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Vanil-Noir. L’alpage des Morteys restera exploité

Pro Natura Fribourg n’envisage plus de rendre à la nature l’emblématique pâturage, situé au cœur de la réserve naturelle du Vanil-Noir.

Situé à 1888 mètres d’altitude, l’alpage des Morteys est réputé pour la qualité et l’abondance de son herbe. © Alain Wicht-archives

29 février 2024 à 00:00

Temps de lecture : 1 min

Sur l’alpage des Morteys, Bruno Gachet et sa famille vivront cette année leur 40e saison d’estivage. L’agriculteur de Mézières ne sera pas le dernier alpagiste à exploiter l’emblématique pâturage, situé au pied du Vanil-Noir. Gestionnaire de la réserve naturelle du Vanil-Noir dont elle est en grande partie propriétaire, Pro Natura Fribourg envisageait depuis des années de rendre cet alpage à la nature.

L’organisation de protection de la nature a depuis changé d’avis. Elle a reconduit pour trois ans le contrat de l’actuel exploitant et compte retrouver un nouveau fermier après le départ à la retraite de Bruno Gachet à la fin 2027. Un groupe de travail sera mis en place cette année. Objectif? Trouver la meilleure façon d’exploiter cet alpage dès 2028 tout en respectant les prescriptions particulières du site.

Valoriser le petit-lait

Aux Morteys, Pro Natura Fribourg a mené une étude sur l’effet de la pâture sur les changements de composition florale. «L’étude n’a pas amené d’éléments marquants montrant qu’un arrêt de la pâture amènerait une explosion de la biodiversité florale», indique Sarah Delley, responsable de la réserve du Vanil-Noir pour Pro Natura Fribourg.

L’organisation a pris conseil auprès de spécialistes, notamment un expert en biologie de la conservation qui sera intégré dans le futur groupe de travail. «Cela nous a permis de prendre de la hauteur. C’est important de garder une hétérogénéité dans le paysage. La pâture doit être exclue des zones riches en biodiversité mais chaque mètre carré du site n’a pas besoin d’être d’une grande valeur écologique. C’est quelque chose que l’on peut admettre dans une réserve», souligne Sarah Delley.

Sarah Delley
«Toutes les possibilités seront étudiées pour maintenir une production de fromages»
Sarah Delley

La volonté de Pro Natura Fribourg est désormais de maintenir une exploitation agricole et, si possible, une production de fromages d’alpage dans la plus haute chaudière du canton (1888 mètres d’altitude). «Toutes les possibilités seront étudiées pour maintenir une production de fromages», indique Sarah Delley. Pour l’organisation, la priorité sera de trouver une solution pour valoriser le petit-lait. Ce sous-produit de la fabrication du fromage a une forte charge polluante s’il est déversé dans la nature. Mais sa valorisation est un problème complexe sur les alpages, en particulier ceux qui ne sont pas accessibles par la route comme aux Morteys.

«Le petit-lait est parfois donné à boire au bétail. Mais certaines vaches n’en veulent pas alors que d’autres en boivent trop, ce qui peut les faire mourir», indique Henri Buchs pour qui les cochons sont la meilleure solution pour valoriser le petit-lait. «Mais faire monter des cochons sur l’alpage n’est pas possible partout», explique le président de la Société fribourgeoise d’économie alpestre (SFEA). Le petit-lait est aussi transformé en sérac, mais ce fromage doit être consommé rapidement. L’engraissement au petit-lait de veaux en pleine nature ou l’aménagement d’une mini-station d’épuration sont aussi des pistes évoquées par Sarah Delley. «Il s’agira de savoir si ces diverses solutions pourront être implémentées dans la réserve», indique la biologiste.

