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Les lacs fribourgeois

Le fruit d’une lente dissolution

Pluie, moraine, argile et gypse: ce quatuor a donné naissance au petit lac des Joncs, aux Paccots

Les touristes ne sont pas les seuls à apprécier la zénitude du lac des Joncs et de sa flore.

6 août 2020 à 21:44

Série d’été 10/13  » Dans le canton de Fribourg, 13 plans d’eau sont officiellement nommés «lacs». La Liberté part à leur découverte tout au long de l’été.

Vanté pour son «pittoresque», le lac des Joncs est bien cette petite émeraude miroitante, sertie entre une forêt de sapins et une auberge connue bien au-delà de la Veveyse, sur les hauts des Paccots. Familles et amateurs de nature s’égrainent sur le sentier de copeaux qui borde le plan d’eau, à bonne distance des fragiles et périlleux gazons flottants. Une nouvelle signalétique est d’ailleurs en préparation, afin de rappeler la richesse et la vulnérabilité du site.

Ce qu’on sait moins, c’est que le lac des Joncs est le fruit d’un processus géologique subtil et étonnant. Il a débuté voilà environ 15’000 ans, avec la déglaciation de la région des Paccots et la fonte des quelque 200 mètres de glace qui couvraient le site, explique Luc Braillard, enseignant et chercheur en géomorphologie à l’Université de Fribourg. C’est que le sol de la région est constitué de moraine (charriée par le glacier du Rhône) qui contient des argiles lui donnant une certaine imperméabilité. Plus profondément se trouve du gypse, tendre et soluble. Sous l’effet de la pluie et des infiltrations, ce gypse s’est peu à peu dissous. Résultat: la couche de moraine s’est affaissée, voire effondrée, pour former un trou. Dans le jargon: une doline.

Un lac encore jeune

Le lac des Joncs est constitué de deux dolines, si proches l’une de l’autre qu’elles forment un double entonnoir bouché – une «ouvala». Jamais exploré, le fond de la doline la plus abrupte, au sud, se situe à environ 22 mètres de la surface, l’autre doline, au nord, plonge à 8 ou 12 mètres. «Toutes deux témoignent de la présence de ce gypse vieux de 250 millions d’années. On n’en voit affleurer qu’à de rares endroits, notamment à la Gypsera», relève Luc Braillard, qui travaille avec son collègue Quentin Vonlanthen à un inventaire des géotopes d’importance cantonale, sur mandat du Service des forêts et de la nature.

«On peut supposer que le Lac des Joncs a moins de 5’000 ans»
Luc Braillard

L’évolution du lac des Joncs est-elle terminée? «La question reste ouverte, note Luc Braillard. Il n’y a pas d’indice de mouvement de terrain. Il se peut cependant que des lentilles de gypse subsistent encore. Il faudrait forer pour répondre à la question, mais on ne le fait que s’il y a danger pour les constructions voisines. C’est le cas dans des dolines à Nax (VS) par exemple, mais pas aux Joncs.»

Reste que le petit lac des Paccots est encore jeune: «En général, la matière organique, la végétation ou les troncs s’accumulent et finissent par combler les dolines, ce qui n’est pas encore le cas aux Joncs, explique Luc Braillard. A cause de sa grande profondeur, on peut supposer que le lac des Joncs a moins de 5000 ans. Pour être plus précis, il faudrait là aussi faire des forages et dater les couches organiques les plus profondes.»

De purs nénuphars

Pas étonnant, du coup, que le lac des Joncs abrite une plante typique des lacs glaciaires: le rarissime nénuphar nain, répertorié sur place dès les années 1880. Encore vivace 110 ans plus tard, la colonie semblait avoir disparu en 1993, peut-être victime des canards. Mais Peter Enz, du Jardin botanique de Fribourg, avait alors retrouvé deux plants survivants. Neuf ans plus tard, son collègue Gregor Kozlowski en replantait une quinzaine, issus de prélèvements sur le site.

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