Viticulture » «On ne peut plus rien pour vous!» Aurore Castagnet n’en a pas cru ses oreilles. A l’autre bout du fil, sa banquière la plantait sans ménagement cet automne, juste après les vendanges. «Depuis, je suis dans la m… », reconnaît cette vigneronne, cinquième génération d’un domaine familial qu’elle exploite avec son père. «La banque bouffe tout ce que je dépose sur le compte pour rembourser mes emprunts et m’empêche de fonctionner», résume-t-elle, illustrant la colère qui gagne les raisins du Bordelais.
«Le cas d’Aurore n’est pas isolé. Il y en a des centaines comme elle», prévient Didier Cousiney, porte-parole d’un collectif de vignerons bordelais qui tire la sonnette d’alarme depuis bientôt 20 ans. Il est jeune retraité et maire de la charmante commune du Pian-sur-Garonne. Un village d’un millier d’habitants situé au sud de Bordeaux, au cœur de magnifiques coteaux pentus qui contrastent avec les plaines habituelles du Bordelais. Des vignes qui ne font plus rêver, comme le prouve la décision de son fils un an avant son départ à la retraite. «Ton truc, ça ne m’intéresse plus.» «Moralement, physiquement et économiquement, je ne pouvais pas continuer à exploiter mes 35 hectares.» Didier Cousiney s’en est bien tiré. Il a vendu une partie de ses vignes et mis en location le reste. Mais il ne renonce pas à son combat pour autant. «On a les plus belles vignes de Gironde. C’est une fierté. Et comme je n’ai plus rien à perdre, je gueule.»
Crise de surproduction
Assis sous un portrait officiel d’Emmanuel Macron, il détaille son combat: permettre aux vignerons les plus âgés, soit près d’un tiers de l’appellation, de partir «dignement» en retraite. Et pour les générations suivantes, redonner au bordeaux son lustre d’antan.