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Histoires de la Terre

Chrüzflue. à la recherche du gypse perdu

A l’ombre de la Chrüzflue, un glissement de terrain a enseveli une carrière recelant bien des mystères


21 juillet 2022 à 16:13

Histoires de la Terre (2/7) » Cet été, La Liberté part à la découverte de sites géologiques remarquables. Ceux-ci font partie de l’inventaire des géotopes qui sera publié d’ici à l’automne par le Service des forêts et de la nature de l’Etat de Fribourg.

Quelques cailloux blancs, brillants comme du sucre, affleurent sur un talus bordant le chemin qui serpente à travers la forêt du Burgerwald, à l’ombre de la Chrüzflue, au-dessus du Mouret. Ces morceaux de gypse, vieux de 240 millions d’années, sont les derniers vestiges visibles d’un pan de l’histoire industrielle fribourgeoise. Entre le début du XVe siècle et la fin des années 1840, une carrière était exploitée à cet endroit. Il n’en reste rien d’apparent aujourd’hui: le site a été recouvert par un glissement de terrain qui a déferlé sur le secteur en plusieurs phases, avant de se réactiver en 2001.

A l’heure actuelle, le sol continue à bouger d’une dizaine de centimètres par année, conférant un profil chaotique et accidenté à ce vallon par ailleurs paisible et parsemé de jeunes arbres. Malgré les apparences, c’est donc un géotope d’importance cantonale que l’on a sous les yeux. «La falaise qui le surplombe est constituée de flysch, composé majoritairement de roches dures», explique Raymond Plancherel, ancien professeur de géologie structurale et spécialiste des Préalpes, en désignant le sommet de la Chrüzflue. «Son soubassement est fait de roche plus tendre et donc plus sensible à l’érosion. C’est ce qui explique la formation de cet escarpement rocheux», complète le géologue et enseignant-chercheur en géomorphologie Luc Braillard.

Géologiquement instable

Lors de la formation des Préalpes, le flysch qui s’est constitué il y a quelque 60 millions d’années à des centaines de kilomètres plus au sud est venu «chevaucher» la molasse d’eau douce subalpine bien plus récente (environ 25 millions d’années) et friable, la poussant contre la molasse marine du plateau suisse. Ce faisant, il a charrié avec lui du matériel beaucoup plus ancien. En particulier du gypse, une roche dite «évaporitique», car formée dans des mers peu profondes après évaporation de l’eau. C’est ce filon qui sera découvert au Moyen Age et exploité durant plus de quatre siècles.

Les ouvriers qui se sont succédé sur le site ont travaillé dans des conditions difficiles, sur un terrain instable de par sa nature géologique. «Des éboulements sont déjà mentionnés dans la littérature ancienne», constate Luc Braillard. Le fait d’extraire du matériel au pied de la falaise n’a fait qu’aggraver la situation. «Mais l’exploitation du gypse était économiquement intéressante.»

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