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Canton

Le vert qui vient de l’économie

Gerhard Andrey est élu au Conseil national. L’entrepreneur vert a défié tous les pronostics en éjectant l’UDC Jean-François Rime. Grâce à la PDC Marie-France Roth Pasquier, les femmes deviennent majoritaires


21 octobre 2019 à 04:25

Vague verte » «C’est incroyable!» Gerhard Andrey s’étonne du résultat impressionnant qu’il vient d’obtenir lors de son élection au Conseil national: il a récolté 14 417 voix. Ne pouvant compter sur aucun mandat politique, le poulain des Verts fribourgeois vient de réussir une performance défiant tout pronostic. Vice-président des Verts suisses, cet entrepreneur âgé de 43 ans est cofondateur d’une entreprise active dans le développement de solutions pour internet qui emploie plus de 180 collaborateurs.

«Nous avons réussi à réaliser le scénario idéal, même si c’était le plus difficile: garder les deux sièges socialistes et en gagner un pour les Verts», se réjouit-il, alors qu’il vient juste d’apprendre que la socialiste Ursula Schneider Schüttel sauve sa place.

Une ovation

A 17 h 47, lorsque Gerhard Andrey entre dans le hall de l’Université de Miséricorde où les politiciens, les médias et tous les Fribourgeois étaient invités à suivre les résultats, c’est l’ovation! Visiblement ému, il a juste le temps d’étreindre chaleureusement sa compagne sous le feu des projecteurs avant de répondre aux sollicitations des médias, jonglant habilement entre le français et l’allemand.

Se passer du pétrole

Quelle va être sa priorité à Berne? «La sortie du pétrole, c’est le plus important. La transition énergétique des marchés financiers est également incontournable, et je dispose d’une certaine expertise dans ce domaine.» Il insiste sur le fait que «les marchés financiers ne sont pas du tout orientés vers la durabilité». «Et il ne faut pas croire que devenir durable signifie perdre de la qualité de vie!»

Père de deux enfants, Gerhard Andrey se dit également très sensible à la conciliation de la vie de famille et de l’ activité professionnelle: «On doit pouvoir faire mieux que maintenant.»

Et comment explique-t-il son résultat? «Cette vague verte a beaucoup compté, et on avait une liste forte», estime-t-il. Sa colistière Mirjam Ballmer complète: «On était vraiment une très bonne équipe!»

Profil hors sérail

Même si le gagnant du jour imagine que «ce ne doit pas être humainement facile pour Jean-François Rime, qui n’est pas réélu», il est heureux d’avoir contribué à faire reculer l’UDC.

Les écologistes fribourgeois étaient donc aux anges hier. A commencer par leur président Bruno Marmier: «Nous ne nous attendions pas à un tel succès, nous avons fait du bon travail.»

Julien Vuilleumier, vice-président des Verts de la ville de Fribourg, complète: «Ce qui est surprenant, c’est d’obtenir 14% à Grolley, par exemple.» Les écologistes fribourgeois ne sont en effet pas habitués à mobiliser autant d’électeurs en dehors des centres urbains. La députée Christa Mutter précise: «Le parti fribourgeois profite de tout le travail effectué par les jeunes pour le climat. Mais ce n’est pas le seul argument.»

Bruno Marmier se réjouit d’avoir misé sur le bon candidat: «Comme il ne pouvait pas compter sur un mandat politique pour se faire connaître, nous avons décidé de le lancer dans la course au Conseil des Etats. C’était un très bon moyen de montrer ses qualités.» Et d’ajouter: «Il avait envie de se lancer, et son profil «hors sérail» a peut-être été sa force.»

Le parcours de Gerhard Andrey est en effet atypique: avec une formation de base de menuisier, il est devenu ingénieur du bois, a complété son cursus par un master en informatique. Enfin, il a cofondé la société Liip qui fonctionne sans hiérarchie verticale, redistribuant le pouvoir décisionnel entre les employés.

«Entrepreneur innovant»

Membre du comité cantonal et ancien député vert, Laurent Thévoz abonde: «Ce n’est pas tous les jours qu’un entrepreneur de cette qualité est d’accord de s’engager en politique. Et la société a besoin de son expérience dans la manière innovante d’organiser son entreprise.»

