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Forum/Courrier des lecteurs

Les leçons de la Géorgie


22 février 2024 à 14:10

Temps de lecture : 1 min

Le 8 août 2008, Poutine envahit une partie de la Géorgie (Ossétie du Sud et Abkhazie). L’Occident a considéré cette attaque comme une crise régionale et ne s’en est pas trop ému. Il est vrai que Poutine a pris comme prétexte le bombardement par la Géorgie de Tskhinvali en Ossétie du Sud. Or, les troupes russes étaient déjà présentes sur ce territoire géorgien en appui aux troupes rebelles ossètes. Quoi qu’il en soit, il faut regarder au-delà de la maladresse de Saakachvili, le président géorgien, pour comprendre la raison profonde de l’attaque russe, comme le fait Sylvie Kauffmann, éditorialiste du Monde, dans son livre Les aveuglés. Il est probable que l’attaque russe aurait eu lieu même sans la provocation géorgienne.

De leur côté, la Pologne et les Etats baltes faisaient une lecture toute différente de celle des Européens de l’Ouest. Selon les autorités polonaises, baltes et finlandaises, Poutine avait un agenda beaucoup plus large. Le président polonais de l’époque, Lech Kaczynski (décédé accidentellement deux ans plus tard), avait prévenu ses collègues de l’Ouest: «Aujourd’hui la Géorgie, demain l’Ukraine, après-demain les Etats baltes et peut-être plus tard viendra le tour de mon pays, la Pologne!» La France de Sarkozy avait rapidement tenté de négocier un cessez-le-feu, mais sans mesurer la dimension stratégique de l’événement.

La même logique expansionniste de Poutine

L’accord, bâclé, ne prévoyait pas la défense de l’intégrité territoriale de la Géorgie et le statut de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, parties intégrantes du pays, n’était que très vaguement défini. Il en résulta que jamais les forces russes n’ont quitté ces deux régions géorgiennes (20% du territoire, 16% de sa population). Il faut dire que pour les dirigeants européens, le grand problème n’était pas la Géorgie, mais la grave crise financière internationale qui avait éclaté. Les capitales occidentales ont ainsi sous-estimé la dimension de la crise géorgienne et manqué la leçon qu’il fallait en tirer.

Pourtant le président Medvedev, qui avait pris provisoirement le relais de Poutine, exposa le 31 août 2008 les nouveaux principes de la politique extérieure russe: protection des populations russophones «où qu’elles soient» et affirmation d’«intérêts privilégiés» dans certaines régions. Pour Sylvie Kauffmann, cette déclaration équivaut à la revendication d’une sphère d’influence. Ces principes sont ceux qui seront utilisés pour justifier l’annexion de la Crimée et l’intervention dans le Donbass ukrainien en 2014. Il en ira de même pour l’Ukraine en 2022.

La guerre de Géorgie n’est pas finie puisque les troupes russes sont toujours présentes dans le pays. Et c’est avec la même logique expansionniste que Poutine s’est lancé dans la guerre en Ukraine. C’est pourquoi l’Ouest doit continuer de prendre cette guerre au sérieux, car il est dans son intérêt d’aider l’Ukraine et de faire comprendre par la force à Poutine qu’il doit stopper sa politique d’expansion. Faute de quoi d’autres territoires souverains voisins pourraient en faire les frais. L’enjeu du conflit ukrainien n’est pas que local, il est européen.

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