Changement d’approche

Henri Buchs se réjouit du revirement de Pro Natura. «Aux Morteys, l’herbe est abondante et sa qualité exceptionnelle. L’altitude fait qu’il y fait moins chaud. De la mi-juillet à la mi-août, la saison d’alpage y est courte», indique le président de la SFEA. La société joue depuis longtemps le rôle de médiatrice entre l’exploitant et Pro Natura Fribourg. Ce fut le cas notamment lors des renouvellements de contrat tous les six ans. «Il y a eu beaucoup de discussions, de palabres et d’interventions», résume Henri Buchs. De manière générale, il observe que l’abandon d’un alpage entraîne une perte de biodiversité: «Surexploiter un alpage, c’est mauvais, mais le sous-exploiter aussi», relève-t-il.

Pro Natura Fribourg souhaite aussi trouver une solution pérenne pour le transport du fromage. Des muletiers bénévoles ramènent les meules à dos de mulet vers la vallée. «Mais à notre connaissance, il y a périodiquement des vols d’hélicoptère. On ne peut pas interdire quelque chose à quelqu’un s’il n’a pas d’autres solutions et qu’on ne lui donne pas d’alternative», reconnaît Sarah Delley.

Vol d’hélicoptère

Selon la réglementation cantonale relative à la réserve, un vol d’hélicoptère est autorisé en début et en fin de saison pour les besoins agricoles, les mêmes règles s’appliquant à la cabane des Marindes, également propriété de Pro Natura. «Nous souhaitons développer la coordination entre l’alpage et la cabane afin que les dérangements soient concentrés sur un jour. C’est aussi une demande du garde-faune», indique Sarah Delley pour qui il s’agit «d’entrer dans une phase de cohérence».

En concertation avec Pro Natura Suisse, l’organisation souhaite ainsi amorcer un changement d’approche. «De manière générale, lorsque différents fronts s’affrontent, cela ne mène à rien. Dans la réserve, l’objectif prioritaire, c’est la protection de la nature. Mais nous souhaitons aussi prendre en compte les aspects patrimoniaux et touristiques», explique Sarah Delley.

Une plate-forme d’échange et de dialogue sera mise en place dans le courant du printemps. «L’objectif est de réfléchir ensemble à des solutions qui permettent de concilier les différents besoins des utilisateurs pour faire de la réserve un lieu durable et de découverte alliant agriculture et tourisme doux.»

Appel à candidature pour le complexe d’alpages des Audèches

Situé dans la vallée du Gros-Mont, le complexe d’alpages des Audèches se cherche un nouveau teneur d’alpage. Propriétaire, la commune de Val-de-Charmey a fait un appel à candidature pour l’affermage des cinq pâturages et des trois chalets.

Agriculteur à Mézières, Bruno Gachet et sa fille tenaient cet alpage depuis 2017. «J’ai des problèmes de santé et ma fille a deux petits enfants qui ont commencé l’école. Nous préférons nous concentrer sur nos autres pâturages car il faut aussi gérer le domaine à Mézières», indique-t-il. L’agriculteur glânois tient l’alpage des Morteys dans la réserve du Vanil-Noir et est aussi propriétaire d’un pâturage et d’une forêt à Charmey, la Chaux-du-Vent.

En 2017, la commune de Val-de-Charmey avait essuyé des reproches pour ne pas avoir donné la priorité aux soumissionnaires charmeysans. «Sur la base de ce qui se fait déjà dans d’autres communes, nous avons élaboré un règlement qui définit des critères d’appréciation. Tout le monde est ainsi mis sur un pied d’égalité», indique le syndic Gonzague Charrière. La préférence locale fait toujours partie des critères. Le règlement précise que le candidat doit être un exploitant actif entre 18 et 65 ans ou au bénéfice d’une rente AVS, et qu’il a préférentiellement son domicile au sein de la commune.

Validé par la commission agricole, le règlement doit encore être approuvé par le Conseil général. «Mais nous nous baserons sur ce document pour l’attribution de l’alpage», précise le syndic. Le délai pour la remise des candidatures est fixé au 27 mars et la décision d’attribution au 2 avril 2024.

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