Collègue de parti de longue date, lui aussi ancien député, s’enthousiasme Olivier Suter: «Son élection est une bonne chose pour le canton et pour la planète! On a besoin de plus d’égalité et de solidarité.»


L’Outsider bulloise à Berne

Marie-France Roth Pasquier est la nouvelle élue du PDC à Berne. La Bulloise a devancé le Singinois Bruno Boschung.

«Je suis soulagée et heureuse. Il y avait beaucoup de tension durant tout l’après-midi. Jusqu’à la dernière minute, je n’étais pas rassurée.» Au terme d’un duel haletant, remporté face à son colistier Bruno Boschung, Marie-France Roth Pasquier (photo Charles Ellena) savoure son élection au Conseil national.

La Bulloise de 51 ans, mariée et mère de trois enfants, sera la seconde représentante féminine du PDC à Berne, avec la sortante d’Ueberstorf, Christine Bulliard-Marbach, réélue sans avoir tremblé. Finalement, la Gruérienne devance le Singinois Bruno Boschung de 1310 voix. «Le vote des femmes et mon profil francophone ont joué un rôle. La Gruyère et la ville de Bulle m’ont bien soutenue», analyse la nouvelle élue, qui siège au Conseil communal de Bulle.

Sur la ligne de départ, Marie-France Roth Pasquier faisait figure d’outsider face à Bruno Boschung qui a pu tirer profit de la présidence du Grand Conseil, en 2017, pour se faire connaître dans tout le canton. Le positionnement de la Bulloise, plus ouverte sur les questions sociales et environnementales, semble avoir été un atout.

Qu’attend la nouvelle élue de son nouveau mandat fédéral? «C’est un peu l’inconnu, mais je vais vite être mise dans le bain. Je souhaite me profiler sur les thèmes que j’ai mis en avant durant ma campagne: la mobilité, la culture, l’environnement. L’économie doit aussi tourner mais de manière durable et équitable.»

Députée au Grand Conseil depuis 2016, Marie-France Roth Pasquier abandonnera ce mandat, mais elle a prévu de conserver son siège à l’Exécutif de Bulle. Coprésident du PDC cantonal, Markus Bapst décrit la nouvelle élue comme une femme «humble», «qui écoute les gens avant de se prononcer» et qui a une «certaine autorité naturelle». Thibaud Guisan


Quatre Fribourgeoises au national

Cela n’était jamais arrivé. Quatre femmes représenteront le canton de Fribourg au Conseil national, soit plus de la moitié de la députation fribourgeoise dans la Chambre basse. «C’est une première. Tous les partis ont présenté des candidates sur leur liste, et ce choix a payé. A l’exception de l’UDC, qui n’avait que des hommes sur son ticket au National. Cela explique aussi sans doute le recul de cette formation», analyse à chaud l’historien Jean-Pierre Dorand, ancien député PDC au Grand Conseil.

«Il faut croire que l’ère de la femme est arrivée. Quatre femmes sur sept députés fribourgeois au Conseil national, c’est historique. Cette année, nous avons beaucoup parlé de l’égalité salariale entre hommes et femmes, il y a aussi eu la grève des femmes. Et le PDC a osé présenter une liste avec quatre candidates. Aujourd’hui, il obtient deux sièges, et il est récompensé», affirme Christine Bulliard-Marbach, qui rempile pour quatre ans.

Pour sa coreligionnaire du PDC, la nouvelle élue Marie-France Roth Pasquier, cette délégation majoritairement féminine représente la cerise sur le gâteau (bullois): «Quatre femmes au Conseil national, c’est magnifique pour le canton de Fribourg! Les femmes se mobilisent, et ça s’est concrétisé dans cette élection. Les femmes ont fait la différence.»

La socialiste Ursula Schneider Schüttel se réjouit, elle aussi, de cette délégation fribourgeoise à majorité féminine. «Nous allons pouvoir renforcer notre combat en faveur de l’égalité des sexes et œuvrer pour qu’il y ait une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration et les directions des entreprises, notamment», indique-t-elle.

Selon la Moratoise, «c’est un signal positif pour Fribourg. L’élection de quatre conseillères nationales pourrait faire des émules et encourager les femmes à se présenter sur les listes pour d’autres scrutins.»

François Mauron


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