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Marie Pedroni. «La maîtrise de la langue conditionne tout le reste»

Parce que l’orthographe ne serait qu’un symptôme d’un effritement scolaire plus large, l’enseignante romande Marie Pedroni tire la sonnette d’alarme dans son livre «Désolé pour l’orthografe».

Marie Pedroni souligne qu’en 2022, 48% des élèves suisses se situaient dans les deux niveaux les plus faibles en lecture dans l’étude PISA, un chiffre peu relayé. © Charles Ellena-archives

8 janvier 2024 à 09:30

Temps de lecture : 1 min

Education » «Je n’exagère absolument pas quand j’écris que je dois répéter une date inscrite au tableau trois ou quatre fois pour que les élèves la recopient correctement.» Enseignante au niveau secondaire, Marie Pedroni s’inquiète du sort de ses élèves et des élèves romands plus largement. Dans son livre Désolé pour l’orthografe – Réflexions sur l’effritement du niveau scolaire, la prof valaisanne analyse plus particulièrement les différentes causes menant aux difficultés observées en français.

Et d’esquisser des solutions étayées par de nombreuses sources, parfois à contre-courant de ce qui est préconisé dans les hautes écoles pédagogiques et autres institutions dédiées à la formation des enseignants: davantage de rigueur, la correction de l’orthographe même lorsque l’épreuve ne porte pas sur celle-ci, se concentrer sur les matières fondamentales en retardant l’apprentissage des langues étrangères et arrêter de «s’éparpiller» en introduisant de grands concepts sociétaux… Entretien.

A vous lire, on court vers un abrutissement de la société. Faut-il avoir peur?

Il faut commencer à s’inquiéter et à se poser des questions, en effet. Parce que même si ce que j’écris dans mon livre ne concerne pas l’ensemble des élèves, il s’agit d’une forte proportion qui semble croître sans arrêt.

Vous relevez que même parmi les bons élèves, les difficultés en français existent.

Le titre du livre évoque directement le problème de l’orthographe, et même chez les bons élèves. Et effectivement, c’est quelque chose que l’on observe. Parfois les gens disent «oui, mais on en fait tous, des erreurs». Mais lorsqu’un élève censé être bon vous écrit le même mot de trois façons différentes dans un paragraphe, on se dit qu’il y a peut-être un problème plus profond et que l’orthographe n’en est qu’un symptôme. Dans leurs fautes d’orthographe, il y a une forme d’inattention et de désinvolture.

Symptôme de beaucoup de choses, listez-vous: troubles de l’attention généralisés, prédominance des écrans, dérives de l’éducation bienveillante…

On a parfois tendance à dire que s’il y a un problème de niveau scolaire, il faut le régler à l’école, mais c’est un tout! Si on s’attache à régler un problème seulement à l’école ou à la maison, on n’arrivera jamais à venir à bout de ces difficultés.

Parmi les pistes que vous proposez, vous évoquez même des solutions à l’échelle de la société.

Tout à fait, je crois beaucoup en la valeur de l’exemple. Si les jeunes d’aujourd’hui grandissent dans une société accaparée par les écrans, qui va à toute vitesse et ne lit presque plus, pourquoi agiraient-ils différemment?

Vous insistez aussi sur la responsabilité des parents dans l’encadrement du travail de leur progéniture. Difficile dans certains contextes familiaux…

Oui, bien sûr, et tout le monde fait comme il peut. Et ça ne veut surtout pas dire que c’est facile et que ça coule de source. Encore plus à l’époque actuelle, cette mission éducative des parents est très difficile. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il faut lâcher du lest.

La dernière simplification du français serait une fausse bonne idée, pourquoi?

Je cite un auteur qui dit que lorsque vous avez un vocabulaire limité et une syntaxe limitée aussi et en perdant les nuances dans les mots, on perd aussi des nuances dans le raisonnement et dans la façon dont on pense. On tend vers une simplification de la pensée.

Mais le français est une langue particulièrement complexe. N’est-ce pas positif de rendre cette langue plus accessible?

Tout dépend de ce qu’on entend par simplifier! Souvent, on parle de l’orthographe et c’est vrai qu’il y a des décisions qui ont été prises il y a longtemps de façon un peu arbitraire et que l’on pourrait remettre en cause. Effectivement, le français est une langue très, très riche. Et c’est peut-être ça qui a produit toute la littérature et la pensée que l’on connaît? Donc il ne s’agit pas d’utiliser le subjonctif imparfait dans toutes nos phrases et de cultiver un vocabulaire précieux, mais il me semble que la nuance est indispensable.

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