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Canton

Ces agriculteurs fribourgeois qui renoncent aux engrais de synthèse

Face à la flambée des prix, des agriculteurs fribourgeois optent pour des solutions alternatives

Epandage de lisier dans un champ. Photo Lib/Alain Wicht, Berthoud (BE), le 11.03.2017Alain Wicht/Alain Wicht/LaLibertŽ

7 mars 2023 à 20:46

Agriculture » La hausse du prix des engrais de synthèse inquiète les agriculteurs fribourgeois, qui ont diminué leur utilisation et se sont tournés vers d’autres moyens de fertilisation des sols. C’est ce que relève Frédéric Ménétrey, le directeur de la Chambre fribourgeoise d’agriculture. La flambée des prix du gaz, exacerbée par la guerre en Ukraine, a affecté les fabricants d’engrais azotés de synthèse. Conséquence: ils ont vendu ces fertilisants plus chers aux fermiers. Ces engrais de commerce, qui comportent de l’ammoniaque obtenue à partir de gaz, sont les plus utilisés dans le canton.

Les prix de ces engrais de synthèse ont pris l’ascenseur depuis deux ans. En 2021, les agriculteurs fribourgeois devaient débourser «30 francs pour 100 kg d’engrais azoté» alors qu’en 2022, il leur fallait compter «jusqu’à plus de 100 francs», détaille le directeur de l’association. «La situation tendue et décourageante de l’année passée s’est un peu calmée, mais les coûts élevés de production pèsent toujours sur les agriculteurs», affirme Frédéric Ménétrey. Et d’ajouter que ce contexte a encouragé à trouver des moyens de substitution naturels aux engrais azotés.

Le remède écologique

Le contenu des engrais azotés de commerce est «très concentré et a l’avantage d’être utilisable pour presque tout type de cultures», note Frédéric Ménétrey. Afin de pallier l’augmentation des prix, certains agriculteurs ont décidé «d’adapter la taille de leurs cultures ou les cultures associées, voire de limiter l’apport en engrais de commerce, au risque d’appauvrir les sols», poursuit Frédéric Ménétrey. A Morens, Thierry Messer a «diminué un peu la quantité d’engrais azotés de synthèse». Il ajoute: «Je compense avec un apport de résidus des récoltes, avec du compost, mais aussi avec des plantes légumineuses. Je veille particulièrement à appliquer ces fertilisants juste avant les précipitations.» Pour nourrir ses cultures de pommes de terre, de maïs, de blé et de colza, Thierry Messer «complète cette liste d’engrais avec du fertilisant de poulet acheté à d’autres exploitants». Et de conclure que 60% de ses engrais «viennent du commerce, sinon je risque de diminuer mon rendement. Sans ces engrais de synthèse, mon exploitation tombe en faillite.»

«Je compense avec un apport de résidus des récoltes, avec du compost, mais aussi avec des plantes légumineuses.»
Thierry Messer

Selon Frédéric Ménétrey, «le terreau végétal, les résidus agroalimentaires et déjections animales, chauffés et méthanisés dans l’une des neuf installations de biogaz fribourgeoises agricoles, constituent une solution de rechange pour les exploitants agricoles». Une fois modifiées, ces matières organiques se transforment d’une part en gaz naturel, et d’autre part, en fertilisant «homogénéisé», appelé «digestat», qui alimente «de manière efficiente les cultures, plutôt que de simplement déposer les déchets sur le sol», soutient le directeur de la Chambre d’agriculture. Denis Morand, collaborateur scientifique à l’Institut agricole de Grangeneuve, confirme: «L’utilisation du lisier méthanisé provenant d’un biogaz est une bonne solution. Il faut utiliser ces engrais au bon moment, lorsque les plantes ont besoin d’éléments nutritifs, c’est-à-dire au printemps.»

Ce procédé écologique contraste avec la production des engrais de synthèse, selon Denis Morand. «La fabrication d’engrais de synthèse est gourmande en énergie. La hausse du prix du gaz a par conséquent provoqué celle des engrais azotés de synthèse.» Autre solution pour les exploitants agricoles qui souhaitent limiter leurs pertes financières: «S’associer à un label comme IP-Suisse pour vendre à un meilleur prix», suggère Frédéric Ménétrey.

Michel Guex, agriculteur à Matran, a quasiment renoncé aux engrais de synthèse, et a dû «simplifier» ses cultures et «intensifier» la production de fertilisants d’animaux pour s’en sortir. Avant de reconnaître cependant que les engrais de synthèse sont «plus pratiques à doser sur le sol» que les substances issues de déchets végétaux et animaux.

Le bio épargné

L’apport en azote est une «nécessité absolue» pour la croissance des cultures, par l’entremise de «fumier et de lisier» particulièrement, mais également par le biais des fertilisants azotés en appoint, rappelle le directeur de la Chambre fribourgeoise d’agriculture, Frédéric Ménétrey.

Si cette complémentarité permet à «la plupart» des agriculteurs fribourgeois de «limiter la casse» en cette période de prix élevés des engrais, les exploitants les plus touchés sont toutefois ceux qui ne disposent pas d’engrais de ferme comme fertilisants, poursuit Frédéric Ménétrey. «Un tiers des paysans du canton et certains maraîchers n’ont pas de bétail. Ils dépendent ainsi des fertilisants de synthèse», souligne-t-il.

70

francs pour 100 kg, le prix des fertilisants de synthèse

Inversement, «peut-être jusqu’à 20% des paysans» fribourgeois n’emploient que très peu ou voire pas d’engrais azotés du commerce, glisse le directeur de la Chambre fribourgeoise d’agriculture. Et d’ajouter que ce cas concerne notamment les cultures biologiques, pour lesquelles «les engrais de ferme et d’autres produits suffisent pour s’en sortir, même si le rendement est moins important. Certaines exploitations essaient de fertiliser leurs cultures avec des engrais de ferme et ne complètent qu’en cas de besoin avec des engrais artificiels.»

Si les prix des fertilisants de synthèse ont baissé «à 70 francs pour 100 kg» en ce début d’année, ils sont encore trop élevés pour les producteurs qui ne peuvent compenser totalement l’augmentation des coûts par le prix de vente de leurs produits et sont ainsi mis en danger, estime Frédéric Ménétrey. «Les grandes cultures des agriculteurs fribourgeois risquent de ne plus être rentables si la tendance se poursuit encore pendant deux à trois ans», conclut-il.


Trois questions à Jürg Friedl
Directeur du distributeur d’engrais Landor fenaco

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