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Bulle, grille tournante du scrabble

Plongée dans les Championnats du monde du scrabble qui se tiennent actuellement à Espace Gruyère

Championnat du monde de scrabble à Espace Gruyère.Jean-Baptiste Morel

Amédée Hirt

Amédée Hirt

16 juillet 2023 à 15:46

Temps de lecture : 1 min

Jeu » La période des examens de fin d’année est certes passée, il règne pourtant depuis jeudi une atmosphère de concentration intense à Espace Gruyère. Le chef-lieu gruérien accueille, pour la seconde fois après 1999, les Championnats du monde francophones de scrabble. L’événement réunit jusqu’à samedi prochain environ 600 scrabbleurs de 17 pays.

Parmi eux, 176 concurrents attablés, samedi, dans la halle 50, participent à l’Open du Vanil Noir, l’un des nombreux tournois proposés durant ces deux semaines de joutes. Pour d’aucuns, le scrabble se résume à un jeu d’accumulation de points en formant des mots où chaque lettre rapporte son lot de points, que l’on peut multiplier en plaçant le mot sur des cases telles que «lettre compte triple» ou «mot compte double». Mais ici, le jeu se conjugue sous toutes ses formes.

600

Le nombre de scrabbleurs réunis à Bulle cette semaine

«Vous jouez avec trois Egypte», annonce depuis l’estrade le juge-arbitre, pour signifier les trois lettres E qui s’affichent sur l’écran géant. Le juge-arbitre n’est autre que le notaire bullois Michel Mooser.

Un silence de cathédrale

Oubliez l’image d’un loto villageois, où la tension se relâche dans une clameur lorsque le crieur prononce un «Treize, Thérèse». Au scrabble, le hasard du tirage est évacué, sitôt les lettres extraites du sac, pour laisser place à une gymnastique mentale. Ici, dans la forme duplicate du scrabble, tous les joueurs doivent placer les mêmes lettres sur leur propre grille. Les joueurs disposent de 3 minutes par coup, contre 2 en catégorie élite, voire 1 seule minute en version Blitz.

Quant aux jeunes qui traversent les rangées entre chaque coup? Il ne s’agit ni de vendeurs de séries volantes, ni de servants de messe au moment de la quête. Dans ce silence de cathédrale, leur rôle est de récolter les feuillets sur lesquels chaque joueur aura inscrit le meilleur mot qu’il a imaginé et sa position sur la grille. Des informations transmises à la douzaine d’arbitres postés derrière leurs ordinateurs au fond de la salle, dont la tâche est de valider la conformité du mot et d’inscrire les données via un logiciel, nous explique en messe basse Jean-François Harmand, membre du staff «embauché pour être le policier des jeux», glisse-t-il en souriant.

«On vérifie qu’il n’y ait pas de téléphone portable», poursuit celui qui se souvient encore d’un joueur trichant avec le dictionnaire sur les genoux, lors d’une édition précédente. Pendant ce temps, à l’étage, l’élite du scrabble se mesure dans la formule dite classique, où chaque adversaire s’affronte à tour de rôle, en faisant pivoter entre chaque tour, la grille commune. Une version similaire au scrabble familial, mais avec la pression du temps en sus, puisqu’un compte à rebours s’écoule pour chaque concurrent, façon jeu d’échecs. La part de hasard liée à l’aléatoire des tirages propres à chaque jour est compensée par la stratégie, absente du duplicate, consistant en la possibilité de fermer ou non le jeu à son adverse, selon la manière de disposer les mots.

Une version où les scrabbleurs africains dominent régulièrement le haut du classement. «Certains joueurs jouent très rapidement, c’est très déstabilisant. Dans certaines situations, tu as à peine le temps de piocher tes lettres que c’est à nouveau à toi de jouer», observe Edouard Huot. Ce membre de l’équipe Québec B a participé au tournoi inter-nations qui a vu jeudi la Côte d'Ivoire s’imposer devant la France.

La valse des mots

La manifestation marquera aussi le vernissage, mercredi, du 9e dictionnaire de l’Officiel du scrabble, qui fera foi dès 2024. Un débat couve d’ailleurs parmi les scrabbleurs autour de cet ouvrage, épuré d’une soixantaine de mots, car jugés haineux. Exit asiate, nègre, nabot ou encore tarlouse. Hormis quelques précédents retraits au cas par cas, c’est une première dans l’histoire de ce dictionnaire publié tous les quatre ans. «Hier (vendredi, ndlr), on a joué boniche. C’est péjoratif, mais il n’est pas interdit», remarque le scrabbleur belge René Gotfryd. «Je suis absolument contre ces retraits. Nous ne jouons pas des mots, mais des suites de lettres répertoriées.» Ce type d’avis n’est pas isolé. «La très grande majorité des scrabbleurs est contre cette décision», confirme Franck Maniquant, observateur avisé, puisqu’il est l’unique scrabbleur francophone professionnel, auteur d’une méthode et dispensant de cours auprès des clubs.

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