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Dyslexie. Les moyens d’aide ne seront plus subventionnés

L’assurance-invalidité coupe l’aide financière pour les moyens auxiliaires destinés aux personnes présentant des troubles précoces de l’apprentissage. La responsabilité incombe désormais aux cantons. Les écoles risquent de devoir payer de leur poche pour se procurer ces dispositifs.

Les élèves souffrant de troubles de l’apprentissage peuvent avoir besoin d’un ordinateur en classe pour les aider. © Corinne Aeberhard-archives

8 février 2024 à 21:20

Temps de lecture : 1 min

Un pas en arrière pour certains, une suite logique pour d’autres. Dans une communication envoyée il y a quelques jours aux cantons et aux écoles, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) indique ne plus financer les moyens auxiliaires (ordinateurs, tablettes, logiciels…) pour les enfants souffrant de troubles précoces de l’apprentissage. Ainsi, la dyslexie et d’autres troubles similaires ne sont pas considérés comme invalidants au sens juridique du terme, et les troubles précoces de l’apprentissage ne sont plus couverts par l’assurance-invalidité (AI).

Contacté, l’OFAS rappelle qu’il ne s’agit pas d’un changement législatif mais de la correction d’une pratique erronée encore appliquée dans plusieurs cantons, dont Fribourg. «Avec la réforme de la péréquation financière et la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), toutes les mesures d’enseignement spécialisé et les mesures pédagogiques sont passées sous la seule responsabilité des cantons», indique le communiqué de l’OFAS.

Souveraineté du canton

Ce dernier précise avoir répondu en 2018 à deux interventions parlementaires, rappelant alors la responsabilité des cantons dans ce cadre. Ces changements s’appliquent à l’ensemble du système scolaire, lui-même placé sous la souveraineté du canton. De fait, toutes les écoles sont concernées: primaires, secondaires, collèges ou écoles cantonales, aucune exception n’est prévue.

Outre ce point, le délai imparti pour effectuer ce changement ne laisse que peu de marge de manœuvre aux cantons. En effet, les demandes de moyens auxiliaires en lien avec des troubles de l’apprentissage (DYS) qui sont déposées auprès de l’office AI après le 1er mars 2024 seront rejetées par souci d’égalité entre les cantons, selon l’OFAS.

«Nous n’avons pas été prévenus et il n’y a donc pas eu de préavis», déplore Stéphane Noël, chef du Service de l’enseignement spécialisé et des mesures d’aides (SESAM) à l’Etat de Fribourg. «Il n’y a même pas un mois de marge, cela ne nous laisse pas le temps de nous préparer. Il faut bien comprendre que l’obtention de moyens supplémentaires payés par l’Etat doit pouvoir être prévu, théoriquement lors de l’établissement des budgets. Or ça n’a pas été anticipé.»

Le service ne sait donc pas encore comment seront financés ces moyens auxiliaires, ni sous quelle forme. «L’OFAS avait une procédure pour ce système que nous n’avons clairement pas aujourd’hui et que nous devrons mettre en place», lâche Stéphane Noël. Ce dernier souligne que des solutions devront être trouvées d’urgence afin de ne pas prétériter les élèves concernés. Dans l’optique de se projeter au mieux vers les défis à venir, le canton va évaluer les coûts selon le nombre de cas des dernières années. «Nous n’aurons pas de chiffres avant mars, avise toutefois le chef du service, l’urgence étant actuellement de travailler sur les dossiers en cours.»

«Génération sacrifiée»

Du côté des enseignants spécialisés, on déchante: «Je suis très inquiète quant à la mise en œuvre de cette mesure», réagit Stéphanie Corminbœuf, enseignante spécialisée indépendante à Romont. «Ce sont des moyens techniques qui changent la vie des élèves, c’est absurde que cette aide soit désormais à la charge des écoles, voire des enseignants.» Prestataire auprès de l’AI, elle affirme ne pas avoir été informée de cette décision. Il en irait de même pour les logopédistes, pédopsychiatres ou même les parents.

Si le SESAM reconnaît qu’il s’agit bien d’une problématique liée à l’apprentissage et non pas au domaine de la santé, ce n’est pas le cas de Stéphanie Corminbœuf, qui y voit une aberration scientifique. «D’après moi, la situation de handicap telle qu’elle est déterminée relève de la santé. Dans mon quotidien, je ne pose pas de diagnostic, mais j’observe que l’impact d’une dyslexie et d’autres troubles peut être très variable d’un individu à l’autre. Tous les jeunes présentant un DYS n’ont pas forcément besoin de moyens auxiliaires. Il faut s’attarder sur la définition scientifique plutôt que juridique», martèle-t-elle.

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