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Fausse couche. «Cela arrive à une femme sur quatre»

La journaliste Cléa Favre évoque ses fausses couches dans un récit saisissant son désarroi et sa souffrance

Le dessin de Kalina Anguelova capte avec maestria les émotions fortes, parfois contradictoires, souvent dévastatrices, qui assaillent une femme après une fausse couche.

29 août 2022 à 11:39

Témoignage » C’est l’histoire d’une jeune femme qui, par deux fois en moins d’une année, va voir son rêve de maternité s’interrompre avec une brutalité sans nom. Deux fausses couches, comme on dit, qui vont la précipiter au fond d’un abîme de désespoir, de souffrance, de rage, de solitude… Ce drame, Cléa Favre, journaliste économique à la RTS, l’a vécu et le partage aujourd’hui dans Ce sera pour la prochaine fois, un roman graphique porté par un texte puissant, radical, honnête, tout au long duquel on cherchera en vain la moindre trace de sensiblerie et d’auto-apitoiement. Un parcours de la peine, un éprouvant cheminement vers la lumière qui doit aussi son intensité au dessin magnifiquement inspiré de Kalina Anguelova, une journaliste à 20 minutes, Femina et Horizons, laquelle capte avec grâce la moindre pensée de sa consœur et amie.

Vous témoignez d’une expérience difficile à travers un roman graphique! Pourquoi cette forme?

Cléa Favre: Au départ, ce n’était pas dans mes intentions d’en faire un livre. Je voulais simplement évacuer un trop-plein d’émotions. J’ai alors consigné tout ça sur papier… Je n’ai pas trouvé d’autre espace pour exprimer sans filtre cette rage, cette douleur.

En parler ouvertement à vos connaissances n’aurait-il pas eu un effet plus rapidement réparateur?

«Je voulais simplement évacuer un trop-plein d’émotions»
Cléa Favre

Après ma première fausse couche, ce n’était effectivement pas un sujet tabou pour moi. J’ai été très étonnée de constater à quel point certaines personnes pouvaient se montrer suspicieuses sur le sujet. On me demandait: «N’as-tu pas fait trop de sport? Tu travailles beaucoup…» Comme s’il devait bien y avoir une bonne raison pour que cela arrive. Aussi, lorsque le projet s’est concrétisé, j’ai opté pour la forme du journal intime.

Journal intime que vous avez dû imaginer pour l’occasion?

Oui, c’est pour cela que je tiens à présenter ce livre comme un roman graphique. Evidemment, le personnage principal, c’est moi à 90%. Mais ça n’est pas totalement autobiographique.

L’ouvrage s’intitule Ce sera pour la prochaine fois. La remarque se veut bienveillante. Sur le coup, vous avez pourtant dû la trouver un peu creuse?

Oh, cette phrase, je l’ai entendue tellement souvent, même de la part de personnes que je croyais ouvertes à l’empathie. Certes, tout ça part d’un bon sentiment: «Il ne faut pas vous inquiéter, vous êtes jeune, il y aura d’autres occasions.» Cela montre qu’il y a une méconnaissance de notre société en général sur ce qu’on appelle les «fausses couches».

Là encore, le terme est problématique…

Oui. «Faire une fausse couche», comme si c’était la femme qui était active là-dedans, qui avait une responsabilité… Le regard que la société nous renvoie, c’est que nous sommes coupables quelque part. Je préfère le terme de grossesse arrêtée mais bon, en disant «fausse couche», tout le monde comprend.

«Le regard que la société nous renvoie, c’est que nous sommes coupables quelque part»
Cléa Favre

Avant de traverser cette épreuve, j’avais moi-même une idée très erronée de ce qu’est réellement une fausse couche. Sur le plan physique déjà. Je pensais que c’était comme dans les films, qu’il y avait une cause identifiable, comme un accident de voiture, la femme qui a des mauvaises pensées, des doutes, vis-à-vis de son bébé et paf! tout à coup, il y a du sang et puis après deux heures aux urgences, tout est fini… Il y a une méconnaissance aussi de ce qu’est une fausse couche sur le plan psychologique. On a vraiment tendance à minimiser le deuil.

Outre la souffrance psychologique, on constate en vous lisant que les traitements proposés occasionnent des douleurs inouïes…

Les traitements sont dignes du Moyen Age… Les femmes font des fausses couches depuis la nuit des temps et c’est comme si cette situation ne devait jamais changer. J’ai appris en faisant ce livre que bien des médicaments utilisés en gynécologie, en obstétrique ne sont pas destinés à ça et qu’ils peuvent avoir des effets secondaires assez lourds…

«Les femmes font des fausses couches depuis la nuit des temps et c’est comme si c’ette situation ne devait jamais changer»
Cléa Favre

En 2022, je suis persuadée que si on y mettait des moyens, on parviendrait à réduire le nombre de fausses couches, quand bien même il n’y a pas une cause unique. Cela arrive à une femme sur quatre, il y a de la marge pour faire chuter cette statistique.

Grâce à diverses associations créées pour venir en aide aux personnes ayant vécu une expérience comparable à la vôtre, on a tout de même l’impression que les choses vont dans le bon sens…

Oui. Il y a quelque temps, Nicoletta Mena, la présidente d’Agapa Suisse romande, m’a envoyé un livre qu’elle a écrit il y a plus d’une dizaine d’années sur ce problème. Je ne suis pas certaine qu’à l’époque il y ait eu beaucoup d’articles sur elle. Désormais, il y a plus de témoignages, et la société semble davantage prête à les entendre.

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