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«Supprimer ses mails est une action totalement insignifiante»

Que faire pour limiter son impact écologique en ligne? Réponse du spécialiste Frédéric Bordage


Jérémy Rico

Jérémy Rico

14 mars 2019 à 13:10

Manger moins de viande, prendre moins sa voiture, acheter local. Demandez autour de vous comment faire pour réduire votre impact environnemental et voilà les réponses que vous devriez obtenir. Peu de gens penseront par contre à vous proposer de modifier vos usages numériques. Et pourtant. Expert indépendant en numérique durable et porte-parole de la communauté Greenit.fr, spécialisée dans le domaine, Frédéric Bordage milite pour que la population prenne conscience de l’impact environnemental de sa vie en ligne. Interview.

Peut-on quantifier l’impact de nos activités numériques sur l’environnement?

Frédéric Bordage: D’après nos estimations, l’empreinte du numérique connecté à l’échelle mondiale représente 2,7% des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et 3% de l’énergie primaire consommée dans le monde. L’impact environnemental du numérique équivaut à plus de deux fois celui d’un pays comme la France. Le numérique représente presque un sixième continent !

Pensez-vous que la population se rend compte de cet impact?

Les gens commencent à en prendre conscience. Mais il y a une grande désinformation sur le sujet. Certaines entreprises ayant des intérêts économiques à défendre orientent la prise de conscience ou les gestes clés sur les mauvais sujets.

Avez-vous des exemples?

En marge de la COP21, un opérateur français a médiatisé le fait de supprimer ses mails régulièrement comme étant un geste simple pour l’environnement. Mais il s’agit d’une action totalement insignifiante. Supprimer un gigaoctet de mail représente une économie de 30 grammes équivalent CO2 (définition ici). Alors que de prolonger la durée de vie de son smartphone de deux ans fait économiser environ 80 kg équivalent CO2.

Les médias se sont aussi beaucoup intéressés à la consommation des data centers. Suivant les indicateurs choisis les datas centers ne représentent que 7 à 20% de l’impact environnemental du numérique, alors que 53 à 83% de cet impact est dû aux internautes. Dans ce domaine, chacun peut agir à l’échelle individuelle, et c’est une très bonne nouvelle !

Quels actions conseillez-vous dès lors d’appliquer?

Je conseille quatre gestes simples qui ne sont pas punitifs et permettent de faire 80% du chemin pour réduire son impact :

  1. Allonger au maximum la durée de vie des équipements. La fabrication des smartphones, ordinateurs et autres équipements représente l’essentiel de l’impact environnemental du numérique. On peut supprimer tous les mails que l’on veut, si on ne prolonge pas la vie de son téléphone ou de son ordinateur, on passe à côté du sujet. Les entreprises devraient faire pareil et permettre le réemploi de leurs équipements numériques. Ces équipements professionnels sont souvent changés en même temps pour toute l’entreprise, ce qui permet aux reconditionneurs d’industrialiser la remise à niveau du matériel.
  2. Eteindre les box fibre, ADSL ou TV lorsque l’on ne s’en sert pas. Ces appareils consomment beaucoup d’électricité, autant les éteindre lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Et ce n’est pas compliqué d’installer un multiprise avec un interrupteur.
  3. Eviter un maximum l’usage du cloud, surtout sur le réseau 4G. La 4G et le cloud (définition) ont un impact catastrophique sur l’environnement, parce qu’ils ont augmenté le nombre de plages temporelles durant lesquelles il est possible d’avoir des usages numériques. Sauf que la 4G a vingt fois plus d’impact que l’ADSL. Plutôt que de sauvegarder ses photos de vacances sur le cloud dans le train du retour, pourquoi ne pas attendre d’être à la maison pour le faire ?
  4. Eviter de regarder la télévision en direct depuis sa box TV. La vidéo représente entre 60 et 90% de la bande passante sur internet. Lorsque l’on regarde la télévision en direct, il faut absolument utiliser le réseau câblé (via la prise TV). La box fonctionne en streaming et télécharge ce qu’elle diffuse. Pour un film, c’est le même fonctionnement. Dès le deuxième visionnement, acheter un DVD a moins d’impact environnemental que de regarder le même film en streaming.

Mettre le web au régime

Au-delà de des actions individuelles, Frédéric Bordage et la communauté Greenit.fr militent également pour mettre au régime le web. Comment? En favorisant l’écoconception des services numériques. Le principe est simple: chaque site ou application ne doit remplir que sa fonction, sans fioriture ni ajout inutile.

Un exemple: les moteurs de recherche. «Ouvrez yahoo.com et google.com côte à côte, et vous verrez de quoi je parle», annonce Frédéric Bordage. Et pour cause: alors que la page d’accueil de Google n’offre que ce qu’on lui demande, soit effectuer une recherche, celle de Yahoo y ajoute une multitude d’autres fonctionnalités non désirées (menu thématique, fil d’actualité, suivi des sujets tendances). Autant d’ajouts qui alourdissent inutilement le service.

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