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Société

Troubles anxieux. quand la peur d’avoir peur gagne

Moins visibilisée que la dépression ou le burn-out, l’anxiété pourrit le quotidien de beaucoup.

L’agoraphobie et la phobie sociale font partie des troubles anxieux. © Adobe Stock

9 octobre 2023 à 16:15

Santé mentale » «Tu prends ton pouls 50 fois par jour et tu connais par cœur tous les petits exercices à faire pour vérifier que tu n’es pas en train de faire un AVC.» C’est l’un des nombreux exemples que Pascale Tardin liste sur son compte Instagram parlons_anxiete, où elle partage son quotidien de personne souffrant de troubles anxieux généralisés (TAG). «Ce compte, c’est pour essayer de donner du sens à tout ça», explique la Neuchâteloise, qui s’adresse à une communauté de 4250 internautes.

Comme elle, Jacques*, Josiane* et Camille* souffrent d’anxiété profonde depuis de nombreuses années. A ne pas confondre avec le stress connu par tout un chacun en certaines occasions. Leur anxiété leur fiche des attaques de panique, les empêche de sortir de chez eux, de partir en vacances souvent, de travailler aussi. Cette peur s’immisce dans chaque sortie ou presque: peur qu’il arrive quelque chose en chemin, peur d’une crise de panique à l’extérieur, peur d’avoir peur. S’ils ont depuis longtemps renoncé à vivre une vie normale et insouciante, ils apprivoisent leurs troubles tant bien que mal.

Stratégies d’évitement

«Je suis agoraphobe, claustrophobe et hypocondriaque», énumère Josiane. Depuis la naissance de son fils il y a 21 ans, elle est sujette à des crises d’angoisse violentes. «J’ai des palpitations, des sueurs, mes mains tremblent, je ressens une douleur dans la poitrine… Tout ce qui fait penser à une crise cardiaque en fait, donc ça fait encore plus peur, et c’est un cercle vicieux.» Le déclencheur pour elle? «Attendre.» Car c’est là qu’elle commence à réfléchir. Elle a donc mis en place des stratégies bien rodées pour éviter toutes les situations qui l’angoissent: «Je vais faire mes courses à l’ouverture ou sur l’heure de midi, quand il y a très peu de monde. Au cinéma, on arrive au dernier moment et surtout, je recherche toujours une place proche de la sortie.»

«C’est une agitation perpétuelle»
Pascale Tardin

Quand on leur demande d’expliquer comment les TAG se manifestent au quotidien, tous évoquent le fait de ne pas pouvoir mettre le cerveau sur off. «Même quand ça se passe bien, on pense à ce qu’il pourrait arriver», pointe Jacques. «C’est une agitation perpétuelle», complète Pascale Tardin. A cela s’ajoutent les crises d’angoisse ou attaques de panique et parfois même les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Jacques a connu l’enfer des TOC durant deux ans lorsqu’il était adolescent: «Je vérifiais plusieurs fois que la porte était fermée avant de partir. J’avais peur qu’on m’empoisonne, alors j’intervertissais les couverts à table, j’avais peur d’arrêter de respirer, je quittais à peine ma chambre.»

Incompréhension

Pernicieux car a priori invisibles, les TAG sont parfois difficiles à comprendre pour l’entourage. «Quand j’en parle, souvent les gens me disent que ce n’est pas possible, parce que je ne suis pas spécialement timide et suis souriante, mais cela n’a rien à voir», confie Camille. Heureusement, tous peuvent compter sur leur partenaire et leur famille, qui les soutiennent au quotidien. Et Pascale Tardin de souligner: «C’est même devenu un sujet de rigolade depuis que je suis devenue transparente sur ce que je ressentais.» Avec sa page Instagram, elle espère justement sensibiliser: «Montrer qu’il s’agit d’un handicap important, mais que ce n’est pas pour autant qu’on ne peut pas travailler, par exemple. Mais on a besoin d’adaptations.»

