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Canton

Le théâtre amateur de retour sur les planches

A Grolley, Massonnens ou Treyvaux, les comédiens renouent avec le public après une longue pause.  

Dans les coulisses de la pièce "Un mariage et un enterrement" par la troupe Un Ptit Trac Photo Lib/Alain Wicht, Grolley, le 01.04.2022Alain Wicht/Alain Wicht/La Liberté

Zoé Lüthi

Zoé Lüthi

3 avril 2022 à 16:44

Culture » Dans les loges, l'effervescence monte. Giclée de laque sur les cheveux par-ci, trait de rouge à lèvres par-là, les comédiennes sont pomponnées par les mains expertes des maquilleuses. Un autre membre de la troupe traverse les loges. Marc Capellini n'a pas encore mis son col romain. Mais c'est lui qui, en ce samedi, s'apprête à interpréter pour le troisième soir consécutif le rôle du curé: «Voilà deux ans et demi que je répète. Le texte est assez maîtrisé».

Lui et ses acolytes de la troupe P'tit Trac de Grolley n'auront jamais dû autant patienter pour concrétiser une pièce. Ils présentent jusqu'au week-end prochain la comédie Un mariage et un enterrement, qu'ils auraient dû jouer en mars 2020 si le Covid ne s'en était pas mêlé. 

Les trois coups différés

«Habituellement, on a six mois pour monter une pièce. Là, c'était plutôt un marathon. Ça a été dur. On ne voulait pas que tout ce travail n'aboutisse à rien», explique Marc Capellini, qui joue depuis 17 ans. «Jeudi, lors de la première, j'ai eu plus le trac que d'habitude. On a perdu l'habitude du public, alors qu'on a besoin de lui». 

«Avec le masque, toute la gestuelle mimique se perd»

Nicolas Raemy

L'interprète du curé confesse une autre appréhension inédite au moment de se confronter au public: «J'avais peur de dire certaines choses». Et d'évoquer les thématiques de la misogynie et de l'homosexualité que son personnage aborde pourtant au second degré. Mais les acteurs ont vite pu se rassurer. «Une fois lancé, on ressent surtout le plaisir d'entendre le public», partage Elisabeth Verdon, qui joue une officière d'état civil peu commode. Les longs mois d'incertitude et de pause ne l'ont pas affectée outre mesure: «J'ai toujours maintenu mon texte en le répétant une ou deux fois par mois». Quant au port du masque en répétition, elle s'y est fait: «Il ne m'a pas dérangé. Le seul bémol, c'est qu'il ne rendait pas le relief des émotions». A ses côtés, Masha Perriard dit avoir été plus troublée au moment de l'ôter. «J'avais l'impression de ne plus savoir utiliser le bas du visage», affirme la jeune femme de 21 ans qui joue son premier grand rôle. «Avec le masque, toute la gestuelle mimique se perd», abonde Nicolas Raemy. Mais pour le metteur en scène, la tâche la plus délicate a été de jongler avec les présences: «Si deux comédiens sur treize manquent, on peut s'arranger, mais si c'est cinq ou six...» 

Car entre quarantaines, isolements et alertes de symptômes, il était difficile de réunir tout le monde. «Depuis la reprise, la première répétition où l'équipe était au complet n'a eu lieu qu'à la mi-février», rapporte Claude Nein, président de la compagnie. Si au cours de l'aventure, la troupe a dû remplacer trois comédiens pour des raisons d'ordre professionnel ou de motivation, elle a aussi su rebondir. Comme en juillet 2021. «On a proposé des scénettes sur la place du village. Cela a permis de maintenir les liens: c'était sympa».

Une pièce aux oubliettes

Les membres de la compagnie Kokalane de Treyvaux ont aussi éprouvé des sentiments particuliers le 31 mars, au moment de retrouver le public sur la scène de l’Arbanel. 

«Nous étions émus de remonter sur les planches, et stressés, car nous n’avions pas joué depuis quatre ans en public», confie David Papaux, acteur et président de la compagnie. Il faut dire que la troupe a déchanté à deux reprises. Une première fois en mars 2020: «A 10 jours de la première, nous avions dû tout annuler». La compagnie décide alors un report d’un an, mais elle connaît une nouvelle déconvenue. «A la fin 2020, les conditions s’étaient un peu assouplies, nous avions recommencé à répéter, mais les autorités ont tout refermé au début 2021», se souvient-il. Ce tour de vis enterre définitivement la pièce en préparation. «On ne voulait plus présenter cette pièce, car elle portait malheur», explique David Papaux. Mais ces amoureux de théâtre ne lâchent pas leur passion. L’été passé, ils décident de repartir avec un nouveau spectacle, Bl Blu Blutsch, composé de trois petites pièces mêlant tragique, comique et macabre, qu’ils présentent jusqu’au week-end prochain à l’Arbanel. 

La jeunesse de Massonnens, qui brûle actuellement les planches de l’Auberge de l’Union jusqu’au week-end qui vient, a vu son dernier spectacle, en mars 2020, abrégé par les restrictions sanitaires. «Le troisième week-end avait été annulé», se rappelle Margot Remy, présidente de la société. L'épisode n'a toutefois pas entamé la motivation à se relancer dans l'aventure. «La particularité avec une société de jeunesse, c’est qu’un tournus s’opère. Plusieurs nouveaux membres avaient cette année pour la première fois la possibilité de jouer». Auteur de la pièce et metteur en scène, Bruno Thiémard n’a d’ailleurs pas eu de difficulté à recruter: «Cette année, beaucoup de jeunes ont voulu essayer.» 

Mais il a aussi fallu composer avec des aléas. «Cela nous a aidé de repousser la représentation de trois semaines. Car nous avons eu plusieurs acteurs malades, à différents moments», relate Bruno Thiémard, qui a pu compter en répétition sur l'appui de la souffleuse pour donner la réplique à la place des absents. Et le metteur en scène de saluer ce retour de la vie sociale: «On sent que le public est content de revoir un spectacle dans des conditions normales». La présidente d'ajouter: «J'ai l'impression qu'il y avait une attente derrière. On a rempli la salle autant, voire mieux qu'il y a deux ans».

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