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Société

Le paysage fribourgeois en péril

Destruction de fermes, de vergers, l’esprit des campagnes cède sous la pression immobilière

Le quartier de la Maula, à Romont. Photo Lib/Alain Wicht, Romont, le 18.05.2018Alain Wicht/Alain Wicht/La Liberté

13 janvier 2022 à 13:19

Architecture » Une maison rien qu’à soi, plantée au cœur d’une impeccable pelouse. Le rêve est partagé par de très nombreux Suisses, bien qu’il crée depuis des décennies la controverse. Comment, en effet, accommoder pareille ambition individuelle sans grignoter les terres arables, dans un pays qui connaît une importante croissance démographique? Mais les champs ne sont pas les seuls éléments de notre paysage a être menacés par la construction de villas sam’suffit. Fermes et habitations anciennes sont rasées et remplacées par des constructions modernes qui s’intègrent mal à leur environnement. Alarmé par ce constat, Thibaut Yersin, architecte du bureau Bard Yersin à Romont, plaide pour un développement plus harmonieux. Interview avant sa conférence, ce samedi, au Musée du papier peint de Mézières, dans le cadre de l’exposition Primal: l’intérêt du désintérêt.

Qu’est-ce qui fait la spécificité du paysage fribourgeois?

Thibaut Yersin: Il est typique du plateau suisse, composé de champs, de haies et de quelques étendues de forêts. Tout ce que l’on y perçoit a été façonné par la main de l’homme. Il n’est pas très différent en soi des paysages du plateau du canton de Vaud ou du canton de Berne par exemple. Ce qui fait sa spécificité, ce sont ses fermes traditionnelles qui diffèrent des édifices d’autres cantons. Chaque région, en effet, affiche dans ce domaine son caractère propre.

«Ce qui fait sa spécificité, ce sont ses fermes traditionnelles qui diffèrent des édifices d’autres cantons.»
Thibaut Yersin

Vous dites que le paysage est artificiel?

Il faut imaginer qu’il y a deux millénaires, notre pays était entièrement boisé. Les collines, les champs, avec des petits morceaux de forêts éparses, sont le produit d’un très long travail de défrichement. L’homme a canalisé les cours d’eau, créé des lacs, construit des routes, planté des haies et des vergers et bâti des villes, des villages et des fermes isolées. Le paysage, même à la campagne, n’a rien de naturel. Cela ne signifie pas toutefois qu’il n’a pas de valeur et ne mérite pas d’être protégé.

Notre région est-elle davantage en péril que d’autres régions suisses?

Jusqu’à récemment, elle était relativement peu sous pression par rapport à certaines régions alémaniques, par exemple. Mais comme la croissance de la population continue, cela change très vite, surtout dans les régions périphériques du canton, qui absorbent le surplus des voisins, comme la Broye ou la Veveyse. Et puis il y a le cas de Bulle, évidemment. Il est toutefois encore temps d’agir. De nombreux villages sont encore préservés. Le but n’est pas de stopper le changement, mais de se questionner sur la manière de le réaliser.

«Le but n’est pas de stopper le changement, mais de se questionner sur la manière de le réaliser.»
Thibaut Yersin

Quelle est la nature du problème?

Premièrement, la manière dont on planifie notre territoire. La réglementation actuelle est basée sur un système de zones désuet et décrié par la majorité des spécialistes, à l’heure où l’on cherche justement une certaine mixité. Cet outil est également moins adapté aux régions rurales. Telles que les zones sont conçues actuellement dans les villages, vous avez une zone centre-village qui contient les fermes traditionnelles et l’église, puis une zone de villas et parfois une zone industrielle. Or, la modification de la loi sur l’aménagement du territoire (acceptée en 2013 par le peuple, ndlr) a pour logique d’augmenter le coefficient de densité dans les centres. La pression s’y fait plus grande sur les bâtiments traditionnels, qui sont rasés pour céder la place à des blocs ou des ensembles de villas. Quant aux ruraux qui sont situés hors zone à bâtir, il n’est pas autorisé de transformer l’entier de leur volume en habitation. La législation sur la garde des animaux rend toutefois leur utilisation agricole de plus en plus difficile. Privés de toute utilité, on peut craindre que ceux-ci disparaissent, alors qu’ils auraient pu absorber une partie de la demande en logement, sans péjorer le paysage.

«Une bonne partie de la population trouve ces nouvelles constructions laides, mais elle s’en accommode faute de modèle alternatif.»
Thibaut Yersin

Deuxièmement, il y a un manque de débat sur ce que l’on fait. Une bonne partie de la population trouve ces nouvelles constructions laides, mais elle s’en accommode faute de modèle alternatif. Pourtant, il y a dans le canton de nombreux bureaux qui travaillent sur ces questions et proposent des solutions intelligentes. Je pense notamment au bureau LVPH, qui a entre autres repensé le centre de Cressier. Malheureusement ces exemples restent peu connus.

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