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Société

Le putois qui habite chez moi

Un trou mystérieux, un appareil photo à déclenchement automatique, une nouvelle passion

Malgré ses airs innocents, notre putois est probablement l’impitoyable assassin du crapaud du garage. AML

24 janvier 2022 à 12:50

Biodiversité » Un jour, mon conjoint a remarqué un trou sous la dalle de notre garage. Plutôt du genre petit, le trou, hein, pas le style cratère lunaire. La modestie de l’édifice prouvait qu’il n’avait pas été creusé par l’espèce qui traditionnellement ravage notre gazon, à savoir l’homo sapiens de moins d’un mètre, pelle en main.

Quand on s’accroupissait devant le Trou (par opposition aux autres trous, qui sont tristement dénués de mystère), on ne voyait pas le fond. Et comme quelque chose nous disait qu’il ne s’agissait pas d’un passage pour descendre au centre de la terre, nous ne pouvions nous empêcher de nous interroger: Qui diable avait creusé le Trou? Et pourquoi?

Débat passionné

Faits étonnants

» Un furet n'est rien d'autre qu'un putois domestiqué

» Quand il trouve beaucoup de grenouilles, le putois est pris d'une frénésie meurtrière. Il tue toutes celles qu'il rencontre, mais n'en mange qu'une ou deux

» En Suisse, on pense qu'il y a 1 à 10 adultes pour 1000 hectares

» Pépé le putois, décrié outre-atlantique comme le symbole de la «culture du viol», est en réalité une mouffette

La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre, le quartier étant plein d’amoureux de la biodiversité. Quelques heures seulement après avoir découvert le Trou, on nous apportait une caméra à déclenchement automatique (voir ci-dessous). On ne pouvait quand même pas rester sans savoir!

Le Trou semblait trop large pour un rat, trop étroit pour un renard, et les fouines ne creusent pas de trous. Ou bien? La caméra a donc été dûment installée. L’excitation était à son comble et le bonheur aussi, c’était comme épier ses voisins en ayant la conscience tranquille. Notre première prise a été un chat (ses moustaches, sa queue). La seconde un renard (bien plus doué pour poser). Ce n’est que la troisième nuit que nous pensons avoir saisi le coupable. Il était là, curieux et terriblement mignon, reniflant l’appareil puis se remettant à son œuvre de tunnelier avant de s’enfuir dans l’obscurité. L’espace d’un instant, nos cœurs ont fondu. Puis, ils se sont déchirés dans la controverse.

Je mettais mes biles sur un putois, mon mari était convaincu qu’il s’agissait d’une fouine. Le débat a été passionné et a mobilisé jusqu’à la famille établie sur les bords de l’océan: martre? Vison? Rhinocéros? Notre couple en péril, nous nous sommes résolus à consulter un spécialiste.

Elusif animal

Pour Peter Wandeler, directeur du Musée d'histoire naturelle de Fribourg, il n’y avait pas à tortiller: les oreilles rondes, les taches blanches sur le visage, le fait que l’on voit la peau sous son poil foncé étaient bien la marque d’un putois. J’ai rendu visite au biologiste. Nous promenant entre les vitrines, nous avons vu les fouines et les martres (pour les distinguer, regardez la couleur de leurs truffes), le blaireau, l’hermine, belette, tout le petit peuple des mustélidés. Parmi ces derniers, le putois, toutefois, semble un peu à part: «Il est peu connu parce qu’il est excessivement discret».

Oreilles rondes et taches blanches sur le visage, il n’y a pas à tortiller

Rien d’étonnant à cela. Vous sortiriez au grand jour vous si vous étiez avant tout connu pour le parfum de vos glandes anales? Peter avait beau m’avoir donné raison – et j’adore avoir raison –, je n’étais pas pleinement satisfaite. J’ignorais en effet toujours pourquoi mon putois avait creusé un trou.

Nomade estival

Les amoureux des putois étant aussi élusifs que l’objet de leur passion, il m’a fallu quelques semaines pour mettre la main sur un connaisseur. Cela valait la peine, toutefois, car ce que les Suisses savent aujourd’hui du putois, ils le doivent en grande partie aux recherches de Darius Weber, aujourd’hui chercheur et expert indépendant sur la faune sauvage et ses relations avec l’homme et la société. Dans sa jeunesse, Darius courrait le putois du Jura jusqu’aux Grisons. «A l’époque, on croyait qu’il avait disparu de l’ouest de la Suisse. C’est un animal qui ne fait pas de dégât et qui ne fait pas peur, donc personne ne s’y intéressait.» A force de disséquer des cadavres trouvés au bord des routes, de traquer les crottes, de fixer des radios émetteurs sur des spécimens vivants, le Soleurois en a appris un paquet: par exemple, que le putois se nourrit en priorité de batraciens, qu’il est nomade en été mais volontiers casanier en hiver, qu’il ne grimpe guère.

«C’est un animal qui ne fait pas de dégât et qui ne fait pas peur»

Darius Weber

Si sa présence dans mon jardin n’est pas à proprement parler étonnante – le putois aime les haies et les herbes hautes, il apprécie aussi les vieilles granges ou ateliers où il roupille tranquille durant la journée –, j’ai quand même eu un sacré coup de bol de capturer sa frimousse. «Les pièges photographiques ne révèlent que rarement des putois. Je pense qu’il ne faut pas l’interpréter comme une indication que sa population est très petite, mais que cela est plutôt lié à son mode de vie. Il ne parcourt pas des kilomètres chaque nuit comme la martre.»

En Suisse le putois est classé «vulnérable» sur la liste rouge des espèces, mais sa répartition et l’évolution des populations restent méconnues. «Il n’y a pas de recensement au niveau national», explique Cécile Auberson, collaboratrice scientifique à Info fauna. Etabli à Neuchâtel, le centre récolte toutes les données sur la faune, transmises par les institutions et les privés. «Les gens peuvent annoncer les animaux sauvages aperçus sur notre site. Il peut s’agir de n’importe quelle espèce, des sangliers, des papillons, des fouines. Et des putois, même si ça n’est pas très fréquent.»

Reste la question du Trou. «Peut-être qu’il cherchait des batraciens enfouis», avance Darius. «J’ai vu une fois un putois de la Brévine creuser plus d’un mètre de neige puis déterrer des crapauds sous la terre.» C’est vrai que ça fait un moment que je n’ai pas vu le crapaud du garage… Mais alors, pourquoi notre putois serait-il revenu à son ouvrage, alors que le Trou avait déjà été creusé des soirs auparavant? «Ça, je l’ignore…» Misère de mystère!

Pour signaler une observation de mammifères: webfauna.cscf.ch

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