Olfaction et lecture font-elles bon ménage? Un colloque portant sur le livre parfumé s’y est intéressé
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5 juin 2023 à 19:43
Société » Encore anecdotique dans les rayons des librairies, le livre parfumé se fraie doucement un chemin. «Le phénomène pourrait être appelé à prendre une certaine ampleur en raison de l’engouement pour les livres-concepts ou pour les livres-objets», souligne Sophie-Valentine Borloz, chercheuse dans la Section de français de l’Université de Lausanne.
Jeudi, elle organisait un colloque interdisciplinaire sur le livre parfumé, cet «objet hybride». Comment et pourquoi parfumer un livre? Quelles conséquences sur les pratiques de lecture? Comment le texte et l’odeur interagissent-ils? Le parfum peut-il faire récit? Autant de questions auxquelles un panel d’intervenants internationaux a apporté des éléments de réponse.
Si parfumer les livres était une façon de les protéger contre les vers et autres insectes il y a plusieurs siècles, «la dimension de préservation a été remplacée par d’autres visées, promotionnelles notamment», constate Sophie-Valentine Borloz. A l’heure actuelle, il n’existe cependant pas encore de corpus constitué: «Ce qui implique qu’il faut réunir dans une même catégorie des livres très disparates.» On retrouve ainsi les ouvrages ludo-éducatifs du secteur jeunesse, les immersions dans un univers précis (le vin ou le whisky) et dans des univers fictifs (Honey Dukes, célèbre confiserie du monde de Harry Potter). Il existe aussi les expériences artistiques et finalement les odeurs qui accompagnent ou font un récit.
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Sorti en 2020, Les 5 parfums de notre histoire de Laure Margerand, fait partie de cette dernière catégorie. Présente en visioconférence, l’auteure revient sur le défi qu’a représenté l’édition d’un tel ouvrage: «J’ai écrit ce livre qui relate la création d’un livre parfumé en pensant que je devrais moi-même y renoncer.» Après discussions avec sa maison d’édition sur sa faisabilité, Laure Margerand a pu proposer à son lectorat un marque-page avec six opercules contenant des parfums conçus pour autant de moments clés du récit et créés pour l’occasion. Pour l’auteure française, il ne fait aucun doute: «Il faut de plus en plus aller vers des livres olfactifs et pour tout type de livre!»
Encore peu exploité, le recours à l’odorat pourrait être une aide dans plusieurs domaines liés à la lecture. A l’Université de Stavanger, en Norvège, la professeure Natalia Kucirkova et son équipe explorent comment les odeurs dans la lecture sensorielle activent l’intérêt, l’engagement et les souvenirs chez les jeunes enfants. Natalia Kucirkova s’étonne pourtant «que tout le système éducationnel ne soit basé que sur du contenu audiovisuel et néglige le rôle de l’olfaction dans l’apprentissage».
Parmi ses recherches exploratoires, Peter de Cupere, un artiste olfactif belge, a mis au point un Olfabet. Invité à Lausanne, il explique: «Chaque lettre est associée à une odeur.» S’adressant à des personnes non-voyantes, son Olfabet permettrait de lire en reniflant des senteurs enfermées dans des petites cases en plastique et dévolues aux lettres de l’alphabet. «Plusieurs lettres olfactives peuvent former un accord de senteurs et être ainsi reconnues instantanément en un mot.» Cette idée conceptuelle a été réalisée avec l’aide de personnes non-voyantes ou malvoyantes. Et l’artiste d’assurer qu’avec de l’entraînement, il est possible d’identifier lettres et mots.
De l’autre côté du spectre, du côté des parfumeurs, les histoires et plus largement la littérature, peuvent inspirer dans la création d’une fragrance. En imaginant son parfum, Le flocon de Johann K, Isabelle Larignon s’est basée sur le texte Etrenne ou La neige sexangulaire de Johann Kepler. Pour celle qui vient du monde de l’écrit, l’intention mise dans «l’écriture d’un parfum» est identique que dans l’écriture. Sur la touche enduite de son parfum, une citation comme pour mieux s’imprégner de l’atmosphère qu’elle a imaginée pour son flacon: «A partir de ce presque rien, un minuscule atome de neige, j’ai été proche de recréer l’univers entier qui contient tout.»
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