La laurelle, l’envahisseur au fond du jardin

Néophytes » Joliment alignées au fond du jardin, les laurelles, aussi appelées lauriers-cerise, ont longtemps été les chouchous de nos haies. C’est que prunus laurocerasus a tout pour plaire: arbuste à croissance rapide et au feuillage persistant, il joue à merveille son rôle de brise-vue. A la belle saison, son vert brillant s’orne de grappes de fleurs blanches, puis de baies noires très décoratives (néanmoins non comestibles). Mais la liste de ses atours s’arrête là.

Originaire d’Asie mineure, la laurelle figure sur la liste des espèces exotiques envahissantes d’Info Flora, le centre national de données et d’information sur la flore de Suisse. Mais que lui reproche-t-on au juste? «C’est une plante qui se dissémine facilement, notamment par certains oiseaux qui en mangent les fruits et en transportent ainsi les graines. Il arrive aussi que des gens en amènent en forêt, avec leurs déchets verts. Une pratique interdite et heureusement en régression», explique Dominique Schaller. Une fois installée dans les sous-bois, la laurelle y prospère, au détriment de la flore locale dont elle supplante le rajeunissement. Si le phénomène est surtout visible au sud des Alpes, le réchauffement climatique tend à l’étendre. «On l’observe dans les forêts du canton de Fribourg, en particulier à proximité des zones d’habitations», précise le chef du Service des forêts et de la nature (SFN).

Plan d’action en gestation

A l’échelle cantonale, un plan d’action contre les espèces exotiques envahissantes – végétales et animales – est en cours d’élaboration. Le SFN espère pouvoir le présenter au Conseil d’Etat d’ici à l’été 2024. A côté de la laurelle, renouées du Japon, berces du Caucase ou encore moustique tigre seront concernés. «Il faudra se poser des questions clé pour chaque plante ou organisme, afin de déterminer s’il faut agir, comment et qui en portera la responsabilité», détaille Dominique Schaller. Le degré d’interventionnisme sera différent selon les espèces et dépendra de l’évaluation des risques qui aura été faite. Pour certaines, il pourrait être décidé de ne prendre aucune mesure d’éradication.

Les néophytes envahissantes et potentiellement envahissantes listées par Info Flora représentent 11,7% des espèces végétales exotiques en Suisse et 2,2% de la flore totale (Source: OFEV, 2022). Toutes les plantes exotiques ne sont donc pas néfastes, mais des mesures ciblées sont indispensables pour se débarrasser de celles qui causent des dégâts importants. «On ne peut pas courir derrière chaque espèce, car souvent, il ne suffit pas de les couper pour s’en débarrasser», prévient Dominique Schaller. «La renouée du Japon par exemple fait des rhizomes dans le sol pouvant aller jusqu’à trois mètres de profondeur. Pour l’éliminer, il faut creuser et retirer toute la plante, en étant prudent: même un fragment de racine qui tomberait au sol peut repousser.»

Entretien indispensable

Si on la taille régulièrement de sorte à l’empêcher de produire des fruits, la laurelle ne présente en revanche que peu de risque de dissémination. Son arrachage systématique n’est donc pour l’heure pas recommandé. Pour qui souhaite s’en débarrasser, un coupe rase ne suffit pas. Afin d’éviter que la laurelle ne repousse de plus belle, il faut retirer le plant et ses racines. Mais même entretenue, elle reste peu intéressante pour la biodiversité. Tout comme son acolyte le thuya. A ces deux essences, il faudrait préférer des buissons et arbustes indigènes comme le cornouiller ou le sureau noir. La composition d’une haie doit être diversifiée. Elle fleurira ainsi à différents moments de l’année et permettra aux petits animaux, oiseaux et insectes d’y accomplir leur cycle de vie.