L’expérience est pour le moins déconcertante. La Britannique Marina Smith, décédée à 87 ans en juin 2022, a participé virtuellement, par écran interposé, à ses propres funérailles. Cette ancienne fondatrice du Centre national de l’Holocauste dans le Nottinghamshire a même répondu gentiment à quelques questions de l’assistance. Pareil «miracle», relaté par BBC News, a été rendu possible par l’intelligence artificielle couplée à une technologie vidéo mise au point par Stephen Smith, fils de la défunte et cofondateur de StoryFile, une société spécialisée dans les vidéos conversationnelles.
«Elle était présente, dans un sens. C’était comme si elle était là, et qu’elle vous répondait», a-t-il expliqué aux médias, soulignant que les mots de sa mère étaient bien les siens. Ils ont été enregistrés de son vivant, sous forme de centaines de questions-réponses. Dans ce cas, l’intelligence artificielle s’est contentée de mettre en adéquation les propos enregistrés et filmés de Mme Smith avec les questions des participants aux obsèques.
«C’était comme si elle était là, et qu’elle vous répondait»
Stephen Smith
En 2016 déjà, l’Américain James Vlahos avait testé pareille pratique avec son père atteint d’un cancer incurable. Il l’avait longuement interrogé et avait enregistré ses souvenirs. A sa mort, il a créé un agent conversationnel (en anglais chatbot), pour pouvoir échanger avec son père défunt par textos. Il a aussi fondé sa petite entreprise, HereAfter, proposant aux personnes en fin de vie de leur programmer leur deadbot, consultable ensuite par leur famille pour 50 dollars par mois.
Empreinte numérique
Entre-temps, l’intelligence artificielle a fait des progrès de géant. Désormais démocratisée grâce à ChatGPT, elle permet la création d’un agent conversationnel post-mortem sans même avoir enregistré la personne avant son décès. C’est que notre empreinte numérique est énorme, avec tout ce que nous publions durant notre vie sur les blogs et les réseaux sociaux, textes, sons, photos et vidéos confondus. Cette matière peut désormais être digérée par le logiciel programmé pour simuler une conversation en langage naturel.
L’utilisation de ce matériel numérique a déjà été expérimentée par divers chercheurs, avec plus ou moins de succès. Dans son récent ouvrage Parole de machines1, Alexei Grinbaum, spécialiste de la théorie de l’information quantique, évoque l’expérience du Canadien Joshua Barbeau, qui a mis au point, grâce à un algorithme californien, un agent conversationnel s’exprimant comme sa défunte Jessica. Pour entraîner l’intelligence artificielle, il lui a transmis les archives des messages qu’il avait échangés avec sa petite amie pendant plusieurs années.