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Aide au logement coupée à une famille. La ville de Fribourg désavouée par le Tribunal fédéral

La ville a coupé indûment l’aide au logement à une famille, «hors de toute norme juridique», estime la justice fédérale.

La commission sociale n’aurait pas dû couper l’aide au logement à une famille en difficulté habitant la Basse-Ville. © Jean-Baptiste Morel

14 février 2024 à 20:20

Temps de lecture : 1 min

Le Tribunal fédéral (TF) renvoie Fribourg à sa copie. En coupant l’aide sociale au logement à une famille en difficulté moins de deux mois après avoir requis de cette dernière qu’elle déménage, la commune l’a sanctionnée «au-delà de toute norme et principe juridiques» et «en violation de la jurisprudence fédérale», considèrent les juges de Mon-Repos. La ville a «porté atteinte à la couverture des besoins fondamentaux» de ces personnes, ajoute le TF dans un arrêt du 22 décembre dernier, publié cette semaine.

Le TF estime que la commission sociale de la ville a eu tort de couper l’aide au logement, en avril 2022, à la famille R., dont la mère était sans emploi et le père, victime d’un accident l’année précédente, en attente de l’assurance-invalidité (AI). Le couple occupait un appartement en Basse-Ville dont le loyer était de 2450 francs, charges comprises. Trop élevé pour les normes de l’aide sociale, dont le plafond se situe à 1750 francs pour une famille avec trois enfants.

«Nous étions en difficulté et il n’était pas facile de chercher un appartement à cause de l’état de santé et des opérations à répétition de mon ami. De plus, nous ne voulions pas changer de cadre de vie sur conseil médical, en tout cas pas de quartier, car notre fille souffre d’un grave spectre de l’autisme», témoigne aujourd’hui Solange*, la mère de famille.

Début 2022, la commission sociale a ordonné à la famille R. de changer d’appartement pour le 30 septembre. N’ayant pas de preuve que le bail avait été dénoncé dans le délai contractuel de six mois, elle leur a coupé entièrement la subvention au logement dès le mois d’avril. Une décision que le TF critique: «Quand bien même les recourants n’auraient pas résilié leur bail à temps (…), ils auraient encore pu changer d’avis au cours des six mois et chercher un locataire afin de pouvoir quitter leur logement de manière anticipée.»

D’autre part, note la Cour fédérale, le fait que loyer dépassait le montant maximal prévu par la ville «ne permettait pas de couper toute aide au logement. (…) Les frais de logement peuvent être réduits au montant du loyer maximal admis selon les normes sociales. C’est donc seulement la part excessive du loyer qui ne doit plus être prise en charge par les autorités en matière d’aide sociale.» Selon les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale, le but est en effet que les communes ne perdent pas d’argent, ni les bénéficiaires leur logement.

«Un cauchemar»

«Nous n’avions rien pour vivre et nous avons eu le sentiment de ne pas avoir été écoutés par le Service d’aide sociale. Ils nous ont fait des misères pour une aide qui nous avait été apportée par la Conférence Saint-Vincent de Paul. La ville voulait également prendre en compte les revenus de notre fils majeur qui habitait avec nous. Le service insistait pour que je m’inscrive au chômage alors que je devais m’occuper à la fois de ma fille et de mon ami, qui en était à sa huitième opération, avec son pronostic vital engagé», dit Solange, qui vit aujourd’hui à Villars-sur-Glâne.

«Nous n’avions rien pour vivre et nous avons eu le sentiment de ne pas avoir été écoutés par le Service d’aide sociale»
Solange

Son ami confirme que la période était difficile: «Nous nous sentions humiliés, rabaissés… Un cauchemar.» Le TF «répare aujourd’hui une injustice et j’espère que cela servira à d’autres familles», se réjouit Solange. Elle précise que les montants avancés par l’aide sociale ont été remboursés très vite, comme le veut la loi fribourgeoise, prélevés la même année «sur un rétroactif d’allocations pour impotent reçu pour ma fille».

«Pas un cas isolé»

Avocate de la famille R., Katia Berset se dit satisfaite de la décision du TF. «La ville de Fribourg a une pratique très restrictive en matière d’aide sociale. Cette décision en dehors des normes juridiques n’était pas un cas isolé», assure la juriste, saisie de nombreuses plaintes dans ce domaine. Elle cite notamment le cas d’un autre jugement du TF, le 14 décembre 2022, également sévère pour la ville. Après le dépôt d’une demande d’aide sociale, une personne se l’était vu refuser sous prétexte qu’un tiers l’avait soutenue financièrement alors qu’une décision de la ville n’avait toujours pas été rendue après trois mois.

Le TF avait jugé que «nier le droit du recourant à l’aide sociale ordinaire procède d’une appréciation insoutenable des preuves, conduisant à une application erronée des normes et principes juridiques applicables et son résultat heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité».

«Le devoir d’aider»

En contact régulier avec le Collectif Dignité Fribourg et divers organismes d’entraide, Me Berset observe: «Fribourg est à ma connaissance la seule commune à procéder de la sorte. De telles décisions équivalent à des expulsions indirectes de la commune, poussant les personnes à s’établir ailleurs. Ce sont les services sociaux des autres communes qui en subissent les conséquences indirectes.»

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