Elle, Josiane et Jacques connaissent des difficultés à maintenir une vie professionnelle classique. «Les gens ne comprennent pas que je ne travaille pas, mais c’est impossible d’envisager rester huit heures sans pouvoir partir. Et si je fais une crise? Et si les collègues me voient?» souffle Josiane. Elle et Pascale se sont vu refuser leur demande d’AI. Jacques est lui en réinsertion.

Pour y faire face, chacun s’est tourné vers différentes méthodes. «Quand j’ai voulu diminuer ma prise de Xanax il y a cinq ans, ça a été la catastrophe. Une médecin de l’AI m’a dit que j’en prendrais jusqu’à ma mort», partage Jacques. Aujourd’hui, il se sent un peu mieux grâce à un travail effectué avec une psychologue, sous la supervision d’une psychiatre. «Je compare les troubles anxieux à l’alcoolisme. Il faut apprendre à vivre avec, car ils seront toujours présents.» La fatigue ou le stress peuvent faire ressurgir les attaques de panique chez lui. Josiane aussi va mieux: «Je n’ai pas refait de crises d’angoisse depuis près d’un an.» Après avoir pris des antidépresseurs durant des années, elle ne prend plus que de l’homéopathie: «ça va mieux, mais on va dire que je ne profite jamais pleinement d’une sortie.»

Pascale Tardin non plus ne profite jamais à fond. «Si je pars en vacances, ce n’est jamais de la détente, mais parfois j’éprouve du plaisir», illustre celle qui peut faire entre 2 et 15 crises d’angoisse par semaine. Sur son compte, elle doit parfois faire face à des messages de détresse immédiate de personnes en pleine crise. Un rôle pas évident à endosser, surtout quand on est également sujette à l’anxiété. «Je réponds, je suis là pour parler, mais je renvoie toujours vers des professionnels», insiste-t-elle.

Aujourd’hui, les TAG sont mieux compris et détectés plus rapidement aussi (lire ci-dessous). «Si j’avais été mieux pris en charge il y a trente-cinq ans, ça n’aurait pas pris ces proportions-là», se persuade Jacques. Il n’empêche que la culpabilité d’en souffrir est toujours présente. Travailler là-dessus via les réseaux sociaux fait aussi partie de la mission que s’est donnée Pascale Tardin. «Il s’agit de reconnaître ces maux et d’arrêter avec les phrases du type «faut se mettre un coup de pied au cul».

Hélène Richard-Lepouriel: «l’objectif est que les gens puissent dominer leur anxiété»

Qu’entend-on par troubles anxieux?

La catégorie des «troubles anxieux» englobe le trouble anxieux généralisé, la phobie sociale, les phobies spécifiques, le trouble panique (avec ou sans agoraphobie) et les troubles obsessionnels compulsifs, même si la place de ces derniers dans cette catégorie est débattue. Très fréquemment, les patients souffrent de plusieurs troubles anxieux en même temps. Ils apparaissent le plus souvent dans le jeune âge avec par exemple des angoisses de séparation, des phobies et des TOC. Les attaques de panique arrivent plus tard.

Peut-on soigner les troubles anxieux? Comment?

Avec un traitement précoce et adapté, on parvient à de bons résultats. En revanche, la part de vulnérabilité persiste, on ne guérit pas au sens propre du terme. Mais l’objectif est que les gens puissent dominer leur anxiété et vivre comme ils le souhaitent, sans être entravés. Lorsque le diagnostic est posé, on va différencier la façon de traiter les troubles. On n’aborde pas de la même façon des attaques de panique, qui se manifestent par un cortège de symptômes très physiques, telles des douleurs très aiguës à la poitrine ou l’impression de ne plus arriver à respirer, et un trouble anxieux généralisé, beaucoup plus cognitif, avec des patients qui vont se faire du souci en permanence, toujours dans l’anticipation des catastrophes à venir.

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