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Société

Christine, poète qui claque

Longtemps agricultrice à Trey, Christine Pages a vécu plusieurs vies, dont celle d’amoureuse de slam

«L’agriculture, c’est une école de vie», explique Christine Pages, qui travaille aujourd’hui dans le domaine social.

29 novembre 2021 à 02:01

Mots » Sa maison lui ressemble. A Trey. Introuvable. Malgré un gentil assistant vocal à l’orientation assurée. Il faut contourner une ferme, s’aventurer sur des chemins inconnus et cachés. Et soudain, une coquette villa blanche apparaît. Son regard se mérite. Celui de la maîtresse des lieux aussi. Christine Pages n’est pas du genre à se livrer au premier rendez-vous. Elle n’aime pas les cases, être réduite à ses formations. Ce serait difficile tant elles sont plus que nombreuses. Agricultrice sur le domaine familial, éducatrice spécialisée, gérante de boutique, assistante dentaire, entre autres: elle en aurait beaucoup à raconter. Mais elle préfère le faire à travers ses mots et le slam, qu’elle a découvert il y a quelques années…

Christine, s’il fallait deviner votre travail, agricultrice ne serait sans doute pas le premier à venir en tête en vous voyant…

Je suis devenue agricultrice tardivement, même si j’ai travaillé dans ce domaine durant quinze ans avec mon père. J’ai d’abord fait d’autres formations, je suis partie dans la région de Lausanne, j’ai travaillé chez un dentiste, notamment. Et puis, j’ai suivi l’école d’agriculture à l’âge de trente ans. La terre, son contact, me manquaient trop. J’étais alors la seule fille dans ma classe. J’ai ensuite repris le domaine familial. C’est vrai qu’on m’a souvent dit que je n’avais pas le profil d’une agricultrice même si je suis devenue plus féminine avec les années. Enfant, on me disait que j’étais un garçon manqué!

«J’ai dû me faire respecter avant qu’on me fasse confiance.»
Christine Pages

Etait-ce difficile, comme femme, seule de surcroît, de travailler dans ce domaine?

Non… J’ai été élevée comme un garçon. J’étais tout le temps avec mon papa, à la ferme, sur le tracteur. J’ai dû me faire respecter avant qu’on me fasse confiance. A mon époque, ce monde était totalement masculin, ce qui est moins le cas aujourd’hui.

Vous êtes aujourd’hui responsable de l’antenne broyarde de Pro-xy qui soutient les proches aidants. Ya-t-il un fil rouge entre vos diverses formations?

Je me suis tournée vers le social car ce domaine m’a toujours attirée. J’ai commencé comme bénévole dans un foyer pour toxicomanes, puis pour les adolescents, j’ai ensuite gravi les échelons avant de travailler pour la fondation Pro-xy en 2014. Je pense que je suis en train de battre mon record (elle rit). Tout ce que j’ai fait est utilisé dans mon poste actuel. Il réunit toutes mes compétences. L’agriculture, déjà, est ce qui vous diversifie le plus professionnellement. Vous avec des responsabilités, il faut aussi être capable de s’adapter au climat, au prix, etc. Et savoir également rebondir. C’est une école de vie formidable. Dans mon job actuel, je dois engager, former des personnes et les coacher aussi.

«Dans mon job actuel, je dois engager, former des personnes et les coacher aussi.»
Christine Pages

Et vous êtes aussi et surtout une amatrice de slam. Comment cette passion est-elle née?

J’ai toujours aimé écrire. Adolescente, j’inventais des histoires. J’ai aussi écrit des articles pour une revue d’une association de familles monoparentales dont je suis devenue la rédactrice en cheffe. De fil en aiguille, j’ai participé à des soirées d’écriture mais ce n’était pas encore ce que je recherchais car je n’avais pas vraiment de retour. J’ai découvert le slam grâce au mari d’une collègue. Je me disais que c’était pour les jeunes, je confondais peut-être avec le rap. Mais je suis quand même allée voir et j’ai participé à un atelier…

Et alors, coup de foudre?

Je suis très timide même si c’est moins le cas aujourd’hui. A la fin de l’atelier, nous sommes montés sur scène. Je dis mon texte, je redescends. J’étais dans un tel état d’euphorie! Je me suis dit: quand est-ce que je remonte sur scène!

Famille

Née le 10 juin 1964. A grandi à Trey. Ses parents, René et Hélène, étaient agriculteurs. Deux enfants: Aurore, 33 ans, et Maël, 27 ans. Habite à Trey.

Formation

Diverses formations. A exercé plusieurs métiers. Agricultrice, formatrice d’adultes, éducatrice spécialisée. Est coordinatrice et responsable de l’antenne de la Broye de Pro-xy. Est présidente de la Slaam Lausanne (Société lausannoise des amateurs et amatrices de mots).

Hobbies

Balades, thrillers, lecture, moments de partage avec des amis. 

Qu’est-ce qui vous fait tant vibrer?

Au-delà de l’écriture et du contact, de la réaction directe du public, il y a un côté indéfinissable. J’ai toujours eu horreur qu’on me définisse par mes formations, le fait d’être mariée ou non, etc. Dans le slam, personne ne vous pose de questions. La seule chose qu’on vous demande, c’est votre texte. On peut simplement être. Je peux donc être une autre personne. Je ne suis ni maman, ni agricultrice, ni employée, juste moi. L’idéal pour moi qui ai toujours voulu vivre plein de vies. Jouer, s’amuser avec les mots permet aussi de dire des choses que je ne dirais pas dans ma vie. J’aime slamer des petites histoires de vie.

«Dans le slam, personne ne vous pose de questions. La seule chose qu’on vous demande, c’est votre texte»
Christine Pages

Qu’est-ce que le slam pour vous?

C’est de la poésie qui claque. Le mot slam en anglais veut dire claquer. Il a été inventé par Marc Smith en 1984 à Chicago. Amateur de poésie, il participait à des soirées littéraires mais s’y ennuyait profondément, estimant que des gens monopolisaient la parole. Il a donc commencé à intégrer la poésie dans des cafés en mettant en place un cadre: trois minutes par personne sans musique et sans accessoire. Tout le monde était donc au même niveau pour déclamer son texte. Le but de cette prise de parole est de captiver le public.

Cela vous plaît tant que vous êtes aujourd’hui présidente de la Slaam Lausanne…

Oui, depuis 2017. Nous sommes environ huitante membres. Nous avons des scènes slam tous les mois.

Quelle place occupe le slam dans votre vie?

Le slam m’a fait prendre beaucoup d’assurance. Il m’a permis, par exemple, de prononcer des discours dans mon cadre professionnel. Il m’a aussi apporté de nouvelles opportunités et expériences. Nous sommes en train, d’ailleurs, de préparer un spectacle avec une troupe de danseurs durant lequel je déclame des textes. Et écrire, c’est aussi un besoin.

Parlez-vous de tout ou vous fixez-vous des limites?

Non, aucune. Je suis ouverte à tout mais je ne suis pas très intéressée par la politique, par exemple, tandis que d’autres slameurs vont être plus militants. Mon dernier texte, je l’ai terminé ainsi: une femme libre, ivre de vivre.

» Infos sur www.slaam.ch


Une spatule qui sort de l’ordinaire...

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