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Canton

Témoignages. ces familles fribourgeoises qui accueillent des Ukrainiens

Depuis plusieurs mois, des familles hébergent des Ukrainiens. Elles témoignent sur leur vécu

Irenka Krone, sa fille Anika (respectivement à gauche et à droite) et leur famille ont accueilli à Villars-sur-Glâne Victoria et son fils Zahar, qui ont fui la région de Sloviansk. Rappelons que les Ukrainiens reçoivent un forfait mensuel et que l’accueil dure au minimum trois mois, en principe.

16 août 2022 à 15:36

Temps de lecture : 1 min

Ukrainiens » C’est comme si le soleil et la bonne humeur avaient élu domicile dans la maison de la famille Krone à Villars-sur-Glâne. Un cocon pour Victoria Kaloushna et son fils Zahar. Tous deux ont fui une ville proche de Sloviansk, en Ukraine, dans le Donbass. Ils ont occupé la chambre d’une des filles, en séjour au Canada. S’ils ont déménagé dans un appartement à proximité au retour de l’adolescente en juillet, ils voient leurs anciens hôtes chaque semaine.

Rappelons qu’il y avait eu un grand élan de solidarité au début du conflit, en février. Qu’en est-il près de six mois plus tard?

Des liens solides

Des liens forts se sont noués rapidement chez les Krone. Les larmes aux yeux, Victoria Kaloushna se souvient de son arrivée au NH Hôtel à Fribourg, le 8 avril, où les Ukrainiens étaient accueillis: «On nous avait dit en Pologne que nous allions habiter dans une caserne militaire. Nous voyions les autres s’en aller… Nous avons presque été les derniers. C’est là que j’ai vu arriver Irenka, qui parlait un peu le russe. Nous avons besoin d’elle et de sa famille. Sans eux, on est mal.» Il faut dire que la mère d’Irenka Krone, Polonaise, a été réfugiée en 1944.

«Cette expérience m’a ouvert les yeux et permis d’enlever certains a priori.»
Anika Krone

Les premiers temps ne sont pas faciles. Blanc comme un linge, Zahar doit être conduit d’urgence à l’hôpital, pour des douleurs au ventre dont il s’est remis. «Accueillir, c’est énorme au niveau des émotions, on se sent responsable et on a très peur qu’il arrive quelque chose. Mais c’est une expérience unique», commente Irenka Krone. Puis les choses s’améliorent grâce au lumineux Zahar et à la respectueuse Victoria Kaloushna, qui ose peu à peu sortir de la chambre et bavarde parfois durant des heures.

Du Cousimbert au lac

Le principe est de tout partager. Venant d’une région pauvre, les nouveaux arrivants s’habituent lentement au lave-vaisselle, à la machine à café, aux fruits et légumes importés. Irenka Krone et son mari Oliver accompagnent les démarches administratives, la scolarisation, trouvent des activités pour Victoria Kaloushna et inscrivent Zahar à des cours de piano. L’idée est aussi de faire découvrir le canton, du Cousimbert à la piscine de la Motta en passant par les lacs: «Quand Victoria et Zahar n’avaient pas de programme avec des amis ukrainiens, nous leur proposions de nous accompagner.» Une belle complicité s’installe entre Zahar, 11 ans, et les enfants Krone. «Cette expérience m’a ouvert les yeux et permis d’enlever certains a priori», indique Anika Krone, âgée de 22 ans.

Il y a des moments plus difficiles. Lors d’une sortie à Portalban, Victoria Kaloushna s’effondre parce qu’elle voit sur son smartphone une connaissance se faire enterrer. Parfois, il faut encourager la jeune femme de 32 ans à manger, ou la laisser tranquille. Un suivi psychologique est aussi vite mis en place.

L’apprentissage de la langue décourage Victoria Kaloushna. Zahar passe beaucoup de temps sur son smartphone, à faire des jeux virtuels et à rester en contact avec ses amis en Ukraine. Contrairement au début, il peine à se faire des amis en Suisse, peut-être à cause de la langue et de cet autre monde virtuel si présent dans son quotidien, selon Irenka Krone. Cette dernière souhaitait que mère et fils restent en Suisse ou aillent dans la ville ukrainienne de Lviv, où la situation est moins dangereuse. Mais Victoria Kaloushna veut rentrer dans le Donbass dès que la situation le permettra. En attendant, la laborantine va peut-être travailler dans un fast-food.

Chacun sa vie

Dans d’autres demeures, comme celle où est hébergée Iryna Sehriichuk à Marly, le ressenti est le même: «Ils sont comme ma famille, ils sont très gentils et s’inquiètent toujours de savoir si je vais bien.» Même configuration chez François Vallat, aumônier aux soins palliatifs de l’Hôpital fribourgeois. L’habitant de Belfaux accueille depuis mars deux Ukrainiennes qui ne se connaissaient pas: Irene Kvitchenko, 50 ans, et Viktoria Hrychenko, 32 ans, ainsi que leurs filles.

«J’ai ma chambre et une douche au sous-sol, je n’ai pas besoin de plus.»
François Vallat

Les deux femmes craignaient de déranger. Elles sont désormais moins timides. «J’achète tout ce que je peux: viande, produits de lessive, etc., car elles n’ont pas d’immenses budgets. J’ai ma chambre et une douche au sous-sol, je n’ai pas besoin de plus.» Et les Ukrainiennes de dire: «Vous nous gâtez!»

La complicité règne et l’obstacle de la langue est plus ou moins surmonté grâce à Google Traduction. Les Ukrainiennes suivent des cours de français mais progressent difficilement parce qu’elles s’inquiètent constamment pour leur famille. C’est pourquoi, à côté de la cuisine et du ménage, elles passent beaucoup de temps dans la nature afin de se changer les idées.

Elles entretiennent «en cachette» le jardin, une tâche dont leur modeste hôte ne voulait pas les embarrasser. «Je leur ai aussi dit que j’étais un grand garçon et que je faisais le ménage dans ma chambre. On s’apprivoise», commente celui qui ne veut pas être intrusif: «Elles gardent beaucoup de contacts avec leurs maris, c’est très bien.» S’il est très occupé, il partage parfois un bortsch (soupe traditionnelle). Tous ont de beaux souvenirs, comme Pâques, fêté ensemble. «Au niveau des caractères, nous nous sommes bien trouvés.» Si Victoria Hrychenko voudrait rentrer, sa compatriote se voit bien passer sa vieillesse ici: «On prend soin des personnes âgées.»

Moments de partage et de solidarité

L’ambiance est détendue chez la famille Vial au Crêt, sur fond de champs et de forêt. En exil forcé après avoir dû quitter leur ville de Vinitza, Ira Zamiatina et son mari égyptien Ahmad Elvan vivent dans un des appartements de la maison depuis ce printemps, avec leurs jeunes enfants Mohamad et Mélissa. «Ce logement était auparavant occupé par mon père, qui est décédé cet automne. Il était important que la famille puisse avoir son propre chez soi, étant donné que nous ne savions pas combien de temps la situation allait durer», précise Jean-Charles Vial.
Au frais sur une terrasse ombragée, le rire unit tout le monde, même si l’obstacle de la langue reste bien présent: «Nous ne parlons pas anglais, nous aurions mieux dû être plus attentifs à l’école», plaisante Jean-Charles Vial. Son épouse Madeleine précise qu’ils utilisent un logiciel de traduction sur le natel d’Ira Zamiatina. Des conversations détaillées, par exemple sur ce que ressentent les Ukrainiens à propos de la situation dans leur pays, restent cependant compliquées.

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