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Pour l'anthropologue François Ruegg, «le nouveau discours décolonial et antiraciste est presque religieux»

Professeur émérite d’anthropologie sociale, François Ruegg déplore l’essor de thèses prétendant corriger le passé.


31 août 2023 à 15:55

Temps de lecture : 1 min

Société » Ethnologue, professeur émérite de l’Université de Fribourg où il enseignait l’anthropologie sociale, François Ruegg a mené de nombreuses recherches en Europe du sud-est, particulièrement en Roumanie, ex-Yougoslavie et Bulgarie, portant sur l’environnement construit et les relations interculturelles. A l’heure où les polémiques se succèdent autour d’accusations de racisme – comme récemment à propos d’une mise en scène jugée «esclavagiste» dans un magasin lausannois ayant exposé un mannequin laqué en blanc tenant en laisse deux mannequins laqués en noir –, il déplore l’influence croissante, dans les milieux muséaux et académiques, de thèses «décoloniales» prétendant corriger le passé.

On entend souvent que les thèses décoloniales sont un pur produit d’importation américain. Qu’en est-il?

François Ruegg: Il faut à mon sens distinguer entre politiquement correct, antiracisme et décolonialisme, bien que ces mouvements aient tous des racines étasuniennes. Les prémisses des études décoloniales remontent aux années 1980, dans ce qu’il est convenu d’appeler les subaltern studies développées par des historiens indiens revendiquant une «histoire par le bas» et s’opposant au discours des historiens coloniaux britanniques. D’autres chercheurs, eux aussi formés dans des universités américaines, ont contesté le «discours dominant ou colonial», à l’image du palestino-américain Edward Saïd. Son livre L’Orientalisme, publié en 1978, a fait date en remettant en cause la vision occidentale de l’Orient. Le terme d’orientaliste est alors quasiment devenu une insulte. On peut aussi mentionner les exercices d’autocritique de certains anthropologues, principalement américains comme George Marcus, Michael Fischer et James Clifford, remettant en cause le monopole du discours (colonial forcément) de l’ethnologue et voulant donner la parole aux «sans voix», aux «indigènes» colonisés.

En France, l’ethnologue Robert Jaulin avait déjà cette tendance à opposer les «bons» Indiens aux «méchants» colons, missionnaires ou chercheurs de pétrole. Mais il se fondait sur des exemples précis de «déculturation», voire d’«ethnocide» pour employer ses mots (voir La Paix Blanche, paru en 1970).

Le nouveau discours décolonial et antiraciste est beaucoup plus essentialiste et idéologique, presque religieux, ou du moins moralisateur. Il condamne en bloc les Blancs. Les réseaux sociaux ont amplifié le phénomène et on se jette aujourd’hui littéralement des injures à la tête autour de ces questions.

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