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Société

«Je me suis sentie évincée»

En Suisse, les exploitations agricoles sont encore transmises principalement aux garçons


12 novembre 2021 à 02:01

Temps de lecture : 1 min

Agriculture » Comme d’autres filles de paysans, Aline Chollet s’est sentie évincée de l’accès à la ferme familiale. Le 30 octobre, lors de la 2e Session des femmes, tenue au Palais fédéral, son interpellation portant sur la transmission des domaines aux femmes a été adoptée. En Suisse, 94% des exploitations agricoles sont dirigées par un homme.

L’histoire d’Aline Chollet a pour cadre la campagne genevoise, un domaine familial. Avec sa mère, pionnière en matière d’activités para-agricoles, elle se forme au travail d’accueil à la ferme. Une façon de «participer à la préservation du patrimoine familial» qui la ravit. Sa famille l’encourage à développer ces tâches, l’assurant de son soutien. Elle passe son brevet fédéral de paysanne, qui lui donne droit au statut d’exploitante agricole. Peu à peu, son projet se précise: outre les activités para-agricoles, elle souhaite développer la production et la transformation de fruits et légumes, assurant toute la chaîne de valorisation jusqu’à la vente sur le domaine familial. «Les activités que je visais pouvaient parfaitement être conciliées avec celles de mon frère, à qui l’exploitation avait été cédée: nous n’aurions pas été en concurrence», estime Aline Chollet.

Un «danger»

C’est à l’occasion d’un cours de création d’entreprise qu’elle prend conscience de la nécessité d’accéder au statut d’exploitante à titre personnel. Dans l’agriculture suisse, ce statut est crucial: il permet d’obtenir des paiements directs, de demander un prêt bancaire, mais aussi d’accéder à d’autres terres. Aline Chollet demande alors à sa famille de pouvoir devenir coexploitante du domaine. C’est là que la situation s’est envenimée, raconte-t-elle. «D’un coup, j’ai eu le sentiment d’être perçue comme un «danger» à écarter, comme celle qui voulait «démanteler» le domaine familial. Je me suis sentie une étrangère à ma famille.»

94%

des exploitations agricoles sont dirigées par un homme

Le poids des rôles de genre dans l’agriculture a été mis en lumière par différents travaux, rappelle l’élue à la Session des femmes. Notamment ceux du Fonds national pour la recherche scientifique. Le rapport du Programme national de recherche Egalité entre hommes et femmes (PNR60) souligne en effet que le «modèle de la complémentarité», entre un mari gagne-pain et une épouse responsable de la sphère domestique, qui «aide» son mari dans l’exploitation, est le modèle dominant en agriculture suisse. Cette main-d’œuvre familiale n’a généralement pas de statut, ce qui a un impact direct notamment sur l’accès aux aides publiques.

Si la situation des épouses d’exploitants a fait l’objet de rapports de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) et du Conseil fédéral, celle de la transmission de domaines aux filles d’exploitants n’est que peu questionnée, tout comme la faible représentation des femmes à la tête des domaines, qui atteint tout juste 6%. Pour comparaison, le pourcentage de femmes cheffes d’exploitation s’élève en Autriche à environ 40%, indique une étude de 2010 citée par l’institut Agroscope. Cette situation serait notamment due à une longue tradition d’agriculture à temps partiel et à la «détraditionalisation» des exploitations familiales paysannes. En Suisse, les exploitations à plein-temps dominent.

D’autres modèles

Pour la conseillère aux Etats verte Adèle Thorens Goumaz, c’est l’ensemble des conditions-cadres agricoles qui doivent évoluer. En principe, les ordonnances agricoles suisses permettent bien à plusieurs personnes sur une même exploitation de toucher les paiements directs ou les aides initiales. Mais dans la pratique, les organismes agricoles encouragent la reprise par un seul exploitant. De manière générale, la politique agricole témoigne de la volonté de valoriser l’agriculture familiale, salue la conseillère aux Etats verte. «Mais les familles évoluent, et la répartition des tâches également. Aujourd’hui, il faut absolument intégrer d’autres modèles, qu’il s’agisse de femmes cheffes d’exploitation, de couples partageant la direction de l’exploitation ou d’exploitants et d’exploitantes organisées en coopérative. Cela aurait un impact sur la reprise des domaines par les femmes.»

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