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Courrier des lecteurs

Opinion. «Merci de ne m’avoir pas exaucé»


3 février 2024 à 02:05

Temps de lecture : 1 min

J’aime me retrouver dans la petite église de Bourguillon. Ses murs sont encore tapissés d’ex-voto, des plaques gravées en guise de remerciement pour des grâces divines accordées. Que l’on y croie ou non, ces phrases synthétisent à merveille les craintes et les espoirs de chacune et chacun d’entre nous. Bon nombre de ces messages de gratitude ont trait à la santé retrouvée, à une guérison considérée comme miraculeuse. D’autres concernent des malheurs ou tragédies évités. Toutes portent sur soi-même, l’auteur du message, ou ses proches, pour une prière exaucée. A les lire, on en arriverait presque à souhaiter avoir la foi…

Toutes les plaques? Non, il y a une exception. Parmi tous ces remerciements et témoignages de gratitude, l’un détonne et se distingue. Sans détails superflus, il va droit au cœur, comme une leçon à la fois de sagesse et de spiritualité. On y lit: «Ô Marie, merci de ne m’avoir pas exaucé puisque je vous demandais mon malheur.» A sa lecture, on se prend à imaginer un destin qui aurait pu mal tourner. Pourquoi pas un candidat à l’émigration vers les Etats-Unis en 1912, priant la Mère du Seigneur de faire en sorte qu’il puisse obtenir un billet pour franchir l’Atlantique. Et qui apprend quelque temps après que le Titanic sur lequel il aurait voulu embarquer a sombré corps et biens. Ou alors une jeune femme suppliant la Vierge Marie que l’élu de son cœur la demande enfin en mariage. Et de découvrir avec effroi des années plus tard que l’homme en question était violent et qu’il faisait vivre un enfer à l’autre femme qu’il a fini par épouser.

Comme un rayon de lumière dans l’obscurité

A moins que ce ne soit un artisan sans emploi qui espérait tellement être embauché dans une entreprise réputée. Avant que cette dernière ne soit impliquée dans une faillite retentissante aux conséquences délétères sur ses employés. La liste de nos souhaits s’égrène sans fin, aussi longue que nos craintes et nos peurs les plus enfouies: la maladie, la souffrance, la solitude, la pauvreté… Mais ces désirs sont myopes, ils ne s’inscrivent pas dans un tableau d’ensemble, limités par l’étroitesse de notre propre réflexion. Et là, comme un rayon de lumière dans l’obscurité, cette magnifique phrase qui vient nous secouer: «Merci de ne m’avoir pas exaucé.»

Puissions-nous nous souvenir de ces mots lorsque nous éprouvons de la frustration ou de la déception à ne pas obtenir ce que nous souhaitons! Lorsque nous sommes confrontés aux inévitables aléas de la vie qui nous font crier à l’injustice! Plus souvent qu’on ne le pense, la satisfaction de nos désirs – insoumis et infinis par nature – ne nous amène pas le bonheur escompté. Plus difficile à concevoir, les épreuves tant redoutées ne nous terrassent pas autant qu’on le craignait, nous faisant même croître, tant nous sommes des êtres résilients. La dernière partie de l’ex-voto ne cesse de me questionner. Il nous rappelle que, par méconnaissance, nous sommes prêts à souhaiter notre malheur. Et même à prier pour l’obtenir.

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