à quoi s’attendre avec cette nouvelle étude pilote. Les mécanismes concernant les abus dans l’Eglise catholique, qu’ils soient d’ordre sexuel, spirituel ou de pouvoir, ont déjà été bien observés dans d’autres pays, comme aux Etats-Unis, au Canada, en France ou en Allemagne. Si le nombre de sorties d’Eglise a augmenté à la suite de la publication de ce rapport, c’est qu’il a été très médiatisé. Faisant l’effet d’une bombe, il a cette fois touché des personnes déjà distanciées de l’Eglise, qui se sont souvenues soudain de leur appartenance religieuse et ont décidé formellement d’en finir. C’est l’aboutissement d’un long processus de distanciation, accompagné parfois d’une perte de foi. Pour ces gens, le message de l’Eglise n’est plus compris, il ne touche plus leur cœur et n’a plus de pertinence dans leur existence. Ces distanciés forment l’essentiel des sorties d’Eglise actuelles.

Parmi les gens qui sortent de l’Eglise, on trouve aussi des fidèles pratiquants…

Il s’agit de personnes engagées dans la communauté ecclésiale, qui ont perdu confiance en l’institution. Or la confiance est à la base de tout dialogue dans l’Eglise. Cette méfiance est ce qui a pu d’ailleurs déjà expliquer, dès les années 1960, l’abandon du sacrement de la confession par de nombreux adultes. Jusque-là, la confession était ritualisée. Elle était répétitive et se cantonnait souvent au terrain de la sexualité.

558

Le nombre de sorties enregistrées par la Corporation ecclésiastique catholique du canton de Fribourg depuis le 12 septembre.

Avec l’encyclique Humanæ vitæ sur le mariage et la régulation des naissances, promulguée par le pape Paul VI en 1968, nombre de fidèles ne se sont plus reconnus dans l’Eglise. Aujourd’hui, en prétendant toujours avoir autorité en la matière, l’Eglise perd de nombreux paroissiens. Les affaires d’abus sexuels, vus comme le pire péché dans cette Eglise qui prétendait défendre une bonne morale sexuelle, n’ont rien arrangé. Avec les années, elles ont fini par anéantir l’autorité de l’Eglise dans tous les domaines.

La courbe ascendante des sorties d’Eglise va-t-elle poursuivre sur sa lancée?

Ce boom des sorties d’Eglise pourrait se prolonger ces prochains mois et années. C’est un peu tragique pour l’Eglise, car c’est elle qui a commandé l’étude pour rendre visibles les abus, dans une volonté de transparence. L’étude universitaire, qui est menée de façon indépendante, doit se poursuivre pendant trois ans. A court terme, elle aura assurément une incidence négative. Les prochains rapports pourraient faire à nouveau scandale. Mais à plus long terme, cette transparence devrait être à la fois favorable aux victimes et servir de base pour établir une nouvelle confiance en l’Eglise. Ce sera un très long chemin. Pour l’instant, il est difficile de savoir si l’évolution de l’Eglise aura un impact sur les distanciés. Ces dernières années, l’Eglise s’est mise à parler ouvertement de la place de la femme dans l’institution, des questions de genre, de l’homosexualité… L’impact de ce processus culturel n’est pas encore connu.

S’agissant des sorties d’Eglise, certains cantons semblent avoir été davantage touchés que d’autres. Pourquoi ces disparités?

Cela s’explique simplement par les différences entre systèmes fiscaux. Dans le canton de Fribourg, par exemple, les Eglises sont financées par l’impôt ecclésiastique. Les baptisés qui veulent quitter l’Eglise doivent s’annoncer. Dans les cantons du Valais, de Vaud, de Genève, de Neuchâtel et du Tessin, les Eglises se financent autrement. Les sorties d’Eglise n’ont alors pas d’impact sur l’impôt individuel. Sans système d’impôt ecclésiastique, on ne peut quitter l’Eglise que de manière symbolique. Mais cela n’intéresse pas les personnes distantes. Elles ne se sentent tout simplement plus appartenir à l’Eglise et restent à l’écart. C’est pourquoi les sorties d’Eglise sont beaucoup moins nombreuses dans ces cantons.

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