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ChatGPT. le défi de former les élèves à son utilisation critique

En matière d’intelligence artificielle, les élèves ont pris une longueur d’avance sur les enseignants. Comment faire pour les accompagner? Interview de Richard-Emmanuel Eastes, qui planche sur ces questions au sein des hautes écoles spécialisées de Suisse occidentale.

Pour Richard-Emmanuel Eastes, il faut éduquer les jeunes à être performants dans le monde de l’IA, avec des compétences qui leur permettent de gérer cet outil. © Charly Rappo

18 décembre 2023 à 12:35

Temps de lecture : 1 min

Perspectives » Les performances toujours plus étonnantes de la dernière version de ChatGPT (de la société californienne OpenAI, en grande partie rachetée par Microsoft) et la possibilité, depuis novembre 2023, de l’utiliser pour créer des chatbots personnalisés accélèrent encore la cadence en matière de défis pour l’enseignement secondaire et supérieur. Au-delà des risques de plagiat ou de la manière dont les nouveaux outils de l’intelligence artificielle (IA) bousculent les professionnels de l’éducation, l’urgence serait d’apprendre aux élèves à bien s’en servir.

Questions à Richard-Emmanuel Eastes, ancien recteur de la Haute école pédagogique des cantons de Berne, Jura et Neuchâtel (HEP-BEJUNE), qui coordonne désormais le Service d’appui au développement académique et pédagogique de la HES-SO, Haute école spécialisée de Suisse occidentale, regroupant 28 hautes écoles romandes. A ce titre, il a co-initié la task force AI Education de la HES-SO, créée dès janvier-février 2023.

En Suisse romande, la plupart des structures dédiées à l’enseignement, les départements de l’instruction publique des cantons et le Syndicat des enseignants romands (SER) semblent avoir fait le choix, dès début 2023, de ne pas interdire les usages de ChatGPT, mais de promouvoir une meilleure compréhension des enjeux…

Richard-Emmanuel Eastes: Il n’y a pas eu de levée de boucliers. Peut-être que les gens ont appris des avantages à en tirer. Mais il manque encore une vraie réflexion sur la manière de mettre en œuvre les formations à l’IA. C’est difficile. D’une part, les élèves ont déjà accès à ces outils, de toute façon, et s’y sont mis plus vite que les enseignants. On ne peut quasiment pas empêcher cela, donc il faut les intégrer. D’autant plus qu’ils vont vivre dans un monde d’IA. Il faut les éduquer à être performants dans ce monde-là, avec des compétences qui leur permettent de gérer les IA.

Y a-t-il eu des exceptions?

Je n’en connais pas en Suisse romande, et je trouve que c’est assez heureux. La seule organisation que j’ai vu s’élever contre l’utilisation de ChatGPT est Sciences Po, à Paris (interdiction pour la production d’évaluations écrites ou orales, selon les principes d’honnêteté intellectuelle et la charte anti-plagiat, ndlr). C’était un acte politique fort, basé sur une raison profonde qui a conduit cette institution à l’interdire.

Sciences Po a en effet dénoncé le côté précipité et «libertarien» du lancement de ChatGPT dans une version encore provisoire, et a pointé la nécessité, désormais, de «repenser les critères d’évaluation au profit de l’évaluation de compétences»: développer le travail réflexif personnel et une analyse critique poussée, plutôt que la vérification de connaissances. Mais il reste que ChatGPT est bien là. Comment faire avec?

Une chose que nous faisons beaucoup ici, dans l’enseignement supérieur, c’est autoriser l’utilisation de ChatGPT pour un travail écrit, par exemple, mais en demandant aux élèves et étudiants de déclarer s’ils l’ont effectivement utilisé. On peut aussi éventuellement leur demander de fournir les prompts (toute commande écrite envoyée à une IA, ndlr) voire les conversations entières avec ChatGPT. Il me semble toutefois important de continuer à les évaluer sans IA en parallèle, et notamment pour ce qui concerne les compétences qui leur permettent justement de gérer les risques et les limites de l’IA.

Quelles sont ces compétences de base?

Avant tout, il faut comprendre comment ça marche, comment ChatGPT est construit. Parce que le problème, c’est qu’il semble tellement anthropomorphisé, avec du texte qui arrive au fur et à mesure. Cela donne l’impression que l’on parle vraiment à un assistant qui réfléchit, qui pense, alors que c’est une machine qui fonctionne en calculant des probabilités de termes, mot après mot et qui, de ce fait, génère des tas de biais. Il faut en avoir conscience et, à partir de là, rester prudent et apprendre à l’utiliser au quotidien. Parce que ce sont des biais que l’on peut contourner.

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