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Canton

Mode. la marque Shein a aussi conquis les jeunes Fribourgeois

La boutique en ligne chinoise, controversée, semble faire un tabac chez les jeunes Fribourgeois

Géant de la mode, la plate-forme en ligne chinoise Shein cartonne auprès des jeunes Fribourgeois, mais derrière se cachent des problèmes de droits du travail et d’environnement Photo Lib/Alain Wicht, Fribourg le 10.01.2023Alain Wicht/Alain Wicht/La Liberté

13 janvier 2023 à 13:55

Temps de lecture : 1 min

Mode » Le mot «Shein» vous évoque-t-il quelque chose? Si vous faites partie de la jeune génération ou êtes parent d’un ado, il y a des chances que ce soit le cas. Cette marque chinoise lancée en 2012, au succès aussi fulgurant que mondial, semble faire fureur dans le canton. Il faut dire que le détaillant chinois de mode en ligne mise sur les réseaux sociaux pour sa publicité, parfois en collaboration avec des stars et des influenceurs. Les petits prix séduisent, tout comme le temps de livraison et les multiples articles.

Reste le côté sombre, tel que l’emploi de substances chimiques dépassant les limites fixées par l’Union européenne, pour certains vêtements, selon des tests effectués par Greenpeace Allemagne. La marque fait aussi de l’ultra fast fashion, enchaînant les collections à un rythme effréné, suscitant les critiques des milieux écologistes. Un récent reportage de l’émission A Bon Entendeur, sur la RTS, questionnait sur le revenu des ouvriers textiles chinois, probablement sous le seuil du salaire minimum pratiqué dans leur pays. Qu’en pensent les acheteurs fribourgeois?

De «chouettes habits»

«La moitié de mes copines et ma petite sœur commandent sur ce site»
Romane

Agée de 14 ans, Romane a entendu parler de Shein à l’école: «La moitié de mes copines et ma petite sœur commandent sur ce site. Il y a de chouettes habits, qu’on ne trouve pas forcément dans d’autres magasins, comme des jolis hauts et des leggings.» Tout en continuant à se rendre dans des boutiques, elle-même s’est lancée il y a deux ans et depuis, commande quelques fois par année. Elle se dit satisfaite: «Il y a juste une fois où j’ai eu un petit trou.»

Interrogée sur les modèles présentant les vêtements sur le site, aux mensurations souvent très flatteuses, Romane préférerait des filles plus «naturelles»: «Pour moi, cela inciterait davantage les gens à acheter.» Elle précise avoir entendu parler du côté obscur de l’industrie de la mode lors d’un cours de géographie: «Je pense que ce n’est vraiment pas bien, la façon dont les employés sont traités, mais après, beaucoup de monde commande. Ce n’est pas parce qu’une personne arrête que cela va changer quelque chose. Mais j’essaie de limiter mes achats», raconte la jeune Sarinoise.

«La confection des vêtements n’est pas durable et les employés travaillent à la chaîne pour un salaire de misère»
Donovan

Une Fribourgeoise âgée de 11 ans dit avoir connu la marque via les réseaux sociaux. Elle est aussi sensibilisée, mais avoue que lorsqu’elle voit de jolis vêtements, ce n’est pas forcément un aspect auquel elle pense. Une autre Sarinoise de 15 ans confirme l’engouement des jeunes, même si elle estime que ce n’est pas «la meilleure qualité». Un «petit peu» sensible à l’écologie, elle ne commande que deux fois par année, entre cinq et dix habits.

Mère et fils en désaccord

Chez une mère et son fils vivant à Fribourg, la situation est inversée: Vanessa achète des produits Shein, tandis que Donovan s’en offusque haut et fort. «Cela ne fait pas longtemps que je commande sur leur site, et je n’en suis pas fière. Mais il y a une variété d’articles impressionnante et je reçois mes achats au bout d’une semaine. Le rapport qualité-prix reste aussi très intéressant, d’autant plus qu’il y a tout le temps des réductions», explique la maman, précisant que c’est surtout le critère du prix qui prévaut. Et d’assurer qu’elle a par exemple une meilleure expérience qu’avec un autre site chinois de vente en ligne: «Les articles sont reçus très vite, dans un unique paquet.» Elle estime que la qualité est bonne et passe commande deux fois par an, achetant pour environ 300 francs en tout.

