Lovens » «Vous n’êtes pas encore mort? Ça tombe bien.» Arrivé sur la page d’accueil du site internet, le ton se veut décomplexé, la charte graphique haute en couleur, à l’image de sa fondatrice. Ne pas se fier à son col roulé noir: Marie Riley ne s’efface pas pudiquement devant le deuil. Pour tenter de rendre moins douloureux ce cap qu’elle a traversé deux fois durant la même semaine, avec le décès de son bébé de trois mois et celui de son père, cette Fribourgeoise bien connue des auditeurs de Couleur 3 a lancé Good Mourning (bon deuil) en compagnie de Gianni Maranzano: une agence de communication pré-mortem qui permet à tout un chacun d’anticiper sa mort en laissant une trace – un podcast, une lettre, une vidéo, un livre de cuisine – à ses proches.
Le bon deuil, ça existe vraiment?
Marie Riley: Après une année d’activité dans le milieu, j’en suis persuadée. C’est la m…, d’accord, mais il y a du beau derrière. J’aime qu’une sorte de lâcher-prise s’instaure. Tu vas mourir, mais tes proches ont le droit de continuer à vivre. On ne pense pas assez à ceux qui restent. Pourtant, ce sont eux qui souffrent le plus.
Où et comment est né Good Mourning?
L’idée m’est venue en faisant mon propre deuil, que je pense avoir bien géré. L’envie d’aider les gens dans ce processus me trottait dans la tête depuis longtemps. En la personne de Gianni, mon copain, j’ai trouvé un allié pour me jeter à l’eau. C’est de lui que vient le coup de génie du site vert rose, des jeux de mots. Ce côté décomplexé a plu aux gens. A tel point qu’un Canadien désire ouvrir une franchise à notre nom à Montréal.
«L’idée m’est venue en faisant mon propre deuil.»
Marie Riley
Qui sont les gens qui font appel
à vos services?
Environ 30% de nos clients ont un diagnostic grave. Le reste, un public plus âgé, anticipe, car il souhaite transmettre quelque chose à ses enfants et petits-enfants. Cela va du livre de recettes de la grand-maman au podcast, un format apprécié. Une petite pochette avec la clé USB sera livrée en temps voulu aux proches, qui ont ensuite la liberté de consommer le contenu ou non.
Bio Express
Famille
Née le 17 août 1984. Vit à Lovens. Divorcée, quatre enfants: June (13 ans), Lemmy (11 ans), Viggo (4 ans) et Adam (décédé à l’âge de 3 mois).
Parcours
Collège Sainte-Croix. Devient mère au foyer après avoir travaillé dans plusieurs bars
de Fribourg. Crée un blog, Food and Fuzz, qui lui permet d’être engagée comme animatrice à Couleur 3. Dans le milieu de la communication depuis 2015, aujourd’hui à Costaud (NE). Fondatrice de Good Mourning.
Et ça marche?
C’est un à-côté. Je travaille à 70% dans une agence de comm’ et à 20% à la radio. On pourrait mieux en vivre, mais on ne veut pas. Notre règle d’or, celle de ne jamais rappeler un client, va à l’encontre de tout ce qu’on vous apprend en marketing. En 12 mois, on a reçu une quinzaine de sollicitations. De femmes, pour la plupart.
Une raison à cela?
Je me pose sincèrement la question. J’ai l’impression que c’est un «truc» de maman, d’être prête à tout affronter. Je les admire tellement. Il faut avoir du courage pour prendre les rênes de sa mort.
Il en faut aussi pour écouter
ces récits en forme d’adieux…
Quand je suis avec une maman qui va devoir laisser ses enfants, je pleure avec elle, car je suis face à moi-même. Mais derrière, il y a toujours un moment où on rigole. Là, je sais qu’on va dans la bonne direction.
Parlez-nous du tout premier mail que vous avez reçu!
Une catastrophe! Une dame voulait laisser un message à sa famille pour pouvoir se suicider (sans assistance) sereinement. En plus de lui proposer de l’aide, nous avons expliqué pourquoi nous ne pouvions pas travailler avec elle. Ce n’est pas notre rôle de prendre cette responsabilité.