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Grande Cariçaie. la destruction des chalets est lancée

Copropriétaire de cabanons à Cheyres, dans la Grande Cariçaie, Rosemarie Vaucher-Arm témoigne de son sentiment d’injustice face à leur démantèlement.

Le cabanon a été construit en 1950 et a servi aux activités de pêche jusqu'en 2010. © Charly Rappo

3 janvier 2024 à 11:40

Temps de lecture : 1 min

Avec ses planches vieillies par le temps et ses volets bleus, le cabanon de pêche posé sur des pilotis au bord du lac, à Cheyres, a su résister depuis près de 70 ans aux vents, aux inondations et à l’activité humaine. Et pourtant, ses heures ainsi que celles des deux autres cabanons sur la même parcelle sont désormais comptées, puisqu’ils sont voués à la démolition au plus tard en décembre 2024, leur mise à l’enquête ayant récemment été publiée. Construits entre 1950 et 1960 par Roger Arm, leur préservation au sein de la réserve naturelle de la Grande Cariçaie a été défendue bec et ongles pendant de longues années par sa fille Rosemarie Vaucher-Arm, préférant le surnom de May, soutenue par sa famille. Elle a aujourd’hui rendu les armes, non sans tristesse.

C’est à contrecœur et pour des raisons financières que la septuagénaire, vivant près de Bienne, et le reste de sa famille ont accepté la subvention pour le démantèlement. Rappelons que les propriétaires des 119 résidences fribourgeoises et 66 vaudoises avaient jusqu’en mai 2023 pour valider le protocole leur permettant d’obtenir l’offre financière proposée par les cantons et la Confédération, à hauteur de 10 000 francs. Une offre destinée à financer le démantèlement des maisons et qui a été majoritairement rejetée. En effet, côté fribourgeois, quatre conventions ont été signées. Selon Aurélie Haenni, responsable de l’information pour la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts, deux sites disposent déjà d’un permis de démolir, deux autres seront prochainement mis à l’enquête. Dans le canton de Vaud, c’est un véritable flop puisque aucune convention n’a été signée. Un bras de fer entre propriétaires et autorités qui dure depuis des décennies, avec comme désaccord principal l’atteinte grave que porteraient ces infrastructures aux sites protégés comme l’a notamment mis en évidence une expertise menée en 2012 par la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage.

Une histoire familiale

«J’espère que tous ceux qui ont participé à faire démanteler ces infrastructures vont le regretter un jour. Honte à eux», lance May Vaucher-Arm avec amertume. «Ce qui m’attriste le plus, c’est que l’histoire de notre famille va disparaître mais aussi l’histoire de cette activité de pêche qui a duré sept décennies. Ces cabanons, sans eau ni électricité, ne sont pas des résidences secondaires comme de nombreux autres chalets dans la Grande Cariçaie, ce sont des musées vivants. Une fois détruit, ce passé sera perdu à jamais.» Elle insiste également sur le fait que ces constructions jouent un rôle important dans la réserve naturelle, abritant une colonie de chauve-souris ainsi que de nombreux oiseaux qui y nichent durant la belle saison.

Son père arrive à Cheyres en 1935 alors que sa famille est installée sur la rive nord du lac de Neuchâtel. «Il avait cinq sœurs et sept frères, ces derniers tous pêcheurs. Il n’y avait donc plus de place pour lui de l’autre côté du lac. Il a aménagé ce site en creusant un chenal jusqu’à l’eau, formant ainsi une digue encore existante aujourd’hui. Le cabanon principal, construit en 1950, abritait un petit poêle, on y travaillait et on y stockait du matériel. On accueillait aussi des ornithologues, comme Robert Hainard, Roger Margot et bien d’autres qui se faisaient accompagner par mon père, féru d’ornithologie. En 1960, un petit cabanon a été bâti, servant à l’occasion de dortoir pour ces scientifiques.» Le frère aîné de May Vaucher-Arm, Henri, qui sera le dernier pêcheur professionnel à Cheyres, reprendra l’activité de pêche jusqu’à son décès en 2010.

Démolition coûteuse

Lorsque les enfants et petits-enfants de Roger Arm apprennent que les constructions doivent être détruites dans le cadre de la modification du Plan d’affectation cantonal (PAC) des réserves naturelles lancée par le canton de Fribourg, ils tentent vainement de les sauver en cherchant le soutien de la commune, de la Fondation Franz Weber ou encore de l’Association de la Grande Cariçaie, à qui ils ont proposé de faire don des constructions.

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