Son fils Donovan, 19 ans, est à l’opposé: «Je boycotte Shein.» Ce diplômé de l’Ecole de couture a été sensibilisé à l’ultra fast fashion: «L’aspect éthique et environnemental me dérange énormément. La confection des vêtements n’est pas durable et les employés travaillent à la chaîne pour un salaire de misère. A mes yeux, c’est une catastrophe.» Lui-même privilégie la seconde main: «Je veux acheter quelque chose que je peux garder dans le temps. A l’époque, les vêtements étaient fabriqués de manière plus contrôlée, avec des matières de meilleure qualité.» Ses efforts de prévention semblent payer puisque sa maman l’accompagne parfois dans les friperies. Du côté des influenceuses, la Fribourgeoise Karine Rueda (Mademoiselle Karine) refuserait dans tous les cas une collaboration avec Shein, même contre une rémunération. «Je promeus des entreprises locales ou de seconde main. Travailler avec une telle marque n’aurait aucun sens pour moi.»

Contactée, la porte-parole de Shein Marion Bouchut, réfute les critiques. Entre autres éléments, elle assure que l’entreprise s’engage «à offrir un environnement de travail sécuritaire à tous les employés de ses fournisseurs». Ces derniers doivent respecter des normes «basées sur les conventions de l'Organisation internationale du travail et les lois et réglementations locales.» Elle précise: «Une enquête indépendante sur les salaires d'Intertek au deuxième trimestre a montré que les travailleurs des usines des fournisseurs de SHEIN perçoivent un salaire horaire correspondant en moyenne à 2 fois le salaire minimum local.» Et d’ajouter que le niveau moyen des stocks d’invendus de l’industrie se situerait entre 25% et 40%, alors que Shein «l’a réduit à un seul chiffre.» Ceci grâce à la précision de la mesure de la demande en temps réel, qui permet de réduire les stocks excédentaires et la surproduction.

La porte-parole mentionne des programmes axés sur l’augmentation de l’utilisation de matériaux durables et l’ouverture de centres de distribution à l’étranger pour réduire le fret aérien. «SHEIN s'est engagé à réduire de 25 % les émissions absolues de gaz à effet de serre sur l'ensemble de sa chaîne de valeur d'ici 2030», précise-t-elle. Elle assure en outre qu'un des buts de Shein est de «soutenir et responsabiliser les fournisseurs tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de la gestion des commandes à la production en passant par l’exécution, afin de minimiser les déchets de production et les stocks excédentaires, et de construire une entreprise plus durable.»

 


Trois questions à Katia Vladimirova

Katia Vladimirova, chercheuse à l’Université de Genève en sociologie, spécialiste des questions de mode et de consommation, répond à nos questions. 

Pourquoi la marque Shein plaît-elle tant?

Les habits sont attractifs, peu chers et accessibles aux petits budgets, ce qui est intéressant pour les jeunes aimant expérimenter, changer de style.

Quels impacts peut-il y avoir chez les ados?

Les marques de la fast fashion, comme Shein, développent une mentalité selon laquelle la mode est quelque chose de jetable. Pour un projet, j’ai visité plusieurs endroits récupérant des vêtements et j’y ai vu un nombre incroyable d’articles Shein, parfois d’un même modèle de plusieurs tailles, avec les étiquettes. Les jeunes ont l’impression de faire une bonne action, pensant que ces habits seront redonnés, mais certains ne sont plus revendables. Et ils ne sont pas conscients de leur impact: les vêtements ont été confectionnés par quelqu’un, ont voyagé depuis la Chine, ce qui a produit des gaz à effet de serre.

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