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Agriculture. l'arrosage gouttes à gouttes se développe dans la Broye vaudoise

Un projet dans la Broye vaudoise teste la technique d’irrigation goutte-à-goutte sur les grandes cultures

Les pommes de terre sont gourmandes en eau et particulièrement sensibles aux périodes de sécheresse, ici à Granges-près-Marnand.

11 août 2023 à 22:43

Temps de lecture : 1 min

Arrosage » Des sécheresses à répétition combinées à des interdictions de pompage: l’arrosage des champs peut ressembler à un parcours semé d’embûches pour les agriculteurs. L’optimisation de cette ressource précieuse est un enjeu majeur, particulièrement pour les producteurs de pommes de terre. Utiliser un système d’irrigation goutte-à-goutte pourrait être l’une des solutions pour compenser le manque de précipitations, économiser de l’eau et donc de l’argent. Si cette méthode est répandue chez les maraîchers par exemple, elle est encore peu utilisée dans les grandes cultures.

«J’ai économisé un tiers d’eau grâce au goutte-à-goutte»
Joël Terrin

Depuis 2018, elle est testée par une dizaine d’agriculteurs de la Broye vaudoise, majoritairement sur des pommes de terre. En effet, ils font partie d’un projet baptisé «Efficience Irrigation Vaud», proposé par la Direction générale de l’agriculture du canton de Vaud en collaboration avec Prométerre, association vaudoise de promotion des métiers de la terre. Il s’agit de l’un des projets d’amélioration de l’irrigation les plus importants sur le plan national dont les multiples mesures (lire ci-dessous), telles que l’irrigation au goutte-à-goutte, ont été installées sur 154 hectares du territoire vaudois. Des mesures subventionnées à hauteur de 1,2 million de francs sur ces cinq dernières années par le canton et la Confédération. L’expérience prend fin cette année et livre ses premiers résultats, le suivi scientifique se poursuivra encore jusqu’en 2025.

Bilan mitigé

A Granges-près-Marnand, Joël Terrin a testé l’irrigation goutte-à-goutte pendant quatre ans sur des parcelles de pommes de terre. Il est d’ailleurs l’un des membres du comité de pilotage d’«Efficience Irrigation Vaud». «Avec les canons, j’utilisais 1000 m3 d’eau par hectare et par an, j’en ai économisé environ un tiers grâce au goutte-à-goutte.»

Notons qu’il s’agit d’une technique qui consiste à apporter l’eau sous faible pression jusqu’aux racines des plantes, et à la distribuer au compte-gouttes à l’aide de tuyaux posés sur le sol ou enterrés.

Malgré l’arrêt des subventions à la fin de l’année, l’agriculteur pense poursuivre en 2024 étant maintenant équipé. Il a bénéficié d’une aide financière de la Confédération et du canton de Vaud à un taux de 80%, qui lui a permis d’investir dans le matériel nécessaire. «Je n’aurais pas réalisé ces dépenses sans soutien, car on prend le risque d’investir pour rien», souligne-t-il.

En effet, le système doit être posé au printemps et ne peut être déplacé, les tuyaux étant enterrés. «En maraîchage ou arboriculture, l’installation est pluriannuelle. Mais dans un champ de pommes de terre, il doit être mis en place chaque année avant même de savoir s’il sera utile. En cas d’été humide comme en 2021, ou d’interdiction de pompage comme en 2022, le goutte-à-goutte ne sert finalement à rien.» Autre problème majeur, comme l’explique Joël Terrin, «sur l’une de nos parcelles en 2019, les tuyaux ont été percés par un ver et il a fallu réparer plus de 1000 trous sur 2,5 hectares». Une surcharge de travail également pour poser puis retirer les tuyaux, le jour précédant la récolte.

