Découvertes » Si les grandes marques de parfum sont associées à un univers de luxe et de raffinement, on oublie parfois le patient travail des sourceurs, chargés de repérer, collecter et acheter au plus près des cueilleurs et producteurs locaux les dizaines d’essences issues de fleurs, feuilles, fruits ou écorces rentrant dans des compositions très élaborées, réalisées par les meilleurs «nez» à Paris ou d’autres capitales. Lavande, bergamote, jasmin, benjoin, cannelle, patchouli, vétivier, baume du Pérou, bois de santal, bois de rose ou fève tonka… Depuis trente ans, Dominique Roques s’occupe d’approvisionner la riche palette des parfumeurs en extraits subtils de plus de 150 matières premières provenant d’une cinquantaine de pays. Interview.
Quel est votre parcours?
Dominique Roques: Je suis d’origine française, j’ai fait HEC (Hautes Etudes commerciales), mais mon attirance pour les arbres et les plantes fait suite à un héritage familial: mon père était bûcheron, il a travaillé entre autres en Amérique, je vivais entouré de forêts étant petit…
Par le hasard des rencontres, j’ai commencé ma carrière en collaborant à la mise en place d’unités d’extraction et de distillation pour une société familiale installée au cœur de la forêt des Landes. C’était l’une des premières à développer une stratégie d’implantation à la source, pour produire des extraits naturels. C’est pour cette société que je suis d’abord parti dans les années 1980 en Andalousie, pour la distillation de ciste, puis de fil en aiguille au Maroc, en Turquie et en Bulgarie, pour la rose, à Madagascar pour la vanille, au Salvador ou en Indonésie…
Votre rôle de sourceur vous a fait beaucoup voyager…
Il s’agissait la plupart du temps de missions courtes, avec des séjours plus longs, comme en Bulgarie. Ce type d’approvisionnement nécessite un contact direct avec les cueilleurs, cultivateurs et distillateurs, alors que les parfumeurs n’ont que rarement le temps de se rendre sur place. Je ne m’en cache pas, le rôle d’un sourceur est d’abord celui d’un acheteur. On va par exemple en Bulgarie pour acheter de l’essence de rose. Mais s’assurer de la fiabilité des ressources et de la qualité des produits exige aussi de bien comprendre la nature du travail et les conditions de vie des producteurs locaux.