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Société

Le Siècle de Jeanne (BD). «Des femmes se sont battues»

Après leur BD sur la Suisse au XXe siècle, Eric Burnand et Fanny Vaucher parlent du XIXe siècle


14 novembre 2022 à 16:01

Parution » «J’ai grandi dans une famille paysanne qui a cru aux promesses de la révolution vaudoise. J’ai fondé une famille en terre catholique, connu les troubles de la guerre civile et la famine, jusqu’à l’émigration forcée à l’autre bout du monde…» Ainsi s’ouvre Le Siècle de Jeanne, une attachante saga familiale réalisée par le journaliste passionné d’histoire Eric Burnand et l’auteure illustratrice Fanny Vaucher. Elle met en scène l’histoire mouvementée, cruciale mais en grande partie oubliée de ce XIXe siècle étonnant. Révolte, famine, migration, guerre civile, unification du territoire, Constitution fédérale, droits sociaux, libertés démocratiques, débuts de l’industrialisation… en passant par Genève et Fribourg, tout y est retracé, avec humanité et pertinence.

Votre précédente BD, Le Siècle d’Emma, évoquait de manière originale la vie en Suisse au XXe siècle. Elle a connu un beau succès, comment l’expliquez-vous?

Eric Burnand: Nous avons été surpris. Je savais que l’histoire suisse intéressait les gens, et la BD aussi, mais je ne m’y attendais pas. Je pense que c’est révélateur d’un intérêt qui est là pour un passé moins bien connu, et par une approche différente, qui parle de la Suisse mais sans passer par les personnalités au pouvoir.

Vous parlez d’une autre approche de l’histoire, «par la bande», c’est-à-dire par la bande dessinée, mais aussi en racontant l’histoire non pas du point de vue des vainqueurs, mais telle que vécue par le peuple, et avec des figures féminines…

E.B.: L’idée c’était d’essayer de voir l’histoire suisse à hauteur de personnes ordinaires, et surtout des femmes, puisque au XIXe siècle la reconnaissance de leurs droits a été très difficile. Mais nous voulions montrer à travers le personnage fictif de Jeanne et sur la base de faits réels qu’il y a des femmes qui se sont battues, ont obtenu une formation professionnelle, comme dans le premier institut laïc pour les jeunes filles, fondé à Yverdon par Pestalozzi. Elles ont défendu des idées de liberté, d’autonomie, à travers la lecture de Rousseau et l’héritage des Lumières.

Ce XIXe siècle n’est pas du tout un long fleuve tranquille…

Fanny Vaucher: Ce qui m’a le plus marquée, c’est de découvrir la migration hors de Suisse. Nous vivons dans un pays tellement stable économiquement, on ne parvient pas à s’imaginer qu’à une époque des Suisses mouraient de faim et étaient prêts à partir au bout du monde, au péril de leur vie, juste pour trouver de quoi subsister. Ce XIXe siècle permet de casser des images préconçues qu’on a de la Suisse

Vous évoquez la colonie de Nova Friburgo au Brésil…

«L’idée c’était d’essayer de voir l’histoire suisse à hauteur de personnes ordinaires, et surtout des femmes»
Eric Burnand

E. B.: C’est un des thèmes qui traversent le siècle, avec aussi le travail et l’émancipation des enfants, qui commence dans cette BD avec les problèmes liés à la pauvreté à Fribourg. Et puis les migrations, les famines… il y en a eu trois ou quatre, même si celle de 1816 a été la pire: celle de 1845, et ensuite juste après la guerre du Sonderbund. Des boulangeries étaient attaquées en Suisse romande par des personnes affamées… c’est la réalité, nous n’avons rien inventé.

D’autres thèmes restent absents des livres et manuels scolaires résumant l’histoire suisse…

F. V.: La révolte des Bourla-papey («Brûle-papiers», en patois, pour désigner un soulèvement de milliers de paysans de Suisse romande détruisant les titres de propriété pour en finir avec les redevances féodales, ndlr) est un moment très symbolique à rappeler pour des personnes comme moi, qui suis Vaudoise d’origine. J’en avais déjà entendu parler, avec une certaine fierté autour de cette révolte paysanne, mais très peu de documents la représentent.

Comment vous êtes-vous documenté?

«Ce XIXe siècle permet de casser des images préconçues qu’on a de la Suisse»
Fanny Vaucher

E. B.: Leur slogan c’était: «Paix aux hommes, guerre aux papiers.» C’est un mouvement très intéressant en 1802, mais qui a été complètement gommé de l’histoire. Côté archives, on le retrouve un peu dans la presse de l’époque. Un historien du XIXe a aussi fait un gros travail sur les Bourla-papey. Et on en retrouve la trace, souvent en patois, dans les auditions des «coupables». Les femmes étaient extrêmement présentes dans cette révolte. Ils ont finalement obtenu gain de cause.

A relire l’histoire de notre pays, on a parfois le sentiment que la Suisse actuelle doit autant au mythe de Guillaume Tell qu’à Napoléon…

E. B.: Mais tout le monde le reconnaît! (rires)… On parle même de l’invention de la Suisse par Napoléon, qui en a fait un Etat tampon. C’est au moment de l’Acte de médiation de 1803 qu’ont été créés les cantons, pour des raisons de pur équilibre, et parce qu’il était difficile d’imposer aux Suisses une République unitaire. Une première partie de la Suisse résulte d’une création française. Et une deuxième partie de la guerre civile de 1847, même si on ne veut pas le dire, ou on le minimise, comme s’il s’agissait d’une petite guerre où tout le monde s’est vite réconcilié. Pas du tout! Il y a eu imposition d’un changement de régime. Nous avons pris le parti de raconter cette guerre du Sonderbund, vue aussi par les Fribourgeois et les catholiques conservateurs.

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