«Le meilleur arrosage reste celui qui vient du ciel»
Florian Savary

Un avis partagé par Joël Bonny qui possède un domaine à Cudrefin. Il équipe, depuis cinq ans, 10 hectares de culture en goutte-à-goutte dont 4 hectares de pommes de terre. «L’installation et la surveillance des tuyaux constamment attaqués par des renards ou des souris représentent de nombreuses heures supplémentaires», remarque-t-il. Avec des tuyaux jetables, la taille des parcelles variant d’une année à l’autre, «cela produit une grande quantité de déchets en plastique». Toutefois, il note également «une utilisation plus rationnelle de l’eau, moins d’évaporation et moins de maladies telles que le mildiou, l’eau ne touchant pas les feuilles». Il ne pense cependant pas continuer au-delà de 2023.

Le système ne peut pas être installé sur tous les types de parcelles non plus, comme l’explique Florian Savary qui a testé cette méthode sur ses champs de tabac à Granges-près-Marnand: «Le terrain doit être très plat. La moindre pente empêche l’eau de se répartir sur toute la zone. L’idéal est de combiner les techniques d’irrigation. Le meilleur arrosage reste celui qui vient du ciel.»

«Pas à grande échelle»

Pour Andrea Marti, responsable de la recherche sur l’utilisation de l’eau dans les grandes cultures à la Haute Ecole des sciences agronomiques forestières et alimentaires, à Zollikofen (BE), et qui assure le suivi scientifique du projet vaudois, le goutte-à-goutte ne s’est pas encore développé en Suisse sur les grandes cultures pour plusieurs raisons. Elle invoque «les coûts élevés, 2600 francs par hectare contre 1100 francs pour l’irrigation au canon et dix heures de travail supplémentaires par hectare.»

Elle remarque toutefois que s’«il n’y a pas de différence au niveau de la qualité de la production, une économie de 25 à 35% d’eau est constatée. La technique est donc intéressante si l’apport en eau est limité ou si l’approvisionnement se fait sur le réseau d’eau potable à un prix élevé.» Si les résultats définitifs de l’expérience menée ne seront connus que dans deux ans, elle indique déjà que «le goutte-à-goutte n’est pas le seul moyen de rendre l’irrigation efficace. Il s’agit d’allier plusieurs méthodes en fonction du type de cultures et de parcelles.»

De l’eau au moment opportun

Le projet «Efficience Irrigation Vaud» mené entre 2018 et 2023 a plusieurs objectifs, comme le souligne Benjamin Sornay, ingénieur agronome et chargé du projet chez Mandaterre, une filiale de Prométerre, tels qu’«une utilisation durable de l’eau, l’augmentation de l’efficience de l’irrigation ou encore le développement d’un réseau de mesure de l’humidité des sols».

Afin d’y parvenir, plusieurs outils étaient proposés aux agriculteurs comme l’enregistrement des apports d’eau d’irrigation, l’achat de matériel pour du goutte-à-goutte (lire ci-dessus), mais aussi l’achat de sondes capacitives. Cette dernière mesure remporte un vif succès auprès des producteurs interrogés, leur permettant de connaître l’état hydrique de leurs parcelles grâce à une application mobile et une carte interactive disponible en ligne et ainsi d’apporter la bonne quantité d’eau au meilleur moment. Environ 80 sondes ont été installées sur le territoire vaudois. nh


Trois questions à Pascale Ribordy 

Pascale Ribordy, responsable secteur amélioration des structures à la section agriculture à Grangeneuve, répond à nos questions. 

Une stratégie est-elle en cours d’élaboration dans le canton de Fribourg en matière d’irrigation?

Le canton est en train de mettre en place un plan d’irrigation cantonal. Nous espérons voir émerger les premières lignes directrices cet automne afin de pouvoir développer l’irrigation en fonction des besoins des régions et de la disponibilité des ressources.

Pourquoi est-ce devenu nécessaire?

Jusqu’à maintenant les projets étaient initiés par les agriculteurs, mais une coordination cantonale, voire intercantonale, est nécessaire, particulièrement dans la région des Trois-Lacs. Le canton de Fribourg veut maintenir un certain niveau de production alimentaire malgré les changements climatiques, et l’irrigation en est l’un des maillons essentiels.

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