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Russie. Echange historique de prisonniers entre Moscou et les Occidentaux

La Russie et les Occidentaux ont échangé jeudi avec l'aide de la Turquie 26 de leurs ressortissants, dont le journaliste américain Evan Gershkovich. C'est le plus vaste échange de prisonniers depuis la fin de la guerre froide.

Joe Biden, ici avec des proches de détenus libérés, a salué "une prouesse diplomatique".KEYSTONE/AP/Evan Vucci

ATS
AFP

ATS et AFP

1 août 2024 à 15:14, mis à jour à 20:42

Temps de lecture : 4 min

Outre le reporter du Wall Street Journal détenu depuis mars 2023 figure également l'ex-Marine Paul Whelan, emprisonné pour espionnage en Russie depuis fin 2018.

Les services de renseignement turcs ont "mené à Ankara l'opération d'échange de prisonniers la plus importante de ces derniers temps", a indiqué la présidence turque, précisant qu'elle concernait "26 personnes provenant des prisons de sept pays différents (États-Unis, Allemagne, Pologne, Slovénie, Norvège, Russie et Biélorussie)".

Allemagne et Turquie louées

A Washington, le président Joe Biden a remercié les "décisions courageuses et audacieuses" prises par des alliés des Etats-Unis pour cet échange "historique", louant particulièrement le rôle de l'Allemagne et de la Turquie. Plus tôt, dans un communiqué, il avait qualifié l'échange de "prouesse diplomatique".

"Depuis la guerre froide, il n'y a jamais eu un nombre aussi important de personnes échangées de cette manière", s'est félicité Jake Sullivan, conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche". "Et il n'y a jamais eu, à notre connaissance, d'échange impliquant autant de pays". M. Sullivan a lui aussi souligné le "soutien logistique essentiel" apporté par la Turquie.

Navalny aussi prévu

La Maison Blanche a aussi indiqué que Washington avait travaillé à inclure l'ex-ennemi numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny, dans un accord, avant qu'il ne meure en février dans une prison de l'Arctique, dans des circonstances troubles.

"Dix prisonniers, dont deux mineurs, ont été transférés en Russie, treize en Allemagne et trois aux États-Unis", a précisé Ankara, qui a ensuite indiqué que les sept appareils impliqués dans l'opération avaient tous quitté son territoire.

Vadim Krassikov

Les services de sécurité russes (FSB) ont, eux, confirmé le retour de "huit citoyens russes" et "deux enfants mineurs". Le Kremlin a aussi annoncé que le président Vladimir Poutine avait gracié les treize personnes condamnées en Russie et libérées dans le cadre de l'accord avec les Occidentaux.

L'agent russe présumé Vadim Krassikov a été remis à la Russie, selon la présidence turque. Il était emprisonné en Allemagne pour l'assassinat d'un ex-commandant séparatiste tchétchène à Berlin.

Rico Krieger, un Allemand condamné au Bélarus pour "terrorisme" et "mercenariat", et l'opposant russe Ilia Iachine, condamné fin 2022 en Russie à huit ans et demi de prison pour avoir dénoncé des crimes imputés à Moscou en Ukraine, doivent, eux, rallier l'Allemagne.

Le gouvernement allemand a estimé jeudi que l'échange de prisonniers avec Moscou n'avait "pas été facile" mais s'imposait pour aider les personnes arbitrairement emprisonnées par Moscou et Minsk. Toutes les identités des personnes libérées n'ont pas été encore rendues publiques.

Proches accueillis par Biden

Selon M. Sullivan, le président Biden a accueilli "les membres des familles de MM. Gershkovich, Whelan, de l'opposant russe Vladimir Kara-Mourza et d'Alsu Kurmasheva, journaliste russo-américaine de Radio Free Europe/Radio Liberty qui était détenue en Russie. à la Maison Blanche" jeudi, alors que l'échange avec la Russie était en cours. Il souhaitait "partager avec eux la nouvelle" de leur libération prochaine.

S'agissant des "deux mineurs", ils seraient les enfants d'un couple d'espions russes, Artem Viktorovich Dultsev et Anna Valerevna Dultseva, arrêtés fin 2022 en Slovénie, et qui avaient été placés en famille d'accueil, selon les médias slovènes.

"Aucun des deux camps n'a gagné"

Il s'agit du premier échange entre Moscou et les Occidentaux depuis la libération fin 2022 de la joueuse américaine de basket Brittney Griner, détenue en Russie pour une affaire de stupéfiants, contre celle du célèbre trafiquant d'armes russe Viktor Bout, emprisonné aux Etats-Unis.

Pour Dmitri Oreschkine, un analyste politique indépendant basé à Riga, "aucun des deux camps n'a gagné". "C'est un match nul (...). Poutine n'aurait jamais autorisé un accord pouvant être interprété comme un succès pour l'Amérique, l'Allemagne ou l'Occident en général", a-t-il dit à l'AFP.

"Soulagés"

Les États-Unis ont fait pression sur Moscou pour obtenir la libération d'Evan Gershkovich, condamné le 19 juillet en Russie à 16 ans de prison à l'issue d'un procès expéditif pour "espionnage", une accusation jamais étayée.

Le journaliste, sa famille, ses proches ainsi que la Maison Blanche n'ont eu de cesse de dénoncer une affaire montée de toutes pièces. M. Gershkovich, ancien collaborateur de l'AFP, 32 ans, avait été arrêté alors qu'il était en reportage à Ekaterinbourg (Oural).

"Nous sommes immensément soulagés d'apprendre que le calvaire d'Evan Gershkovich, qui a duré 16 mois, devrait enfin prendre fin", a réagi l'ONG Reporters sans frontières.

Deux collaboratrices d'Alexeï Navalny, Lilia Tchanycheva et Ksenia Fadeïeva, figurent également parmi les personnes libérées.

Tout comme l'artiste Alexandra Skotchilenko, arrêtée en 2022 en Russie pour avoir remplacé des étiquettes de prix de supermarchés par des messages dénonçant l'offensive contre l'Ukraine, ou encore le jeune Russo-Allemand Kevin Lik.

Vladislav Kliouchine, condamné aux Etats-Unis pour fraude, fait également partie des prisonniers libérés.