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Canton

Chanter en choeur pour un projet

Après la période Covid, les choeurs à projets semblent répondre à un changement sociétal

Reportage à la répétition du choeur Enbroysie avec le directeur Louis-Marc Crausaz. Récemment créé, le choeur embroysie répète une fois par mois, ce qui semble séduire. Le point sur les choeurs à projet (qui se forment pour un projet et n'ont que quelques répétitions avant le concert). Photo Lib/Corinne Aeberhard, Cugy, 11.12.2022Corinne Aeberhard/St-Paul Médias SA

Amédée Hirt

Amédée Hirt

11 décembre 2022 à 22:04

Temps de lecture : 1 min

Musique» «Ze-e-e-e-e-e-lé», chante Louis-Marc Crausaz, avant de rajouter: «Ouvrez bien la bouche.» Une centaine de voix s’élèvent, remplissent tout l’espace dans la grande salle de Cugy. Car un petit nouveau a fait son apparition dans les choeurs broyards: EnBroysie, créé par l’association du même nom, née l’année passée. «Le but est de proposer des événements musicaux, car aujourd’hui, il n’y a plus grand-chose dans la Broye intercantonale au niveau de l’offre chorale dans le répertoire classique et de variété», estime le directeur Louis-Marc Crausaz.

Particularité: EnBroysie est un choeur à projets. Les répétitions ont lieu pour un concert en particulier, puis les gens sont libres de partir ou d’enchaîner avec le projet suivant. Tour d’horizon de ce phénomène, qui semble connaître un regain d’intérêt.

Un grand succès

A Cugy, les répétitions ont lieu depuis janvier durant quatre heures un dimanche par mois. Elles dureront jusqu’au concert en mars 2023 à Payerne et Moudon. Alors que cela aurait pu être «le requiem d’EnBroysie», les choristes ont répondu à l’appel: il y en a 110 en tout. Si le plus jeune a la vingtaine, il y a majoritairement des personnes plus âgées.

110

Le nombre de choristes engagés dans le projet.

Louis-Marc Crausaz explique ce succès de plusieurs manières: «Nous avons choisi une pièce phare: le Requiem de Mozart. Nous avons aussi commencé les répétitions à la fin de la période du Covid, où la demande était très forte, car les gens voulaient recommencer à faire quelque chose. Quelques choeurs broyards se sont aussi dissous en raison de difficultés de recrutement. Parallèlement, la pandémie a aussi ouvert les écoutilles à certaines personnes, qui veulent profiter de la vie et faire ce qu’elles veulent.»

Compatibilité d’agenda

Pour le directeur, créer EnBroysie signifiait répondre à un changement sociétal. Un point de vue partagé par Gonzague Monney, qui dirige le choeur à projets Glânissimo: «Le monde professionnel est devenu très exigeant en termes d’emploi du temps et d’énergie. Il y a aussi la vie de famille.» Conséquence: il est parfois difficile d’intégrer un choeur qui répète chaque semaine.

«Nous avons aussi commencé les répétitions à la fin de la période du Covid, où la demande était très forte, car les gens voulaient recommencer à faire quelque chose.»
Louis-Marc Crausaz

Alors que l’offre augmente, allant du choeur de jeunes créé spontanément au choeur semi-professionnel, le directeur craint l’apparition d’un «tourisme choral», avec des chanteurs doués passant d’un ensemble à l’autre. «Cela fait du mal aux ensembles vocaux du canton, tels que les choeurs paroissiaux, qui ont de la peine à recruter des personnes fixes. Il y a de moins en moins de gens qui entrent dans un choeur de village à 14 ans et arrêtent à 80 ans.»

Pascal Mayer, qui dirige le Choeur de chambre de l’Université de Fribourg, fonctionnant aussi par projets, n’est pas entièrement de cet avis: «Je partage le souci pour les choeurs paroissiaux, mais je crois que ce phénomène est lié à la désertion des églises.» Pour lui, un chanteur s’inscrit à un choeur à projets en parallèle de l’ensemble où il chante déjà. «Je n’aime pas les pique-assiette, car ils s’investissent finalement nulle part. Chez nous, les choristes paient une cotisation, même s’ils ne font qu’un projet durant l’année.»

Cette volonté de ne pas «voler» des membres est confirmée par Louis-Marc Crausaz: «Nos répétitions ont lieu les dimanches pour ne pas entrer en collision avec celles d’autres choeurs, sauf exception.» Le site internet d’EnBroysie mentionne aussi qu’il est interdit de quitter un «choeur en fonction» pour le projet. Pour sa part, Gonzague Monney prévoit de ne pas lancer de projet pouvant empiéter sur la Fête cantonale des chorales, en 2024, qui comporte aussi une telle offre: «Le but est de proposer à des personnes qui en veulent un projet ambitieux qu’un choeur ne peut pas forcément se payer, par exemple avec un orchestre. Elles engrangent ainsi de l’expérience, qu’elles pourront apporter à leur propre ensemble.»

«Le but est de proposer à des personnes qui en veulent un projet ambitieux qu’un choeur ne peut pas forcément se payer, par exemple avec un orchestre.»
Gonzague Monney

Un autre avantage des choeurs à projet est la mobilité: les chanteurs viennent souvent de plusieurs cantons. Patrick Menoud, membre d’un choeur fixe et chantant à EnBroysie, ajoute le fait de pouvoir chanter avec plusieurs directeurs: «C’est à nous de nous adapter, ce qui est très enrichissant.»

Créer le lien social

Reste qu’il y a des exigences, comme le fait de travailler à la maison, par exemple grâce à des fichiers audios. Ce qui n’est pas pour autant synonyme de réussite: «Le programme est parfois bon sur le papier mais décevant au concert», confirme Pascal Mayer. De manière générale, Philippe Savoy, ancien président de la  Fédération fribourgeoise des chorales, assure que «le temps a une vertu incompressible sur le travail de la musique.» Et Louis-Marc Crausaz de se souvenir: «A une répétition, ça nageait sérieusement, les gens ne savaient plus rien. Mais la fois suivante, j’étais épaté.» Une autre solution selon Pascal Mayer peut être de mélanger les registres de voix durant les répétitions, ce qui demande d’être sûr de ses notes.

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