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Société

Paul, ce Suisse qui vient d’ailleurs

Educateur retraité, Paul Attallah est arrivé du Liban il y a 37 ans. Rencontre avec un joyeux collectionneur

Paul Attallah, chez lui, à Marly. «J’ai été très vite intégré en Suisse mais j’ai refusé d’être assimilé. Je fais une différence entre les deux», explique-t-il.

26 septembre 2021 à 12:30

Marly » On pourrait y passer des heures. D’abord à regarder. Dans sa maison, à Marly, ses collections s’affichent partout. Ici, ce sont des centaines de petites bouteilles. Là, des petits verres pour les grandes soifs d’après repas. L’un d’entre eux est en forme de minicaquelon à fondue. Original. Il fallait y penser! Mais où a-t-il bien pu dénicher tout cela? Il rit, nous aussi. Et puis, une fois les yeux rassasiés, il faut passer aux oreilles.

L’écouter raconter son parcours, ses multiples engagements vous fait presque regretter qu’il n’y ait pas assez d’heures dans une journée ni de pages dans un journal. Né à Damas, Paul Attallah s’est installé en Suisse il y a plus de trente ans. Educateur aujourd’hui à la retraite, il occupe son temps à diverses causes sociales mais aussi culinaires. Un délice qui va dans tous les sens et pour tous les sens!

Famille

Né le 18 mai 1952. A grandi à Beyrouth. Son père, Samih, était ingénieur architecte, et sa mère, Antoinette, mère au foyer. Marié à Bernadette alias Nanou. Deux fils: Cédric (33) et Thibault (29). Habite à Marly. Est arrivé en Suisse en 1984.

Formation

Assistant social et éducateur spécialisé.

Engagements

Membre du PS. Président du CCSI (Centre de contact Suisses-immigrés). Membre de divers comités dont Fri-Santé, SSP, ACAT. Et actif au Tunnel et à La Tuile.

Hobbies

Lecture, théâtre, cuisine et marche mais en ville.

 

Paul, vous êtes arrivé en Suisse en septembre 1984. A quelle occasion?

Je travaillais dans le domaine social pour un mouvement créé par l’évêque de Beyrouth, le Père Grégoire Haddad, appelé aussi l’évêque rouge pour son action sociale très engagée. Il était très proche des gens, quelle que soit leur religion. Il est un peu mon père spirituel. Tout est parti d’une rencontre avec une délégation du village d’enfants Pestalozzi (un village créé en 1945 pour accueillir des enfants victimes de la guerre et situé à Trogen, en Appenzell, ndlr). Elle était chargée de trouver un couple d’éducateurs et c’est ainsi que nous avons été candidats, ma femme et moi. Nous avons été choisis. Nous avons ensuite reçu le mandat de trouver des enfants libanais qui ont été accueillis dans ce village. Nous sommes arrivés à Trogen en septembre 1984 et les enfants en janvier 1985. Il faisait moins 25 degrés! C’est pour cela que je dis souvent, à ceux qui ont pu émettre des critiques, que je n’ai pas demandé à venir en Suisse et que j’ai acheté ma nationalité, ça coûte cher de devenir Suisse. C’était il y a plus de quinze ans.

Quitter votre pays, vous en rêviez?

Non. La Suisse était pour moi une carte postale. Je suis né au Liban en 1952 et la guerre a éclaté en 1975. Je pensais qu’il était impossible pour moi de quitter le pays pour des questions financières et administratives.

Comment avez-vous vécu ces années de conflit?

J’ai grandi avec! Par exemple, lorsque je partais de chez moi le matin, je prenais toujours un sac car je n’étais pas certain de pouvoir retourner chez moi le soir. Je me suis d’ailleurs retrouvé, une fois, durant trois semaines chez une amie. Mais ma situation était privilégiée. J’avais mon propre appartement, ma propre copine aussi (il rit) car j’ai perdu ma mère très jeune et mon père travaillait entre Beyrouth et Damas. C’était très rare dans la société libanaise de 1975!

Revenons à la Suisse. C’était le choc culturel à votre arrivée à Trogen?

La langue du village était l’anglais, donc ça allait. Et puis, nous avions acheté les plus gros anoraks que nous avions pu trouver au Liban mais ça n’a pas servi à grand-chose (il rit). Le choc a plutôt été dans des petits détails. Je me suis étonné, sur la route qui menait de l’aéroport à Trogen, de la propreté et de l’organisation des bidonvilles en Suisse. On m’a dit que ce n’était pas des bidonvilles mais des jardins ouvriers. Je n’arrivais pas à imaginer que cela puisse exister! J’ai aussi découvert qu’on fermait des chemins pour des grenouilles. Moi, je venais d’un pays en guerre avec des francs tireurs à chaque coin de rue et là, la route était fermée pour que des grenouilles puissent traverser sans se faire écraser! Ça relativise beaucoup les choses!

«En Suisse, j’ai découvert qu’on fermait des chemins pour des grenouilles»

Puis, vous êtes arrivé dans le canton de Fribourg…

Nous avons eu quelques désaccords quant à la gestion du village Pestalozzi mais nous nous sommes quittés en bons termes. La ville francophone la plus proche était Fribourg. J’ai trouvé un travail d’éducateur au home Linde à Tinterin. Nous nous sommes installés à Marly. Vous avez d’ailleurs devant vous un bourgeois de Marly (il rit).

Comment s’est passée l’intégration?

Je suis un Suisse naturalisé mais qui vient d’ailleurs. J’ai très peu de contacts avec les communautés arabophones. Quand nous sommes arrivés en Suisse, les Libanais étaient perçus comme les Afghans d’aujourd’hui. Je n’en ai pas souffert mais cela m’a empêché de parler arabe en public. J’ai été très vite intégré mais j’ai refusé d’être assimilé. Je fais une différence entre les deux. Je participe à la vie sociale, je trie mes déchets mais je refuse de parler ou manger suisse. Nous mangeons, par exemple, tous les jours du pain libanais depuis 37 ans. Mais ça n’empêche pas que j’ai toujours une petite baguette avec moi.

Vous mangez la fondue quand même?

Ah oui! Et j’ai même inventé la fondue libanaise. Mais je ne vous donnerai pas la recette…

Retraité, vous êtes membre de nombreux comités. C’est important pour vous de rester engagé socialement?

Quand j’ai pris ma retraite, j’avais peur de m’ennuyer…

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