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Le Réseau fribourgeois de santé mentale surchauffe

Le Réseau fribourgeois de santé mentale est confronté à une forte hausse de ses activités. Interview d’Isabelle Gothuey, médecin et directrice du secteur de psychiatrie et de psychothérapie pour adultes.

RFSM, Marsens; Prof. Isabelle Gothuey, directrice médicale, Réseau fribourgeois de santé mentale Photo Lib / Charly Rappo, Marsens, 30.05.2023Charly Rappo/Charly Rappo / La Liberté

5 juin 2023 à 04:01

Temps de lecture : 1 min

Psychiatrie » Le secteur hospitalier du Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM) a connu en 2022 une explosion de la demande avec une progression de 9,6% des journées facturées et un taux d’occupation des lits de plus de 100%. Telle est la situation décrite dans le dernier rapport annuel de l’institution. Et la hausse ne concerne pas que les hospitalisations. Cliniques de jour, urgences psychiatriques ou encore les consultations ambulatoires tournent à plein régime.

Alors que ces dernières années le RFSM a investi, développé l’offre et augmenté le nombre de postes, il devra encore renforcer ses capacités. C’est en tout cas ce que pense Isabelle Gothuey, médecin et directrice du secteur de psychiatrie et de psychothérapie pour adultes.

Docteur, faut-il s’inquiéter de la santé mentale des Fribourgeois?

Isabelle Gothuey: Non, ce n’est pas de la santé mentale des Fribourgeois qu’il faut s’inquiéter, mais du dispositif psychiatrique mis en œuvre pour accueillir les personnes qui souffrent de troubles psychiques. Je n’ai jamais vécu une telle pression, alors que je pratique mon métier depuis trente ans et occupe un poste de direction depuis quinze ans. Avant la pandémie, nous faisions déjà face à une forte activité dans nos établissements hospitaliers. Puis, le Covid les a presque vidés. Mais l’activité a vite repris et nous sommes en surcharge depuis l’automne 2021.

12%

des patients en psychiatrie reviennent après 2-3 semaines

Le Covid, puis la crise en Ukraine, ne sont ainsi pas les seules causes de la hausse des cas depuis fin 2021?

La santé mentale est liée au sentiment de sécurité. Mais il n’y a effectivement pas que ça. Nos activités suivent la courbe de la démographie. La population est toujours plus hétérogène, ce qui signifie que la palette des besoins s’élargit. Nous sommes confrontés à des pathologies pour lesquelles nous n’intervenions pas auparavant. Je citerais par exemple les cas de traumatisme psychique parmi les requérants d’asile ou encore l’essor de la psychiatrie forensique dans les centres de détention.

L’offre en soins suit-elle cette évolution?

L’offre a beaucoup évolué dans le temps. Nous avons pris le virage ambulatoire dans les années 1980-1990. C’est l’option qui est toujours privilégiée car l’hôpital ne doit pas devenir un lieu de vie alternatif. Nous avons aussi beaucoup développé le dispositif de psychiatrie publique ces dix dernières années. Mais pour répondre à votre question, nous devons effectivement encore renforcer nos capacités. Je pense ici surtout au développement de cliniques de jour qui font leurs preuves dans le dispositif et permettent d’éviter les séjours hospitaliers ou de les écourter. Nous n’échapperons pas pour autant, je pense, à une hausse du nombre de lits en stationnaire.

Vos établissements hospitaliers sont occupés à 100,6%. Comment faites-vous au quotidien?

Un lit qui se vide est rempli immédiatement et nous avons régulièrement un à deux patients surnuméraires. Nous n’aimons pas ces situations, car les dotations en personnel soignant ne s’ajustent pas pour autant et ça charge les équipes.

Vous avez une liste d’attente?

Dans nos cliniques de jour, l’attente est d’un mois à six semaines pour avoir une place. A l’hôpital, il n’y a pas vraiment de listes d’attente, car nous avons toujours un lit pour les cas urgents. Mais la durée moyenne des séjours en psychiatrie adulte est de 23 jours, une des plus courtes de Suisse. C’est-à-dire que nos patients sortent très vite pour céder leur place à de nouveaux arrivants. Peut-être trop vite, car 12% reviennent dans les 2 à 3 semaines après leur sortie. Ce n’est donc pas une solution optimale.

Vous jouez avec le feu?

Il y a toujours des situations qui nous inquiètent car certaines personnes se retrouvent dans une zone grise. Heureusement, nous avons un service des urgences. Certes, c’est une consultation en cas de crise psychique, et pas un encadrement sur la durée. Mais il est plus nécessaire que jamais, car il permet justement de prioriser.

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