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«Qui peut dire jusqu’où on peut aller»

Prof de chant, «éducateur» de la voix, Robin de Haas raconte son parcours et ses recherches sur la voix

A droite, Robin de Haas en séance de coordination respiratoire avec le baryton australien Christopher Tonkin.

8 février 2022 à 18:07

Robin des Voix » C’est l’histoire d’une «réconciliation». Robin des Voix raconte le parcours de guérison, mais aussi la longue quête de Robin de Haas, et toute la transmission de sa pratique de la coordination respiratoire. Le nom désigne une technique du souffle qu’il a contribué à développer et dont il a défini la méthode aux côtés de l’Américaine Lynn Martin, à laquelle vedettes de la pop, humoristes, chanteurs lyriques à bout de souffle, à la voix cassée, mais aussi sportifs d’élite ou personnes ayant une maladie pulmonaire ont fait confiance, pour s’améliorer, dénouer les blocages, ou parfois simplement aller mieux. Le film documentaire, signé Catherine Azad et Frédéric Gonseth, part de la Broye vaudoise, où Robin de Haas a grandi, le suit jusqu’à Lausanne, puis New York ou Sidney, pour donner la parole à sa famille et à toutes ces personnes transformées par sa méthode.

Le film s’ouvre sur votre enfance, marquée par le handicap d’une fente palatine. A-t-il été difficile de témoigner de cette période de votre vie?

Robin de Haas: La décision est venue en échangeant avec Catherine Azad, venue prendre des leçons de chant. Dans mon travail, je mets les personnes sur une table, j’enlève les restrictions. Sa voix s’est tellement libérée qu’elle a trouvé cela complètement fou. Elle m’a demandé d’où venait cette persévérance. C’est tellement long d’avoir dû chercher tout ça… Elle connaissait mon papa, qui avait parlé de mon handicap à ses amis. Je lui ai répondu: «Tu vois, avec mon handicap, ce n’était pas évident.» Mais j’ai compris qu’elle ne savait pas, je lui en ai parlé. Pour moi cela a été un grand débat. Lors de la sortie de mon livre (La voie de la voix, aux Ed. Favre, ndlr), c’était hors de question de parler de mon handicap, je ne pouvais pas émotionnellement l’utiliser comme un faire-valoir, qui m’avait fait tellement souffrir. Au début j’ai caché mes motivations sous «voix fatiguée». Mais si cette histoire peut donner de la force à des familles de ne pas baisser les bras, si cela peut permettre à un seul bout de chou de se dire que cela peut aller mieux, qu’on peut trouver sa tribu, qu’on peut trouver des gens qui nous comprennent, alors cela aura valu la peine.

«Quelque chose me rassure profondément»
Robin de Haas

C’est allé très loin, jusqu’à l’envie de mourir…

Quand, à chaque fois que tu parles, on t’humilie, on te frappe, on t’arrache tes habits, on te crache dessus, tout le temps, à un moment donné tu te dis que ça ne va jamais s’arrêter. Je me sentais tellement seul, écarté des autres.

Pourquoi avez-vous eu envie de chanter, alors que longtemps, jusqu’à de lourdes opérations, vous ne pouviez pas parler, du moins vous faire comprendre?

Je pense que c’est mon inconscient qui a senti et compris que j’allais trouver là les réponses dont j’avais besoin.

Vous avez fait des études de chant lyrique, comment avez-vous su que votre voie était dans l’enseignement, plus que dans une carrière?

On m’avait beaucoup dit qu’on ne peut pas enseigner bien sans avoir fait de carrière. Mais ce qui me fait vibrer le plus, c’est quand j’accompagne quelqu’un et que sa voix s’ouvre. Je me sens beaucoup plus utile là que quand je suis sur scène. Je me rappelle, en tournée au Japon, dans un opéra, je suis un soldat, c’est l’entracte, je suis assis en bord de scène, je regarde les Japonais revenir dans la salle, je me regarde, je me dis: qu’est-ce que je fais là? Le rituel social du concert, ce n’est pas ce à quoi j’aspire. Autant mes chanteurs d’opéra, de comédie musicale ou de pop, qui ont des carrières, aspirent à cette rencontre avec le public, à ce partage d’émotions, autant je ressens ce truc merveilleux quand je fais travailler quelqu’un dont la voix s’ouvre. Ça me fait des frissons, pleurer des larmes. C’est là que je vibre, c’est ça ma nature. Je suis un amoureux des humains.

Votre méthode s’adresse aux professionnels, mais pas seulement. Aux choristes amateurs aussi par exemple?

A tout un chacun. Notre voix c’est un compresseur d’air. Si on coordonne bien notre air, c’est comme le réservoir qui amène la benzine au moteur de la voiture, on a un moteur qui fonctionne bien. On n’a pas besoin d’être pilote de formule 1 pour conduire une voiture. Pour la voix, c’est la même chose, on peut réfléchir à la façon dont on chante et on parle. J’ai aussi des chefs d’entreprise qui viennent me voir, ou des personnes qui ont des problèmes de souffle. Un chanteur va être content de tenir une longue phrase de Bach, mais quelqu’un qui a un Covid long et qui n’est plus essoufflé voit toute sa vie s’améliorer. Cela vaut la peine aussi.

Le potentiel humain est incroyable. J’ai entendu des gens qui n’avaient plus de voix du tout reprendre des carrières de chanteur. La seule variable, c’est le travail. Retrouver le potentiel de notre corps, ce n’est pas quelque chose qui se fait en deux minutes. Cela demande de choisir de se consacrer à ça. Si on est d’accord de travailler, personne ne peut dire jusqu’où on peut aller. Sky is the limit.

Le film s’attache aussi à la transmission de vos recherches sur la respiration…

Ce qui m’a fait le plus souffrir enfant, c’est une immense solitude. Le fait de partager toutes ces recherches avec d’autres gens, qui peuvent aider d’autres gens, c’est comme un médicament contre cette solitude. Il y a quelque chose qui me rassure profondément. J’ai un lien avec tous les praticiens que je forme, et cette méthode crée du lien entre les praticiens et leurs élèves. D’une certaine façon, créer du lien, c’est comme dire à l’oreille du garçon que j’étais: ne t’inquiète pas, des liens existeront.

Infos sur www.robindesvoix.ch

Un film de Catherine Azad et Frédéric Gonseth.

Avec Robin de Haas, Lynn Martin.

Durée: 87 min.

En salle à Fribourg.

Notre avis: 4/5

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